Brown, Dan - Forteresse digitale
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Fontaine regarda Jabba d’un air sévère.
— Et pour quoi est-il programmé ce ver ?
— Aucune idée. Pour le moment, il grandit et se fixe à toutes nos données secrètes. Après, il pourra faire n’importe quoi.
Effacer les fichiers, ou simplement imprimer des smiley sur nos transcriptions pour la Maison-Blanche.
Fontaine conservait son ton neutre et concentré.
— Vous pouvez l’arrêter ?
Jabba laissa échapper un soupir et se tourna vers l’écran.
— Je ne sais pas. Ça dépend à quel point son concepteur nous en veut.
Il pointa du doigt le message sur l’écran géant...
— Quelqu’un va-t-il enfin me dire ce qui se passe ?
SEULE LA VÉRITÉ POURRA VOUS SAUVER
ENTREZ LA CLÉ D’ACCÈS :
Personne ne lui répondit.
— On dirait que notre gugusse veut jouer avec nous, reprit-il. Nous faire chanter. Ça pue la demande de rançon à dix pas !
La voix de Susan n’était plus qu’un souffle vide et creux :
— C’est... Ensei Tankado.
Jabba se tourna vers elle, interdit.
– 349 –
— Tankado ?
Susan hocha la tête faiblement.
— Il voulait nous faire avouer... pour TRANSLTR... Mais ça lui a coûté la...
— Quoi ? l’interrompit Brinkerhoff, d’un air abasourdi.
Tankado veut qu’on reconnaisse l’existence de TRANSLTR ?
C’est un peu tard, non ? !
Susan ouvrit la bouche pour parler, mais Jabba intervint.
— Apparemment, Tankado a mis un antidote, annonça-t-il en regardant le message sur l’écran.
Tout le monde se tourna vers lui.
— Un antidote ? répéta Brinkerhoff.
— Oui. Un code pour stopper le ver. En gros, si nous dévoilons l’existence de TRANSLTR, Tankado nous donne l’antidote en échange. On l’entre dans l’ordi et la banque de données est sauvée. Bienvenue au royaume du braquage informatique !
Fontaine restait imperturbable.
— De combien de temps disposons-nous ?
— A peu près une heure, répondit Jabba. Juste assez pour convoquer la presse et vider notre sac.
— Vous avez une idée ? demanda Fontaine. Une proposition pour nous sortir de là ?
— Une proposition ? balbutia Jabba, incrédule. C’est pourtant évident... Arrêtez d’ergoter ! La voilà ma proposition !
— Tenez-vous, Jabba.
— Écoutez, chef... Tankado a la banque de données entre ses mains ! Quoi qu’il demande, accordez-le-lui. S’il veut que le monde soit au courant pour TRANSLTR, appelez CNN, et baissez votre froc ! De toute façon, TRANSLTR n’est plus qu’un trou dans le sol... alors qu’avez-vous à perdre ?
Il y eut un grand silence. Fontaine réfléchissait. Susan voulut parler, mais Jabba reprit :
— Vous espérez quoi, chef ? Appelez Tankado ! Dites-lui que vous cédez ! Il nous faut cet antidote, sinon, je ne réponds de rien.
Personne ne réagit.
– 350 –
— Vous êtes tous devenus fous ou quoi ? cria Jabba. Appelez Tankado, je vous dis ! Donnez-lui ce qu’il veut ! Rapportez-moi ce foutu antidote ! Allez !
Jabba saisit son téléphone portable et l’ouvrit brusquement.
— Très bien ! Je vais l’appeler moi-même ! Donnez-moi le numéro de ce connard...
— Inutile, lâcha Susan dans un murmure. Tankado est mort.
Jabba vacilla sous le choc, comme s’il avait reçu une balle en plein ventre. Le géant de la Sys-Sec était sur le point de s’écrouler.
— Mort ? Ça veut donc dire... qu’on ne peut pas...
— Ça veut dire... qu’il faut trouver une autre solution !
répliqua Fontaine, pragmatique.
Soudain, une voix retentit au fond de la salle :
— Jabba ! Jabba !
