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20 heures
Le révérend David Kellergan, paniqué, composa le numéro d’urgence de la police pour indiquer que sa fille, Nola, quinze ans, avait disparu. C’est un adjoint du shérif du comté venu en renfort qui arriva le premier au 245 Terrace Avenue, aussitôt suivi par Travis Dawn. À vingt heures quinze, le Chef Pratt arriva à son tour sur place. La conversation entre Deborah Cooper et l’opérateur de la centrale de police ne laissait aucun doute possible : c’était Nola Kellergan qui avait été vue à Side Creek Lane.
À vingt heures vingt-cinq, le Chef Pratt envoya un nouveau message d’alerte générale confirmant la disparition de Nola Kellergan, quinze ans, localisée pour la dernière fois une heure plus tôt à Side Creek Lane. Il demanda l’émission d’un avis de recherche pour une jeune fille, blanche, 5,2 pieds de haut, cent livres, cheveux longs blonds, yeux verts, vêtue d’une robe rouge, portant un collier en or avec le prénom NOLA inscrit dessus.
Des renforts de police affluaient de tout le comté. Pendant qu’une première phase de fouille de la forêt et de la plage débutait dans l’espoir de retrouver Nola Kellergan avant la nuit, des patrouilles sillonnaient la région à la recherche de la Chevrolet noire dont on avait, pour le moment, perdu la trace.
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21 heures
À vingt et une heures, des unités de la police d’État arrivèrent à Side Creek Lane, sous le commandement du capitaine Neil Rodik. Des équipes de la brigade scientifique furent également dépêchées chez Deborah Cooper et dans la forêt, là où avaient été trouvées les traces de sang. Des puissants groupes halogènes furent installés pour éclairer la zone ; on y releva des touffes de cheveux blonds arrachés, des éclats de dents et des lambeaux de tissu rouge.
Rodik et Pratt, observant la scène de loin, firent le point de la situation.
— On dirait que ça a été une véritable boucherie, dit Pratt.
Rodik acquiesça puis il demanda :
— Et vous pensez qu’elle est encore dans la forêt ?
— Soit elle a disparu dans cette voiture, soit elle est dans la forêt. La plage, elle, a déjà été passée au peigne fin. Rien à signaler.
Rodik resta pensif un instant.
— Qu’a-t-il bien pu se passer ? A-t-elle été emmenée loin d’ici ? Gît-elle quelque part dans les bois ?
— J’y comprends rien, soupira Pratt. Tout ce que je veux, c’est retrouver cette gamine vivante et très vite.
— Je sais, Chef. Mais avec tout le sang qu’elle a perdu, si elle est encore vivante quelque part dans cette forêt, elle doit être dans un sale état. À se demander comment elle a pu trouver la force de se rendre jusqu’à cette maison. La force du désespoir, sans doute.
— Sans doute.
— Pas de nouvelles de la voiture ? demanda encore Rodik.
— Aucune. Un vrai mystère. Pourtant, il y a des barrages absolument partout, dans toutes les directions possibles.
Lorsque des agents découvrirent des traces de sang menant de la maison de Deborah Cooper jusqu’à l’endroit où avait été repérée la Chevrolet noire, Rodik eut une moue résignée.
— J’aime pas jouer les oiseaux de mauvais augure, dit-il, mais soit elle s’est traînée quelque part pour mourir, soit elle a fini dans le coffre de cette voiture.
À vingt et une heures quarante-cinq, alors que le jour n’était plus qu’un halo flottant au-dessus de la ligne d’horizon, Rodik demanda à Pratt d’interrompre les recherches pour la nuit.
— Interrompre les recherches ? protesta Pratt. Vous n’y pensez pas. Imaginez qu’elle soit quelque part, juste là, encore vivante, à attendre des secours. On ne va quand même pas abandonner cette gamine dans la forêt ! Les gars y passeront la nuit s’il le faut, mais si elle est là, ils la retrouveront.
Rodik était un officier de terrain expérimenté. Il savait que les polices locales étaient parfois naïves et une partie de son métier consistait à convaincre leurs responsables de la réalité de la situation.
