Шарль Перро - Le Cabinet des Fées

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–Nous voilà! nous voilà!

Elle courut vite leur ouvrir la porte, et leur dit en les embrassant:

–Que je suis aîse de vous revoir, mes chers enfants! Vous êtes bien las et vous avez bien faim; et toi, Pierrot, comme te voilà crotté! viens que je te débarbouille.

Ce Pierrot était son fils aîné, qu'elle aimait plus que tous les autres, parce qu'il était un peu rousseau, 63 63 Un peu rousseau, a little red haired . et qu'elle était un peu rousse.

Ils se mirent à table, et mangèrent d'un appétit qui faisait plaisir au père et à la mère, à qui ils racontaient la peur qu'ils avaient eue dans la forêt, en parlant presque tous ensemble.

Ces bonnes gens étaient ravis de revoir leurs enfants avec eux, et cette joie dura tant que les dix écus durèrent; mais lorsque l'argent fut dépensé, ils retombèrent dans leur premier chagrin, résolurent de les perdre encore, et, pour ne pas manquer le coup, de les mener bien plus loin que la première fois. Ils ne purent parler de cela si secrètement, qu'ils ne fussent entendus par le petit Poucet, qui fit son compte de sortir d'affaire comme il avait déjà fait: mais quoiqu'il se fût levé de bon matin pour aller ramasser des petits cailloux, il ne put en venir à bout, car il trouva la porte de la maison fermée à double tour.

Il ne savait que faire, lorsque, la bûcheronne leur ayant donné à chacun un morceau de pain pour leur déjeuner, il songea qu'il pourrait se servir de son pain au lieu de cailloux, en le jetant par miettes le long des chemins où ils passeraient: il le serra 64 64 il le serra, he put it . donc dans sa poche.

Le père et la mère les menèrent dans l'endroit de la forêt le plus épais et le plus obscur; et dès qu'ils y furent, ils gagnèrent un faux-fuyant 65 65 Ils gagnèrent un faux-fuyant, they went by a false road . et les laissèrent là.

Le petit Poucet ne s'en chagrina pas beaucoup, parce qu'il croyait retrouver aisément son chemin par le moyen de son pain qu'il avait semé partout où il avait passé; mais il fut bien surpris lorsqu'il ne put en retrouver une seule miette: les oiseaux étaient venus, qui avaient tout mangé.

Les voilà donc bien affligés; car plus ils marchaient, plus ils s'égaraient, plus ils s'enfonçaient dans la forêt.

La nuit vint, et il s'éleva un grand vent qui leur faisait des peurs épouvantables. Ils pensaient n'entendre de tous côtés que des hurlements de loups qui venaient à eux pour les manger. Ils n'osaient presque se parler ni tourner la tête.

Il survint une grosse pluie qui les perça jusqu'aux os; ils glissaient à chaque pas, tombaient dans la boue, d'où ils se relevaient tout crottés, ne sachant que faire de leurs mains.

Le petit Poucet grimpa au haut d'un arbre pour voir s'il ne découvrirait rien: tournant la tête de tous côtés, il vit une petite lueur comme d'une chandelle, mais que était bien loin par delà la forêt. Il descendit de l'arbre, et lorsqu'il fut à terre il ne vit plus rien: cela le désola.

Cependant, ayant marché quelque temps avec ses frères du côté qu'il avait vu la lumière, il la revit en sortant du bois. Ils arrivèrent enfin à la maison où était cette chandelle, non sans bien des frayeurs, car souvent ils la perdaient de vue; ce qui leur arrivait toutes les fois qu'ils descendaient dans quelque fond.

Ils heurtèrent à la porte, et une bonne femme vint leur ouvrir. Elle leur demanda ce qu'ils voulaient.

Le petit Poucet lui dit qu'ils étaient de pauvres enfants qui s'étaient perdus dans la forêt, et qui demandaient à coucher par charité.

Cette femme, les voyant tous si jolis, se mit à pleurer, et leur dit:

–Hélas! mes pauvres enfants, où êtes-vous venus? Savez-vous bien que c'est ici la maison d'un ogre qui mange les petits enfants!

