Andreï Makine - La terre et le ciel de Jacques Dorme

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Andreï Makine: " L'écriture est une vision "
«C'est alors que, d'une voix presque éteinte, en acceptant l'échec et ne demandant plus rien, je parlai de Jacques Dorme. Je réussis à dire sa vie en quelques phrases brèves, nues. Je me trouvais dans un état d'abattement tel que j'entendais à peine ce que je disais. Et c'est dans cet état seulement que je fus capable d'exprimer toute la douloureuse vérité de cette vie. Un aviateur venu d'un pays lointain rencontre une femme du même pays et, pendant très peu de jours, dans une ville dont il ne restera bientôt que des ruines, ils s'aiment; puis il part au bout de la terre pour conduire les avions destinés au front, et meurt, en s'écrasant sur un versant de glace, sous le ciel blême du cercle polaire. Je l'avais dit autrement. Non pas mieux, mais plus brièvement encore, plus près de l'essence de leur amour.»

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«Alors, ils ne t'ont rien donné à bouffer, ces crache-propre? demanda-t-il en enlevant son paletot.

– Non, rien», toussotai-je dans une nouvelle contraction de la gorge, surpris par ce qualificatif appliqué aux autres.

«Bon, tant pis pour eux. Ils ont tous les jours la même tambouille à faire pisser les cafards. Nous, on va goûter ça…»

En un tour de main, il transforma la remise en une salle à manger. Le couvercle d'une caisse posée sur un seau forma la table. Deux autres seaux, retournés, devinrent chaises. Du journal déplié surgit un poisson grillé, au corps large et recourbé, aux nageoires noircies par le feu… Nous nous mîmes à manger. Village me raconta ses pêches clandestines, ses astuces pour quitter l'orphelinat. De temps en temps, il tendait l'oreille, puis reprenait son récit sur un ton plus sourd… A la fin de notre repas, des pas derrière la porte nous firent sursauter. La voix d'un surveillant cria mon nom. Village se redressa, me tendit un seau et, ouvrant la porte, se cacha derrière elle.

«Qu'est-ce que tu fais là? demanda l'homme, la main tapotant sur le mur mais ne trouvant pas l'interrupteur.

– Mais j'étais en train de ranger le seau, c'est tout», répondis-je avec une assurance hargneuse qui m'étonna moi-même.

Le surveillant, toujours dans la pénombre, renifla l'air, mais sa supposition lui parut tellement fantaisiste qu'il se retira en bougonnant:

«Bon, range donc tout ça et vite au lit.» Coincé derrière la porte, Village levait son pouce: «Bien joué!»

C'est à l'étage des dortoirs, avant de nous séparer, qu'il me dirait avec cette intonation inégale qui traduit les paroles profondément enfouies et dont la remontée brusque vers les lèvres fait mal: «Tu sais… mon père, on l'a aussi… abattu. Avec un camarade, il voulait s'évader… Mais le garde les a surpris et les a mitraillés. Un vieux me racontait que dans les camps, les fuyards tués, on les laissait pendant trois jours bien en vue, devant les baraques, pour que les autres sachent ce qui les attendait… Et ma mère, quand elle a appris ça, elle s'est mise à boire, et quand elle est morte, le médecin a expliqué qu'elle était comme qui dirait brûlée de l'intérieur. Et juste avant, elle répétait tout le temps: " C'est pour te voir qu'il a fait ça. " Mais moi je ne la croyais pas vraiment…»

L'amitié peu bavarde qui nous lia m'apprit beaucoup. Le paria le plus méprisé de l'orphelinat, Village, était en réalité le plus libre parmi nous. On le voyait presque chaque jour exécuter la corvée des ordures mais nous ne savions pas qu'il se proposait lui-même et pouvait ainsi passer de longs moments volés à arpenter les berges de la rivière, s'aventurant même jusqu'à la Volga. Il était aussi le seul à accepter la réalité, à ne Pas invoquer le fantôme de l'officier qui allait frapper à la porte de la classe. En fait, il n'acceptait pas cette réalité construite pour nous, avec ses mythes, ses héros déchus, ses livres brûlés dans le poêle de la chaufferie. Et tandis que, avant le début des cours, nous étions alignés, classe par classe, dans le couloir et écoutions, sans écouter, la vocifération chantée du haut-parleur («Le parti de Lénine, force populaire, nous conduit au triomphe du communisme!»), Village se glissait à travers les saulaies, dans le brouillard du matin, dans le fragile éveil des eaux bordées par les premières glaces. C'était là sa réalité.

Je me disais que mon «estran» n'était pas si éloigné des matinées brumeuses de Village.

Le pays de l'estran, pays refuge, où il m'était encore possible de rêver, se découvrait par fragments, sans logique, au milieu des vestiges de la bibliothèque de Samoïlov. C'est là qu'un jour je mis la main sur une page arrachée, marquée par le feu, avec ce début de poème dont je ne parviendrais jamais à identifier l'auteur:

Le soleil se lève à Nancy,

Il est desja sur la Bourgogne,

Nous le verrons bien-tost icy,

Pour s'en aller dans la Gascogne.