— Chef Pratt, vous devez lever les recherches. Cette forêt est immense, on ne voit plus rien. Une fouille de nuit est inutile. Au mieux, vous épuiserez vos ressources et vous devrez tout recommencer demain. Au pire, vous allez perdre des flics dans cette forêt gigantesque et il faudra ensuite se mettre à leur recherche également. Vous avez déjà assez de soucis comme ça sur les épaules.
— Mais il faut la retrouver !
— Chef, croyez-en mon expérience : passer la nuit dehors ne servira à rien. Si la petite est en vie, même blessée, nous la retrouverons demain.
Pendant ce temps, à Aurora, la population était dans tous ses états. Des centaines de badauds se pressaient autour de la maison des Kellergan, difficilement contenus par les bandes de police. Tout le monde voulait savoir ce qui s’était passé. Lorsque le Chef Pratt retourna sur place, il fut obligé de confirmer les différentes rumeurs : Deborah Cooper était morte, Nola avait disparu. Il y eut des cris d’effroi dans la foule ; les mères de famille ramenèrent leurs enfants à la maison et s’y barricadèrent, tandis que les pères ressortirent leurs vieux fusils et s’organisèrent en milices citoyennes pour surveiller les quartiers. La tâche du Chef Pratt se compliquait : il ne fallait pas que la ville cède à la panique. Des patrouilles de police sillonnèrent les rues sans relâche pour rassurer la population, tandis que des agents de la police d’État se chargeaient de faire du porte-à-porte pour recueillir les témoignages des voisins de Terrace Avenue.
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23 heures
Dans la salle de réunion du poste de police d’Aurora, le Chef Pratt et le capitaine Rodik firent le point. Les premiers éléments de l’enquête indiquaient qu’il n’y avait aucune trace d’effraction ni de bagarre dans la chambre de Nola. Juste la fenêtre grande ouverte.
— La petite a-t-elle emporté des affaires ? demanda Rodik.
— Non. Ni affaires, ni argent. Sa tirelire est intacte, il y a cent vingt dollars à l’intérieur.
— Ça pue l’enlèvement.
— Et personne parmi les voisins n’a remarqué quoi que ce soit.
— Ça ne m’étonne pas. Quelqu’un aura convaincu la fillette de le suivre.
— Par la fenêtre ?
— Peut-être. Ou pas. On est au mois d’août, tout le monde garde la fenêtre ouverte. Peut-être qu’elle est sortie se promener et qu’elle a fait une mauvaise rencontre.
— Apparemment, un témoin, un certain Gregory Stark, a déclaré avoir entendu des cris chez les Kellergan en promenant son chien. C’était autour de dix-sept heures, mais il n’est pas sûr.
— Comment ça, pas sûr ? demanda Rodik.
— Il dit qu’il y avait de la musique chez les Kellergan. De la musique très forte.
Rodik pesta :
— On n’a rien : pas d’indice, pas de trace. C’est comme un fantôme. On a juste cette gamine aperçue quelques instants, en sang, paniquée, et appelant à l’aide.
— Selon vous, qu’est-ce qu’il convient de faire à présent ? demanda Pratt.
— Croyez-moi, vous avez fait ce que vous avez pu pour ce soir. Il est temps de vous concentrer sur la suite. Renvoyez tout le monde se reposer, mais maintenez les barrages sur les routes. Préparez un plan de fouille de la forêt, il faudra reprendre les recherches demain à l’aube. Vous êtes le seul à pouvoir mener les recherches, vous connaissez la forêt par cœur. Renvoyez aussi un communiqué à toutes les polices, essayez de donner des détails précis sur Nola. Un bijou qu’elle porterait, un détail physique qui la différencierait et qui permettrait à des témoins de l’identifier. Je transmettrai ces informations au FBI, aux polices des États voisins et à la police des frontières. Je vais demander un hélicoptère pour demain et des renforts en chiens. Dormez aussi un peu, si vous le pouvez. Et priez. J’aime mon métier, Chef, mais les enlèvements d’enfants, c’est plus que je ne puis supporter.
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