Michel Benoît - Le secret du treizième apôtre

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Le secret du treizième apôtre: краткое содержание, описание и аннотация

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Cette habitude qu'il avait d'observer les petits détails... Elle lui venait sans doute de toute une vie penché sur les manuscrits les plus obscurs.

Il appuya sa tête contre la vitre, et regarda distraitement la route qui longeait la voie de chemin de fer.

Depuis deux mois déjà, il aurait dû renvoyer à Rome, traduit et analysé, le manuscrit copte de Nag Hamadi. La traduction, il l'avait réussie rapidement. Mais le rapport d'analyse qui devait l'accompagner ! Il n'était pas arrivé à le rédiger. Impossible de tout dire, surtout par écrit.

Trop dangereux.

Alors ils l'avaient convoqué. Dans les bureaux de la Congrégation pour la doctrine de la foi – l'ancienne Inquisition –, il n'avait pu échapper aux questions de ses interlocuteurs. Il aurait voulu ne pas leur parler de ses hypothèses, se réfugier dans les problèmes techniques de traduction. Mais le cardinal, et surtout le redoutable minutante 1, l'avaient poussé dans ses retranchements et l'avaient obligé d'en dire plus qu'il ne souhaitait. Puis ils l'avaient interrogé sur la dalle de Germigny : les visages s'étaient fermés un peu plus.

Finalement, il était allé à la réserve de la Bibliothèque vaticane. Là, le passé douloureux de sa famille l'avait brutalement rejoint – c'était peut-être le prix à payer pour voir, enfin, la preuve matérielle de ce qu'il soupçonnait depuis si longtemps. Alors il avait dû quitter précipitamment San Girolamo, reprendre le train pour l'abbaye : il était en danger. C'est la paix qu'il voulait, rien que la paix. Sa place n'était pas au milieu de ces machinations, il n'était pas chez lui à Rome. Mais était-il encore chez lui quelque part ? En entrant à l'abbaye, il avait changé une seconde fois de patrie, et la solitude l'avait investi.

Maintenant, l'énigme était résolue. Que dirait-il au père Nil, à son retour ? Nil si réservé, et qui avait déjà parcouru, seul, une partie du chemin... Il le mettrait sur la voie. Ce que lui avait découvert au cours de toute une vie de recherches, Nil devrait le trouver par lui-même.

Et s'il lui arrivait quelque chose... Nil serait digne de transmettre, à son tour.

Le père Andrei ouvrit sa sacoche, et farfouilla sous le regard impassible du passager d'en face. Finalement, qu'ils ne soient que trois dans un compartiment prévu pour six, c'était plutôt agréable. Il avait pu retirer sa veste de clergyman trop neuve et la poser à droite, sans la froisser, sur la banquette vide. Il finit par trouver ce qu'il cherchait : un crayon, et un petit carré de papier. Rapidement il nota quelques mots, en logeant le papier dans le creux de sa main gauche, replia machinalement ses doigts dessus et rejeta la tête en arrière.

Le bruit du train, répercuté en écho par les arbres qui bordaient la route, l'engourdissait. Il sentit qu'il allait s'assoupir...

Tout alla alors extrêmement vite. Le voyageur en face de lui posa tranquillement son journal, et se leva. Au même moment, dans le coin couloir, le visage du blond se figea. Il se dressa et s'approcha comme pour prendre quelque chose dans le filet au-dessus de lui. Andrei leva machinalement les yeux : le filet était vide.

Il n'eut pas le temps de réfléchir : les cheveux dorés se penchaient vers lui, et il vit la main de l'homme se tendre vers sa veste posée sur la banquette.

Soudain ce fut l'obscurité : on avait jeté la veste sur sa tête. Il sentit deux bras musculeux le ceinturer, plaquant le vêtement contre son torse, et qui le soulevaient de terre. Son cri stupéfait fut étouffé par le tissu. Prestement il se retrouva face vers le sol, entendit le crissement de la fenêtre qui s'abaissait, perçut le métal de la barre d'appui contre ses hanches. Il se débattait, mais tout le haut de son corps était suspendu dans le vide, hors du train, et le vent le giflait violemment sans écarter les pans de la veste maintenue contre son visage par une main ferme.