Aucune géographie ne me donnerait une sensation plus physique de la terre de France, de ce territoire qui m'avait toujours paru, d'après les cartes, bien trop réduit pour pouvoir prétendre à des fuseaux horaires. Le poète avait exprimé l'intuition de l'espace aimé, ce sens charnel de la patrie qui nous permet d'envelopper d'un seul regard tout un pays, d'en percevoir très distinctement les tonalités, différentes d'une vallée à l'autre, la variation des paysages, la substance unique de chacune de ses villes, le grain minéral de leurs murs. De Nancy à la Gascogne…

Je n'avais pas l'impression de poursuivre un but en explorant les ruines des livres dans la pièce condamnée. La simple curiosité d'un visiteur de greniers, le plaisir de tomber sur un volume épargné par l'incendie, sur une gravure intacte, sur une note calligraphiée à l'ancienne. La joie surtout de descendre, les bras chargés de ces trouvailles, de les montrer à Alexandra. Pourtant, peu de temps après la lecture du quatrain sur la page arrachée, je compris ce qui me Poussait à rester de longues heures en compagne de ces livres mutilés. Du fond d'une caisse dont le bois se désagrégeait comme du sable sous mes doigts, je tirai une Histoire du Bas-Empire aux feuilles collées par l'humidité, puis une livre en allemand imprimé en exubérants caractères gothiques et enfin, privée de couverture, cette Notice funèbre . Je ne me souviens plus qui était son destinataire. L'ombre d'une grande lignée disparue est liée, trop confusément, à cette lecture. Je retins juste, mais en revanche par cœur, les paroles de François I erque l'auteur citait et qui étaient soulignées à l'encre violette dont je reconnus la teinte flétrie: «Nous sommes quatre gentilshommes de la Guienne qui combattons en lice contre tous allants et venants de la France: moi, Sansac, Montalembert et la Châtaigneraie.» J'imaginais le pays qu'un regard d'amour embrassait en suivant la course du soleil, de Nancy à la Gascogne, je savais maintenant que c'était le regard de ces quatre chevaliers qui observaient, pour la mieux défendre, leur terre natale.

Je cherchais dans mes lectures ce dont j'étais privé. L'attachement à un lieu (celui de ma naissance était trop indéfini), une mythologie personnelle, un passé familial. Mais surtout ce dont les autres venaient de me priver: cette divine liberté de réinventer la vie, de la peupler de héros. Les quatre chevaliers de la Guienne étaient pour moi bien plus réels que les spectres des beaux officiers qui hantaient les dortoirs de l'orphelinat.

Croyais-je vraiment à ces silhouettes équestres qui veillaient sur la France? Je pense que oui, comme on croit à la noblesse, à la compassion, au sacrifice de soi quand on a onze ou douze ans. D'ailleurs ce n'est pas la réalité de cette image qui m'intéressait mais sa beauté. Une route en haut d'une colline, la poussière amortissant le martèlement des sabots, les quatre compagnons qui avancent lentement, le regard porté au loin, tantôt vers l'empilement brumeux des montagnes, tantôt vers la percée lumineuse de l'océan. Je les voyais ainsi, c'était ma façon d'espérer.

Ce pays rêvé finit, un jour, par imprimer son espace en moi, comme s'imprime dans notre mémoire visuelle le tracé des constellations, et dans la plante de nos pieds le dénivellement d'un chemin familier. Je m'en rendis compte pendant cette dernière leçon de littérature avant les vacances du Nouvel An. L'atmosphère était peu studieuse. Certains sommeillaient, hypnotisés par l'ondoiement des gros flocons derrière la vitre, d'autres, au fond de la classe, s'étranglaient dans un chuchotement de rires en passant sous les tables un manuel ouvert sur une illustration maculée. De temps en temps, tonnait la voix de l'enseignante, grande femme osseuse, au menton lourd et proéminent: «Qui Veut rester sans manger jusqu'à demain?» La classe se figeait, elle reprenait son commentaire qui décortiquait un poème de Lermontov, le manuel provoquait de nouveaux spasmes d'hilarité. Quand il passa sous mes yeux, je ne pus réprimer un sourire. Le poème étudié (consacré à Napoléon) était illustré par le tableau représentant l'empereur qui venait d'abdiquer. Un choix malheureux si l'on connaît la manie des cancres de profaner les personnages illustres des manuels. Napoléon était assis, l'air abattu, le corps tassé, le regard fixe, les jambes largement écartées. Et c'est dans cet entre-jambe impérial qu'une main sacrilège avait dessiné un monstrueux tube velu agrémenté de deux boules démesurées. Une autre main, plus innocente, avait recouvert son visage de longues cicatrices suturées, caché son œil gauche sous un bandeau de pirate. Je souris, en me disant que certains personnages subissaient dans nos manuels des ajouts encore plus infamants, des appendices encore plus musculeux… C'est à ce moment-là que l'enseignante commença à déclamer le poème.

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