C’était Soshi Kuta, sa technicienne en chef. Elle se précipita vers eux, avec un long listing, l’air terrifié.
— Jabba ! dit-elle hors d’haleine. Le ver... Je viens de trouver ce pour quoi il est programmé !
Soshi remit le document à Jabba.
— J’ai extrait ça du rapport d’activité système. Nous avons isolé les commandes d’exécution du ver... regardez ces instructions ! Regardez ce qu’il va faire !
Le chef de la Sys-Sec étudia le document, puis s’accrocha à la rampe, pris de vertige.
— Oh mon Dieu, balbutia-t-il. Tankado... espèce de salaud !
– 351 –
110.
Jabba regardait fixement le document que Soshi venait de lui remettre. Livide, il s’épongea le front du revers de sa manche.
— Chef, nous n’avons pas le choix. Il faut débrancher la banque de données.
— Hors de question, répliqua Fontaine. Ce serait un désastre.
Le directeur avait raison. La banque gérait plus de trois mille connexions haut débit provenant des quatre coins de la planète. Chaque jour, les forces militaires consultaient les clichés des satellites espions pour suivre les mouvements ennemis en temps réel. Des ingénieurs téléchargeaient une partie des plans ultrasecrets d’une nouvelle arme en cours de construction. Des agents de terrain venaient y chercher leur ordre de mission. La banque de données de la NSA était la colonne vertébrale de milliers d’opérations américaines à travers le globe. L’éteindre brusquement rendrait le renseignement américain muet et aveugle.
— Je suis conscient des implications, chef, insista Jabba.
Mais nous n’avons pas le choix.
— Expliquez-vous ! ordonna Fontaine.
Le directeur lança un coup d’œil vers Susan qui paraissait totalement ailleurs...
Jabba prit une profonde inspiration et s’épongea à nouveau le front. A voir l’expression de son visage, tout le monde devinait que l’explication allait être douloureuse à entendre.
— Ce ver... Ce ver n’est pas un programme de destruction ordinaire. C’est un prédateur sélectif. En d’autres termes, il choisit ses mets.
Brinkerhoff ouvrit la bouche pour parler, mais Fontaine l’arrêta d’un mouvement de bras.
— La plupart des applications destructrices font le grand nettoyage dans les banques de données, continua Jabba. Mais
– 352 –
celle-ci est plus complexe. Ce ver ne va manger que les fichiers comportant certains paramètres spécifiques.
— Vous voulez dire qu’il ne va pas s’attaquer à toutes les données ? demanda Brinkerhoff avec une lueur d’espoir. C’est plutôt une bonne nouvelle, non ?
— Non ! explosa Jabba. C’est une très mauvaise nouvelle, bordel de merde !
— Du calme ! ordonna Fontaine. Quelles sont les infos qu’il recherche ? Les données militaires ? Les missions secrètes ?
Jabba secoua la tête. Il jeta un regard vers Susan, totalement absente, puis releva les yeux vers le directeur.
— Comme vous le savez, tous les gens de l’extérieur qui veulent accéder aux données doivent franchir une série de portails de sécurité.
Fontaine acquiesça. Les hiérarchies d’accès étaient sans faille. Les personnes autorisées pouvaient consulter la banque via le Web. En fonction de leurs codes d’accès, il leur était permis de ne voir que les informations les concernant.
— Comme nous sommes reliés au réseau mondial, expliqua Jabba, les pirates, les puissances ennemies, l’EFF et autres requins, harcèlent la banque de données vingt-quatre heures sur vingt-quatre dans l’espoir de percer une brèche.
— Oui, dit Fontaine. Et, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, nos filtres de sécurité les empêchent d’entrer. Où voulez-vous en venir, au juste ?
Jabba observa le document.
— À ceci : le ver de Tankado ne vise pas nos données. (Il s’éclaircit la gorge.) Sa cible, ce sont nos filtres.
Fontaine pâlit en mesurant les conséquences. Ces défenses garantissaient la confidentialité des données. Sans elles, n’importe qui pouvait y avoir accès.
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