Henry-Pierre Jeudy - Addiction

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Addiction: краткое содержание, описание и аннотация

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" Ce matin, je me lève décidé à ne pas prendre une cigarette après mon café, comme je l'ai fait depuis une trentaine d'années. Si l'envie est trop forte, je pourrai toujours me recoucher. " Fumer tue, paraît-il. Mais vivre aussi, alors pourquoi s'en faire ? C'est que l'esprit du temps est à l'hygiène de soi, au corps immaculé, à l'extermination des mauvaises habitudes. Le narrateur se donne donc trois jours pour arrêter de fumer. Niais on ne se défait pas facilement d'une pratique devenue une seconde nature : et voilà notre anti-héros contemporain arrêté, rêveur, au milieu des volutes de fumée. Plusieurs fois par jour, il prend une dernière cigarette en se posant la question obsédante : pourquoi fume-t-on ? La réponse, enfin, est au cœur de cette fiction théorique, élégante et burlesque loin, très loin des méthodes soporifiques supposées nous délivrer de la nicotine.

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Quand nous nous souvenons des anciennes publicités pour la consommation du tabac, nous ne pouvons oublier combien le port de la cigarette sur le bord de la lèvre inférieure était un signe de séduction. Pour circonvenir les femmes, pour que les hommes soient eux-mêmes éblouis, pour que l'atmosphère d'une rencontre garde son irrésistible attrait, il fallait que les diverses façons de tenir une cigarette, d'envoyer ou de retenir la fumée, manifestent la mystérieuse singularité de chacun. Ce qu'il était possible d'imaginer de la profondeur d'un être humain venait de l'allure que lui donnait sa manière de fumer. Depuis le regard pénétrant jusqu'à l'évanouissement passager de la vision la gamme des postures adoptées offrait les signes les plus harmonieux et les plus convaincants d'une connivence immédiate entre le corps et l'esprit. L'usage subtil de la cigarette apparaissait comme l'artifice le plus naturel dans les échanges privés ou publics.

Le symbole de la grande rupture, du retournement irréversible qui caractérise notre époque, est advenu le jour où le fier cow-boy qui ornait les paquets de Marlboro a été présenté dans un état pitoyable sur l'écran de la télévision. Lui pour qui la conquête de la vie s'exprimait par la majesté de l'acte de fumer une cigarette, a été exhibé au public du monde entier la tête, la gorge, la poitrine décomposées par le cancer. Lui qui affichait une souveraineté sans partage a dû articuler quelques mots inaudibles pour signifier à tous combien il n'en serait pas là s'il avait cessé de fumer. Voilà ce qui était attendu de lui : des regrets sincères et dramatiques. Personne ne lui a tendu la dernière cigarette, qui n'aurait pourtant pas changé son destin. D'autres vedettes de la publicité pour le tabac ont ensuite été montrées dans le même état déplorable comme si le pouvoir de leur séduction les avait conduites à la décrépitude et à la mort. La règle morale est simple : défier la mort par l'usage du tabac n'est en aucun cas un signe d'amour de la vie. Il est alors impossible d'accuser la publicité sur le tabac d'être mensongère, puisqu'elle présente inlassablement les indications de la nocivité du produit. En se désignant comme une marchandise qui tue, le tabac est le seul produit authentique sur le marché. On voit mal comment d'autres biens de consommation pourraient énoncer cette même vérité sans risquer d'entraîner des faillites. Si tout ce qui peut provoquer notre mort était annoncé, nous serions assiégés par des présages si morbides que la mort elle-même se présenterait comme une délivrance. La publicité sur le tabac a utilisé des métaphores fatales : le grand saut, le grand voyage, l'instant suprême... Elle n'a jamais dit qu'elle voulait notre mort ; elle est contrainte de l'énoncer afin de nous persuader que le plaisir et la mort sont des frères ennemis. Vous êtes libre d'être circonvenu par des tentations mortelles, mais vous devez savoir ce qui vous attend. La contagion du tabagisme est conjurée par la propagation menaçante de l'angoisse.