Il suffoquait : « Qui sont-ils ? Je devais m'y attendre, après tant d'autres depuis deux mille ans. Mais pourquoi maintenant, et pourquoi ici ? »

Sa main gauche, coincée entre la barre d'appui et son ventre, restait crispée sur le carré de papier.

Il sentit qu'on le faisait basculer vers l'avant.

1 Secrétaire d'une congrégation romaine, de rang inférieur, qui rédige les « minutes » des actes pontificaux.

2.

Mgr Alessandro Calfo était satisfait. Avant de quitter la grande salle oblongue proche du Vatican, les Onze lui avaient donné carte blanche : on ne pouvait prendre aucun risque. Depuis quatre siècles, ils étaient les seuls à veiller sur le trésor le plus précieux de l'Église catholique, apostolique et romaine. Ceux qui l'approchaient de trop près devaient être neutralisés.

Il s'était bien gardé de tout dire au cardinal. Pourrait-on garder longtemps le secret ? Mais s'il était divulgué, ce serait la fin de l'Église, la fin de la chrétienté tout entière. Et un coup terrible pour l'Occident, déjà très mal en point face à l'islam. Immense responsabilité, qui reposait sur les épaules de douze hommes : la Société Saint-Pie V avait été créée dans le seul but de protéger ce secret, et Calfo en était le recteur.

Il s'était contenté d'affirmer au cardinal qu'il n'existait encore que des indices éparpillés, que seuls quelques érudits au monde étaient capables de comprendre et d'interpréter. Mais il avait caché l'essentiel : si ces indices, reliés entre eux, étaient livrés à la connaissance du grand public, ils pourraient mener jusqu'à la preuve absolue, indiscutable. C'est pourquoi il importait que les pistes existantes restent dispersées. Quiconque serait assez malveillant – ou seulement assez perspicace – pour les réunir, deviendrait capable de découvrir la vérité.

Il se leva, fit le tour de la table, et se campa devant le crucifix sanglant.

« Maître ! Tes douze apôtres veillent sur toi. »

Machinalement, il fit tourner autour de son annulaire droit la bague qui l'encerclait. La pierre précieuse, un jaspe vert foncé parsemé de taches rouges, était anormalement épaisse – même pour Rome où les prélats affectionnent les signes ostentatoires de leur dignité. À chaque instant, ce vénérable bijou lui rappelait la nature exacte de sa mission.

Quiconque parvient au secret doit être consumé par lui, et disparaître !

3.

Au maximum de sa vitesse, le train s'enfonçait dans la plaine de Sologne comme un serpent lumineux. Le corps toujours cassé en deux, le torse fouetté par le vent, le père Andrei s'arc-boutait contre la pression des deux mains fermes qui le poussaient vers le gouffre. Soudain, il relâcha tous ses muscles.

« Dieu, je t'ai cherché dès l'aurore de ma vie : voici venue sa fin. »

Avec un han ! le voyageur trapu lança Andrei dans le vide tandis que son compagnon, immobile et comme statufié derrière lui, contemplait la scène.

Ainsi qu'une feuille morte, le corps tourbillona et alla s'écraser sur le ballast.

Le Rome express essayait décidément de rattraper son retard : en moins d'une minute, il n'y eut plus sur le côté de la voie qu'un pantin disloqué dans les remous de l'air glacial. La veste avait volé au loin. Curieusement, le coude gauche d'Andrei était resté coincé entre deux traverses : son poing, toujours crispé sur le carré de papier, pointait maintenant vers le ciel noir et muet, dans lequel les nuages roulaient lourdement vers l'est.

Un peu plus tard, une biche sortit de la forêt proche et vint renifler cet objet informe qui sentait l'homme. Elle connaissait l'odeur âcre que les humains dégagent quand ils ont eu très peur. La biche flaira longuement le poing fermé d'Andrei, grotesquement érigé vers le ciel.

Soudain elle releva la tête puis bondit de côté et s'abrita vivement sous le couvert des arbres. Une voiture l'avait éclairée de ses phares et freinait brusquement sur la route en contrebas. Deux hommes en sortirent, escaladèrent le talus et se penchèrent sur le corps informe. La biche s'immobilisa : ils étaient redescendus maintenant, et restaient debout près de la voiture en parlant avec animation.

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