Andreï Makine - La terre et le ciel de Jacques Dorme

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La terre et le ciel de Jacques Dorme: краткое содержание, описание и аннотация

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Andreï Makine: " L'écriture est une vision "
«C'est alors que, d'une voix presque éteinte, en acceptant l'échec et ne demandant plus rien, je parlai de Jacques Dorme. Je réussis à dire sa vie en quelques phrases brèves, nues. Je me trouvais dans un état d'abattement tel que j'entendais à peine ce que je disais. Et c'est dans cet état seulement que je fus capable d'exprimer toute la douloureuse vérité de cette vie. Un aviateur venu d'un pays lointain rencontre une femme du même pays et, pendant très peu de jours, dans une ville dont il ne restera bientôt que des ruines, ils s'aiment; puis il part au bout de la terre pour conduire les avions destinés au front, et meurt, en s'écrasant sur un versant de glace, sous le ciel blême du cercle polaire. Je l'avais dit autrement. Non pas mieux, mais plus brièvement encore, plus près de l'essence de leur amour.»

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La silhouette d'Alexandra se perdait face à la hauteur des fumées, devant l'horizon des plaines où menaient les voies désertes. Je la regardais et plus clairement que jamais je croyais comprendre qui elle était. Je me rappelai les paroles du vieux Tatar Youssouf, son voisin: «Tu sais, Alexandra, vous autres, les Russes…» Il avait raison, cette femme qui se tenait au milieu des rails, le regard fixé sur les flammes, était russe. Le temps avait effacé en elle tout ce qui pouvait encore la distinguer de la vie de ce pays, de ses guerres, de ses douleurs, de son ciel. Elle en faisait partie, comme l'ondulation d'une tige d'herbe au milieu de la houle infinie de la steppe. Elle s'était inventé une patrie lointaine et une langue. Mais sa vraie patrie était cette pièce minuscule dans une vieille maison en bois, à moitié détruite par les bombes. Cette maison et l'infini des steppes alentour. Le lieu où elle resterait à jamais enfermée, prisonnière d'une époque faite de guerres et de souffrances. Je me sentis chanceler à la frontière de ce passé, risquant de me laisser entraîner dans sa béance noire. Il fallait m'en écarter, fuir.

Une boule de feu frangé de suie s'éleva au-dessus du dépôt. Effrayé, je reculai, retrouvai d'un regard inquiet la silhouette d'Alexandra qui était toujours là, immobile. Et je m'en allai très vite, en sautant sur les traverses. J'avais peur de la voir se retourner, m'appeler…

Dans le train, je pensai à la langue qu'elle m'avait apprise. Ses mots, je le savais, ne pouvaient rien désigner dans le monde qui nous entourait. Je me souvins de Mouza, de sa beauté, de l'homme beige, du récit de l'élève qui les avait espionnés… L'un des derniers poèmes que j'avais découverts dans les ruines de la bibliothèque de Samoïlov parlait d'un couple d'amoureux batifolant dans «un pré de mille fleurs diapré». J'éprouvai soudain presque un dégoût pour la minauderie de cette coulée de mots. Derrière la vitre du wagon s'étendait la monotonie de la steppe, sèche et rude, saignée par le couchant.

J'avais donc appris une langue morte.

En rentrant à l'orphelinat, je remarquai l'absence de Village qui n'était pas venu dîner. Je le retrouvai au milieu des saulaies de la berge, sur l'un de ses lieux de pêche. Il fut gêné d'être surpris à fabriquer un jouet d'enfant: un petit radeau fait de bûchettes qu'il liait avec des lamelles d'écorce. Les restes d'un feu de bois fumaient légèrement. Pour ne pas perdre la face, il m'expliqua avec un clin d'œil: «Ça va flotter d'abord sur la rivière, puis, hop, dans la Volga, et là, si un brochet ne le bouffe pas, droit dans la Caspienne. Tu te rends compte, les Persans vont le cueillir un jour!» Avec un bout de bois, il sortit de la braise quelques tisons encore rouges, les plaça sur son radeau, le mit à l'eau. Nous restâmes un long moment à suivre dans l'air violet du crépuscule l'éloignement de ces lumignons.

Sur le sentier qui montait vers l'orphelinat, il me confia d'un ton un peu confus: «Tu sais, la barque où ce salaud et Mouza… enfin… cette barque je l'ai coulée…»

Vingt ans plus tard, quand je commencerais à écrire, je songerais à faire de cette soirée passée en compagnie de Village une nouvelle sur les dernières vingt-quatre heures de la vie d'un jeune homme. Car il allait mourir le lendemain soir. Un sujet à effet, penserais-je, la quintessence d'une vie révélée au milieu de l'apaisante banalité d'un crépuscule de mai. Je ne l'ai jamais écrite, devinant sans doute la fausseté d'un pareil jeu d'esprit. Au lieu de réinventer ces vingt-quatre heures pour en tirer le sens, il fallait retenir le peu que j'en savais et le dire en évitant toute tentation philosophique.

