Chuck Palahniuk - Fight Club
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Titre original : FIGHT CLUB
© Chuck Palahniuk, 1996. Éditions Gallimard, 1999, pour la traduction française.
Chuck Palahniuk, qui vit actuellement à Portland, est diplômé de l’Université de l’Oregon. Son premier roman, Fight Club, a fait l’effet d’une bombe à sa publication en 1996 : il a révélé un monde au bord du chaos, perdu faute de révolution et, aussi, l’arrivée d’un nouveau talent fulgurant sur la scène littéraire.
Talent confirmé par Survivant, mise en scène édifiante d’un antihéros asservi et pathétique qui cherche le chemin d’une liberté impossible et insoutenable pour un esprit programmé dès l’enfance à être un esclave.
À Carol Meader, qui supporte toutes mes mauvaises manières.
REMERCIEMENTS
Je voudrais remercier les personnes dont les noms suivent pour leur amour et leur soutien en dépit, vous savez, de toutes les choses abominables qui arrivent :
Ina Gebert
Geoff Pleat
Mike Keefe
Michael Vern Smith
Suzie Vitello
Tom Spanbauer
Gerald Howard
Edward Hibbert
Gordon Growden
Dennis Stovall
Linni Stovall
Ken Foster
Monica Drake
Fred Palahniuk
CHAPITRE 1
Tyler me trouve un boulot comme serveur, après ça, y a Tyler qui me fourre une arme dans la bouche en disant :
— Le premier pas vers la vie éternelle, c’est que tu dois mourir.
Pendant un long moment pourtant, Tyler et moi avons été les meilleurs amis du monde. Les gens n’arrêtent pas de me demander : est-ce que j’étais au courant pour Tyler Durden ?
Le canon de l’arme appuyé sur le fond de ma gorge, Tyler dit :
— En fait, nous ne mourons pas vraiment.
Du bout de la langue, je sens les trous du silencieux que nous avons forés dans le canon de l’arme. La plus grande partie du bruit créé par une détonation d’arme à feu provient des gaz en expansion, et puis il y a ce minuscule boum ! que fait la balle tellement elle va vite. Pour fabriquer un silencieux, on fore simplement des trous dans le canon de l’arme, des tas de trous. Qui permettent aux gaz de s’échapper et ralentissent la balle à une vitesse inférieure à la vitesse du son.
Forez simplement les trous de travers et l’arme vous arrache la main en explosant.
— Ce n’est pas vraiment ça, la mort, dit Tyler. Nous deviendrons légende. Nous ne vieillirons jamais.
Je colle le canon au creux de ma joue d’un coup de langue et je dis : Tyler, c’est aux vampires que tu penses.
Le bâtiment sur lequel nous nous trouvons ne sera plus là d’ici dix minutes. Vous prenez de l’acide nitrique fumant concentré à quatre-vingt-dix-huit pour cent et vous l’ajoutez à trois fois sa quantité d’acide sulfurique. Opérez dans un bain de glace. Ensuite ajoutez la glycérine goutte à goutte à l’aide d’un instillateur de gouttes oculaires. Vous avez de la nitroglycérine.
Je sais cela parce que Tyler le sait.
Mélangez la nitro à de la sciure, et vous obtenez un gentil petit explosif modelable. Des tas de mecs mélangent leur nitro à du coton en ajoutant des sels de magnésie en guise de sulfate. Ça marche aussi. Y en a, ils se servent de paraffine mélangée à la nitro. La paraffine n’a jamais, jamais marché, en ce qui me concerne.
Et donc, Tyler et moi, nous nous trouvons au sommet de l’immeuble Parker-Morris, j’ai l’arme collée dans la bouche et nous entendons un bruit de verre qui se brise. Coup d’œil par-dessus le rebord. Le ciel est couvert, aujourd’hui, même à cette hauteur. Nous sommes ici sur l’immeuble le plus élevé du monde, et à cette hauteur, le vent est toujours froid. C’est tellement tranquille à cette hauteur, on y a le sentiment d’être un de ces singes qu’on vous expédie dans l’espace. À faire le petit boulot pour lequel on les a entraînés.