Je ne sais pas combien de fois j'ai tenté de fumer la dernière cigarette. Je sais seulement que l'angoisse ne me quittait plus depuis qu'un docteur avait remarqué que du lichen s'était formé sur mes parois buccales et sur ma langue. Il m'avait enjoint de ne plus fumer si je voulais me donner au moins une chance d'éviter un cancer. Il m'a aussi dit que le lichen était lié à l'angoisse, que son origine était psychosomatique, et que j'aurais d'autant plus de difficulté à cesser de fumer que je grillais une cigarette pour soulager mon état d'anxiété. Je me trouvais dans cette situation où je ne pouvais plus distinguer l'angoisse du plaisir. Je ne croyais pas que la cigarette n'eût qu'un effet de soulagement, j'en prenais souvent une lors de grands moments de joie. Je ne parvenais pas à m'effrayer en imaginant la dégradation qui s'opérait à l'intérieur de mon corps. Une amie m'avait pourtant dit que le lichen, à une période difficile de sa vie, avait envahi tout son corps, lequel s'était mis à ressembler à un tronc d'arbre assiégé par du lierre. Du moins l'avait-elle vu ainsi. Lorsque je passais ma langue sur la paroi buccale, je sentais bien que des rhizomes s'étaient formés et qu'ils ne disparaîtraient plus. Je n'avais pas vraiment peur, je pensais que le corps avait lui-même ses facultés de résistance à la détérioration, quelle que soit la forme que celle-ci prendrait. Je me souviens de cette femme qui tenait un café dans un village et qui fumait des Gauloises derrière son comptoir en conversant avec ses clients. Elle eut un cancer de la gorge. Peu de temps après l'avoir appris, elle changea le décor de son café. Elle retira les boiseries, les étagères, les bibelots, elle fit repeindre les murs en blanc, elle conserva trois ou quatre tables pour recevoir ses derniers clients, ceux qui accepteraient de venir ici sans fumer. Je la revois debout derrière son bar, les yeux hagards, le cou entouré d'un pansement, incapable de parler. C'était horrible : sur les murs, elle fit accrocher les radiographies de sa gorge et de ses poumons, en couleur, exposées comme les œuvres d'un artiste. Quand je suis venu dans son café, quelques semaines avant sa mort, je l'ai regardée en train d'observer les photographies de sa décrépitude. Le silence qui régnait dans cette salle était devenu insupportable, j'ai eu l'impression d'être assis là dans l'antre qui précède l'accès au tombeau. Je ne bougeais plus, je n'osais pas sortir, je me sentais condamné à attendre avec elle l'heure de son trépas en regardant les signes abstraits qui, de l'intérieur de son corps, l'avaient annoncée.

Pour elle, c'était trop tard. Elle n'avait plus aucune chance de retarder sa mort. Son changement d'existence n'était qu'une manière de l'accepter. Elle aurait fort bien pu, étant donné son état déplorable, continuer à fumer des cigarettes sans trop souffrir. Pourquoi fallait-il qu'elle exacerbe le moralisme infligé par l’anti-tabagisme en créant le théâtre quotidien de sa culpabilité ? Je pense aujourd'hui, quelques années après son enterrement auquel j'ai assisté, qu'elle n'a pas de cette façon fait allégeance à un pareil moralisme, mais qu'elle a plutôt parodié par l'horreur le pouvoir de la prédestination. En effet, comment croire à notre époque en un déterminisme prétendument scientifique qui rapporterait les innombrables causes de notre mort à une seule origine ? Et je pose cette question en toussant comme un perdu à cause de la cigarette que je viens de consommer.

Suis-je à ce point inconséquent ? Avec l'exposition de ses radiographies, cette femme ne me signale pas son regret désespéré de n'avoir pas écouté son médecin, de n'avoir pas suivi les injonctions morales qui l'auraient sauvée de son funeste destin, elle me dit que, s'il en est ainsi, puisqu'elle doit mourir, autant regarder ce qui se passe à l'intérieur du corps pour connaître l'œuvre de la mort. Elle ne veut pas dire : « Si je n'avais pas fumé, je n'en serais pas là », elle dit : « Voilà comment j'ai vécu, voilà comment je mourrai. » Elle rejoint la sagesse d'antan, celle qui conduisait les hommes à écrire au-dessus des crânes sculptés sur les pierres tombales : « Nous avons été comme vous, et bientôt vous serez comme nous. »

II est commun de considérer que la peur incite à ne plus fumer. La peur de la maladie, de la vieillesse prématurée, de la mort... Il faudrait compter sur elle, la peur, pour nous donner la volonté d'en finir. Il suffit qu'elle prenne une tournure obsessionnelle pour provoquer la stimulation de nos mécanismes de défense. La peur fait peur. Elle nous envahit, elle est contagieuse, nous lui octroyons toutes les raisons d'être qui suffisent à la rendre particulièrement virulente.

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