Il y eut, le lendemain soir (c'était un dimanche), la même bande de voyous «recruteurs» qui, cette fois, nous invitèrent à boire. Visiblement, entre le bâton et la carotte, ils cherchaient notre point faible. Nous ne refusâmes pas, certains désireux de jouer les durs, d'autres, tous peut-être, prêts à répondre à la moindre promesse d'amitié. Ils burent aussi et n'avaient probablement même pas prévu la bagarre qui démarra par un verre renversé, une injure, une gifle. Ou bien, au contraire, tout était calculé, pour nous diviser entre ceux qui mordraient à la carotte et ceux qui résisteraient.

Nous avions pour seules armes nos cinq kopecks aiguisés en lame, puis une barre de fer, arrachée à l'un des voyous, un tesson de bouteille… Je savais déjà que les corps à corps étaient beaux seulement dans les films et que cette bagarre ressemblerait aux précédentes: un piétinement lourd, des coups ratés, l'absence de pitié pour celui qui tombait, la joie animale devant un signe de faiblesse. L'alcool rendit le combat encore plus laid, nous avions tout simplement l'impression de sauver notre peau. L'un des nôtres était déjà par terre, refermé sur lui-même comme un scarabée pour éviter des coups à la tête.

Je remarquai Village pendant une seconde de répit quand, un tesson à la main, je pus tenir en respect mon adversaire, hors d'haleine comme moi. Village remontait de la rivière, attiré sans doute par nos râles. Je le vis jeter ses lignes, ramasser un gros caillou, se précipiter vers nous. Je le reverrais quelques minutes après (j'eus le temps de recracher un éclat de dent). L'assaut des voyous venait inexplicablement de fléchir, ils reculaient, l'un d'eux, en leur donnant des tapes dans le dos, les incitait à partir. Enfin, ils coururent à travers un terrain vague, nous laissant cette victoire inespérée. Nous riions, essuyions le sang, commentions les meilleurs coups… Soudain, nous entendîmes cette voix. Nous vîmes Village assis, les bras abandonnés sur le sol, le regard figé et, nous sembla-t-il, étonné. Il ne gémissait pas, mais de ses lèvres sortait un bafouillis mouillé comme eût fait un nourrisson. Quelqu'un toucha son épaule. Village bascula doucement en arrière. Nous l'entourâmes, accroupis, gênés par ce regard fixe, palpâmes maladroitement sa poitrine, sa tête… Tous ces feras qui l'agrippèrent paraissaient vouloir le retenir sur un bord glissant. L'un de nous eut encore le temps de plaisanter en parlant d'un verre de vodka, mais déjà sous la chemise déboutonnée on voyait une fine coulée de sang et l'éclat gris d'une lame – celle d'un «couteau finnois» qui s'était cassée à la garde.

De notre course effrénée vers l'orphelinat et des minutes qui suivirent, je ne me rappelle que ce tambourinement désespéré contre la porte de l'infirmerie: nous avions oublié que c'était dimanche.

Je vécus les jours suivants dans la hantise d'un geste, d'une pensée que cette mort attendait de moi et que je ne parvenais pas à trouver. Un geste marquant, grave. Mais tout ce qui arrivait me blessait par son insignifiance. Le lendemain, comme si de rien n'était, à neuf heures précises, l'infirmière ouvrit la porte de son cabinet. Deux jours plus tard, on nous ordonna de retirer des salles de classe nos vieux pupitres et personne ne remarqua, parmi ces tablettes recouvertes de dessins et d'inscriptions, celle de Village. Insignifiant aussi était ce fébrile calcul des hasards: si j'avais eu l'idée d'apporter ce jour-là le poignard Misericordia , alors, peut-être… Je savais pourtant qu'un coup de barre de fer aurait cassé comme du verre cette lame effilée.

Je sus me libérer de ce verbiage du remords quand un soir, au début de juin, je me souvins du petit radeau que Village avait lancé dans une navigation nocturne. Il me sembla soudain qu'a était très important d'imaginer cette minuscule embarcation chargée de quelques fumerons, de ne pas interrompre dans le souvenir sa lente progression vers la Caspienne. Croire qu'il flottait toujours.

Au moment de l'enterrement, nous avions tous noté qu'il n'y avait personne à prévenir de la mort de Village. L'idée n'était pas neuve pour nous, mais son côté absolu, cosmique nous frappait: sur ce globe terrestre, personne! Les paroles du prêtre entendues l'hiver précédent s'éveillèrent alors en moi: «… ceux pour qui personne ne prie». J'imaginai de nouveau le petit radeau, le rougeoiement de la braise s'éloignant dans la nuit, sous l'immense ciel de la Volga.

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