–Hélas! madame, lui répondit le petit Poucet, qui tremblait de toute sa force aussi bien que ses frères, que ferons-nous? Il est bien sûr que les loups de la forêt ne manqueront pas de nous manger cette nuit, si vous ne voulez pas nous retirer chez vous; et, cela étant, nous aimons mieux que ce soit monsieur qui nous mange: peut-être qu'il aura pitié de nous, si vous voulez bien l'en prier.

La femme de l'ogre, qui crut qu'elle pourrait les cacher à son mari jusqu'au lendemain matin, les laissa entrer, et les mena se chauffer auprès d'un bon feu; car il y avait un mouton tout entier à la broche pour le souper de l'ogre.

Comme ils commençaient à se chauffer, ils entendirent heurter trois ou quatre grands coups à la porte: c'était l'ogre qui revenait. Aussitôt sa femme les fit cacher sous le lit, et alla ouvrir la porte.

L'ogre demanda d'abord si le souper était prêt et si on avait tiré du vin; et aussitôt il se mit à table. Le mouton était encore tout sanglant, mais il ne lui sembla que meilleur. Il flairait à droite et à gauche, disant qu'il sentait la chair fraîche.

-Il faut, lui dit sa femme, que ce soit ce veau que je viens d'habiller; 66 66 Que je viens d'habiller, which I have just dressed . que vous sentez.

–Je sens la chair fraîche, te dis-je encore une fois, reprit l'ogre en regardant sa femme de travers, et il y a ici quelque chose que je n'entends pas.

En disant ces mots, il se leva de table et alla droit au lit.

-Ah! dit-il, voilà donc comme tu veux me tromper, maudite femme! Je ne sais à quoi il tient que je ne te mange aussi: bien t'en prend d'être une vieille bête! 67 67 bien t'en prend d'être une vieille bête, be thankful to be an old beast . Voilà du gibier qui me vient bien à propos pour traiter trois ogres de mes amis qui doivent me venir voir ces jours-ci.

Il les tira de dessous le lit l'un après l'autre.

Ces pauvres enfants se mirent à genoux en lui demandant pardon: mais ils avaient affaire au plus cruel de tous les ogres, qui, bien loin d'avoir de la pitié, les dévorait déjà des yeux, et disait à sa femme que ce serait là de friands morceaux, lorsqu'elle leur aurait fait une bonne sauce.

Il alla prendre un grand couteau; et, en approchant de ces pauvres enfants, il l'aiguisait sur une longue pierre qu'il tenait à sa main gauche.

Il en avait déjà empoigné un, lorsque sa femme lui dit:

–Que voulez-vous faire à l'heure qu'il est? N'aurez-vous pas assez de temps demain?

–Tais-toi! reprit l'ogre; ils en seront plus mortifiés.

–Mais vous avez encore tant de viande! reprit sa femme: voilà un veau, deux moutons et la moitié d'un cochon.

–Tu as raison, dit l'ogre, donne-leur bien à souper afin qu'ils ne maigrissent pas, et va les mener coucher.

La bonne femme fut ravie de joie et leur porta bien à souper; mais ils ne purent manger, tant ils étaient saisis de peur.

Pour l'ogre, il se remit à boire, ravi d'avoir de quoi si bien régaler ses amis. Il but une douzaine de coups 68 68 Une douzaine de coups, a dozen glasses . plus qu'à l'ordinaire; ce qui lui donna un peu dans la tête, et l'obligea de s'aller coucher.

L'ogre avait sept filles qui n'étaient encore que des enfants: ces petites ogresses avaient toutes le teint fort beau, parce qu'elles mangeaient de la chair fraîche, comme leur père; mais elles avaient des petits yeux gris et tout ronds, le nez crochu, et une fort grande bouche avec de longues dents fort aiguës et fort éloignées l'une de l'autre; elles n'étaient pas encore fort méchantes, mais elles promettaient beaucoup, car elles mordaient déjà les petits enfants pour en sucer le sang.

On les avait fait coucher de bonne heure, et elles étaient toutes sept dans un grand lit, ayant chacune une couronne d'or sur la tête.

Il y avait dans la même chambre un autre lit de la même grandeur: ce fut dans ce lit que la femme de l'ogre mit coucher les sept petits garçons; après quoi elle alla se coucher.

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