Tirer sur un levier.
Presser sur un bouton.
On ne comprend rien à rien de ce qu’on fait, et ensuite, on meurt, tout simplement.
Au sommet du cent quatre-vingt-onzième étage, on regarde par-dessus le rebord du toit et la rue loin en contrebas est toute mouchetée d’un tapis à longs poils de gens debout, la tête levée, les yeux au ciel. Le verre qui se brise est une fenêtre située immédiatement au-dessous de nous. Une fenêtre vole en éclats du flanc de l’immeuble, suivie par un bloc-classeur grand comme un réfrigérateur noir, immédiatement en dessous de nous, un meuble de classement à six tiroirs tombe droit comme une pierre, jaillissant de la face-falaise de l’immeuble, et tombe en tournoyant lentement, et tombe toujours, de plus en plus petit, et tombe pour disparaître au milieu de la foule entassée.
Quelque part dans les cent quatre-vingt-onze étages en dessous de nous, les singes de l’espace du Comité Malfaisance-Projet Chaos sont livrés à eux-mêmes, en pleine furie, et ils détruisent jusqu’à la dernière bribe d’histoire.
Ce vieux dicton, comme quoi on tue toujours celui ou celle qu’on aime, eh ben, faut bien dire, il marche dans les deux sens.
Avec une arme enfoncée dans la bouche et le canon de l’arme entre les dents, on ne peut plus parler qu’en voyelles.
Nous en sommes à nos toutes dernières dix minutes.
Une autre fenêtre explose et jaillit de l’immeuble, le verre gicle, étincelant, modèle vol de pigeons, et puis un bureau en bois sombre poussé par le Comité Malfaisance commence à apparaître, centimètre par centimètre, au flanc de l’immeuble jusqu’à basculer puis glisser et enfin se mettre à tournoyer sens dessus dessous pour se transformer en chose volante magique perdue dans la foule.
L’immeuble Parker-Morris ne sera plus là dans neuf minutes. Prenez suffisamment de gélatine explosive dont vous enveloppez les piles de fondations de n’importe quoi, et vous serez capable de faire basculer n’importe quel édifice au monde. Bien sûr, il vous faut la tasser et bien l’enserrer de sacs de sable de manière que l’effet de l’explosion proprement dite soit dirigé contre la colonne et ne se perde pas dans le garage souterrain à l’entour de la colonne.
Ce petit truc de savoir-faire ne se trouve dans aucun livre d’histoire.
Les trois façons de fabriquer du napalm : un, vous pouvez mélanger à parts égales essence et concentré de jus de fruits surgelé. Deux, vous pouvez mélanger à parts égales essence et Coca light. Trois, vous pouvez dissoudre de la litière à chat réduite en poussière dans l’essence jusqu’à obtenir une bouillie épaisse.
Demandez-moi comment fabriquer du gaz innervant. Oh, toutes ces bombes à voiture complètement dingues.
Neuf minutes.
L’immeuble Parker-Morris va basculer, de tous ses cent quatre-vingt-onze étages jusqu’au dernier, aussi lentement qu’un arbre qui s’abat dans une forêt. Timber. On peut faire dégringoler n’importe quoi. C’est complètement marteau de songer que l’endroit où l’on se tient ne sera plus qu’un point dans le ciel.
Tyler et moi au bord du toit, l’arme dans ma bouche, je me demande si cette arme est bien propre, tout compte fait.
Nous oublions tout bonnement jusqu’au plus petit détail de cette histoire de meurtre-suicide de Tyler en suivant des yeux un autre bloc-classeur qui sort du flanc de l’immeuble avant que ses tiroirs basculent et se mettent à s’ouvrir en plein ciel, des rames de papier blanc prises dans les courants ascendants et emportées par le vent.
Huit minutes.
Ensuite vient la fumée, la fumée qui commence à sortir des fenêtres brisées. L’équipe de démolition va mettre à feu la charge primaire dans peut-être huit minutes. La charge primaire fera sauter la charge principale, les piles des fondations vont s’effondrer, réduites en miettes, et les séries photos de l’immeuble Parker-Morris iront dans tous les livres d’histoire.
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