XX - Etudes de moeurs [Document électronique]
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Alexandre Dumas
LES QUARANTE-CINQ
Tome III
(1847 – 1848)
Table des matières
TROISIÈME PARTIE
LXIV Préparatifs de bataille ..................................................... 5
LXV Monseigneur ................................................................... 19
LXVI Français et Flamands .................................................... 36
LXVII Les voyageurs ............................................................... 52
LXVIII Explication .................................................................. 63
LXIX L’eau .............................................................................. 75
LXX La fuite ............................................................................ 87
LXXI Transfiguration ........................................................... 102
LXXII Les deux frères ........................................................... 109
LXXIII L’expédition ............................................................... 121
LXXIV Paul-Émile ................................................................ 133
LXXV Un des souvenirs du duc d’Anjou .............................. 144
LXXVI Séduction .................................................................. 166
LXXVII Le voyage ................................................................. 181
LXXVIII Comment le roi Henri III n’invita point Crillon à
déjeuner, et comment Chicot s’invita tout seul ..................... 191
LXXIX Comment après avoir reçu des nouvelles du Midi,
Henri en reçut du Nord .......................................................... 211
LXXX Les deux compères ..................................................... 226
LXXXI La corne d’abondance ............................................... 236
LXXXII Ce qui arriva dans le réduit de maître Bonhomet .. 244
LXXXIII Le mari et l’amant .................................................. 270
LXXXIV Comment Chicot commença à voir clair dans la
lettre de M. de Guise ............................................................ 283
LXXXV Le cardinal de Joyeuse ............................................ 295
LXXXVI On a des nouvelles d’Aurilly .................................. 307
LIXXVII Doute ...................................................................... 315
LXXXVIII Certitude .............................................................. 326
LXXXIX Fatalité ...................................................................338
XC Les hospitalières ............................................................ 348
XCI Son altesse monseigneur le duc de Guise ..................... 361
Bibliographie – Œuvres complètes ...................................... 366
À propos de cette édition électronique ................................. 391
– 3 –
TROISIÈME PARTIE
– 4 –
LXIV
Préparatifs de bataille
Le camp du nouveau duc de Brabant était assis sur les deux rives de l’Escaut : l’armée, bien disciplinée, était cependant agitée d’un esprit d’agitation facile à comprendre.
En effet, beaucoup de calvinistes assistaient le duc d’Anjou, non point par sympathie pour le susdit duc, mais pour être aussi désagréables que possible à l’Espagne, et aux catholiques de France et d’Angleterre ; ils se battaient donc plutôt par amour-propre que par conviction ou par dévoûment, et l’on sentait bien que la campagne une fois finie, ils abandonneraient le chef ou lui imposeraient des conditions.
D’ailleurs ces conditions, le duc d’Anjou laissait toujours croire qu’à l’heure venue, il irait au devant d’elles. Son mot favori était : « Henri de Navarre s’est bien fait catholique, pourquoi François de France ne se ferait-il pas huguenot ? »
De l’autre côté, au contraire, c’est-à-dire chez l’ennemi, existaient, en opposition avec ces dissidences morales et politiques, des principes distincts, une cause parfaitement arrêtée, le tout parfaitement pur d’ambition ou de colère.
Anvers avait d’abord eu l’intention de se donner, mais à ses conditions et à son heure ; elle ne refusait pas précisément François, mais elle se réservait d’attendre, forte par son assiette, par le courage et l’expérience belliqueuse de ses habitants ; elle savait d’ailleurs qu’en étendant le bras, outre le duc de Guise en observation dans la Lorraine, elle trouvait Alexandre Farnèse dans le Luxembourg. Pourquoi, en cas d’urgence, n’accepterait-
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elle pas les secours de l’Espagne contre Anjou, comme elle avait accepté le secours d’Anjou contre l’Espagne ?
Quitte, après cela, à repousser l’Espagne après que l’Espagne l’aurait aidée à repousser Anjou.
Ces républicains monotones avaient pour eux la force d’airain du bon sens.
Tout à coup ils virent apparaître une flotte à l’embouchure de l’Escaut, et ils apprirent que cette flotte arrivait avec le grand amiral de France, et que ce grand amiral de France amenait un secours à leur ennemi.
Depuis qu’il était venu mettre le siège devant Anvers, le duc d’Anjou était devenu naturellement l’ennemi des Anversois.
En apercevant cette flotte, et en apprenant l’arrivée de Joyeuse, les calvinistes du duc d’Anjou firent une grimace presque égale à celle que faisaient les Flamands. Les calvinistes étaient fort braves, mais en même temps fort jaloux ; ils passaient facilement sur les questions d’argent, mais n’aimaient point qu’on vînt rogner leurs lauriers, surtout avec des épées qui avaient servi à saigner tant de huguenots au jour de la Saint-Barthélemy.
De là, force querelles qui commencèrent le soir même de l’arrivée de Joyeuse, et se continuèrent triomphalement le lendemain et le surlendemain.
Du haut de leurs remparts, les Anversois avaient chaque jour le spectacle de dix ou douze duels entre catholiques et huguenots. Les polders servaient de champ clos, et l’on jetait dans le fleuve beaucoup plus de morts qu’une affaire en rase campagne n’en eût coûté aux Français. Si le siège d’Anvers, comme celui de Troie, eût duré neuf ans, les assiégés n’eussent eu besoin de rien faire autre chose que de regarder faire les
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assiégeants ; ceux-ci se fussent certainement détruits eux-mêmes.
François faisait, dans toutes ces querelles, l’office de médiateur, mais non sans d’énormes difficultés ; il y avait des engagements pris avec les huguenots français : blesser ceux-ci, c’était se retirer l’appui moral des huguenots flamands, qui pouvaient l’aider dans Anvers.
D’un autre côté, brusquer les catholiques envoyés par le roi pour se faire tuer à son service, était pour le duc d’Anjou chose non seulement impolitique, mais encore compromettante.
L’arrivée de ce renfort, sur lequel le duc d’Anjou lui-même ne comptait pas, avait bouleversé les Espagnols, et de leur côté les Lorrains en crevaient de fureur.
C’était bien quelque chose pour le duc d’Anjou que de jouir à la fois de cette double satisfaction.
Mais le duc ne ménageait point ainsi tous les partis sans que la discipline de son armée en souffrît fort.
Joyeuse, à qui la mission n’avait jamais souri, on se le rappelle, se trouvait mal à l’aise au milieu de cette réunion d’hommes si divers de sentiments ; il sentait instinctivement que le temps des succès était passé. Quelque chose comme le pressentiment d’un grand échec courait dans l’air, et, dans sa paresse de courtisan comme dans son amour-propre de capitaine, il déplorait d’être venu de si loin pour partager une défaite.
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