Elsa Triolet
Roses à crédit
(deuxième édition, revue et corrigée)
В своем романе «Розы в кредит» Эльза Триоле затронула проблему, которая достигает особой остроты в наши дни и которой Жорж Перек посвятил свой роман «Вещи». Это проблема отношения человека к вещам в современном капиталистическом обществе.
Приобретение вещей, которые общество как будто бы и производит на благо человеку, часто приводит к тому, что вещи становятся единственным смыслом жизни, они фактически порабощают человека, обедняют его духовный мир.
В этом трагедия героини романа Мартины Донель.
Предлагаемый для самостоятельного домашнего чтения роман Эльзы Триоле «Розы в кредит» по своему словарному составу больше всего подходит к тематике, изучаемой на первом курсе специальных языковых вузов и факультетов иностранных языков.
Роман частично сокращен, но не адаптирован.
Поскольку роман рекомендуется для чтения первокурсникам, он снабжен подробным комментарием, включающим в себя не только реалии, но и всю идиоматику романа, а также объяснение наиболее трудных для понимания фраз.
Во второе издание книги внесены незначительные дополнения в раздел комментариев и необходимые исправления. Текст романа в настоящем издании представлен в более полном виде.
Il faisait nuit noire quand la porte de la cabane s’ouvrit et sur le pas de la porte apparut la mère Marie Peigner.
— Amenez-vous, cria-t-elle dans la nuit.
Ils sortirent de derrière les fagots. Marie les comptait au fur et à mesure [1] au fur et à mesure que… — по мере того как…
qu’ils passaient la porte.
— Un, deux, trois, quatre, cinq… C’est encore Martine qui manque ! Elle veut ma mort, cette garce !
Les quatre garçons et la fille s’assirent autour de la table. Une lampe à pétrole, une suspension, se balançait au-dessus de leurs têtes. Sur la cuisinière en fonte un pot-au-feu fumait doucement, et cela sentait le feu, le bois et la soupe.
Les gosses avaient entre quinze et trois ans, tous pareillement les mains noires, le nez qui coulait et les cheveux tirant sur le roux [2] les cheveux tirant sur le roux — волосы рыжеватого оттенка.
. L’aînée, souffreteuse, avait une bouche aux coins tombants. Les trois garçons qui la suivaient ressemblaient à trois grenouilles de bonne humeur, et seul, le tout-petit ressemblait à sa mère, une petite femme aux cheveux crépus autour du visage encore lisse, le front bombé, le nez petit, et une bouche au sourire permanent.
Elle servait le pot-au-feu à la ronde dans des assiettes. Les gosses la regardaient faire immobiles et muets. La soupe était grasse, il y nageait de bons morceaux de viande et de légumes. Pendant un moment on n’entendait que mâcher et avaler.
Pour la deuxième tournée un incident était venu faire diversion [3] un incident était venu faire diversion — одно происшествие отвлекло их внимание.
: un rat monté par un des pieds de la table.
— Un rat ! criaient les gosses, pendant que le rat courait entre les assiettes, les verres, les morceaux de pain.
— Tapez ! criait Marie, mais tapez donc, bon Dieu !..
C’est l’aîné des garçons qui eut le privilège d’assommer le rat.
Martine apparut juste comme Marie, sa mère, tenant le rat crevé par la queue, ouvrait la porte pour la jeter dehors. Martine eut juste le temps de faire un bond de côté pour ne pas recevoir le rat en pleine figure. Martine s’adossa à la porte.
— Assieds-toi… dit sa mère. Et mange.
— J’ai pas faim… — Martine alla vers la cuisinière. — J’ai froid, dit-elle.
— Tu vas manger. Il y a un pot-au-feu, tu vas te régaler. C’est le premier pot-au-feu comme il faut depuis la Libération [4] la Libération — Освобождение — так во Франции называется период после освобождения страны от гитлеровской оккупации.
.
Martine alla s’asseoir à côté de sa sœur aînée.
Outre la cuisinière il y avait dans la pièce la place pour le buffet et une carcasse de fauteuil, tous ressorts dehors. La porte qui donnait sur la deuxième pièce était ouverte. Les gosses ramassaient avec du pain ce qui restait du jus dans leurs assiettes et commentaient l’incident du rat. Martine passa les deux mains sur ses cheveux qui pendaient en mèches noires et droites.
— Mange… dit sa mère.
Martine prit la cuillère et regarda la soupe dans l’assiette, la couche épaisse de graisse, un morceau de bœuf, un os…
— Mange, dit sa sœur aînée à voix basse, tu vois que la mère n’est pas contente.
Martine enfonça la cuillère dans la graisse, la porta à sa bouche et s’écroula, la tête en avant, dans la soupe.
Il y eut un remue-ménage, comme pour le rat.
— Alors ! criait la mère, vous ne voyez pas qu’elle est malade ?
On déposa Martine sur le grand lit défait.
— Qu’est-ce que tu as, mais qu’est-ce que tu as, ma petite ? répétait Marie penchée au-dessus de Martine. Martine ouvrit les yeux. Elle vit le visage de sa mère qui ne bougeait pas, son sourire…
— Je veux m’en aller… dit-elle.
Au-dessus d’elle le visage de Marie ne changea pas d’expression.
— La maman de Cécile me prendrait… J’apprendrai pour être coiffeuse… continua Martine.
Marie se mit à rire.
— Tu commenceras par te faire une permanente à toi-même. Et décolorer tes cheveux peut-être. Sacré Martine ! Ça va-t-il mieux ?
— Non, fit Martine. Je veux partir.
— Non ! cria Marie. Et puis tu vas rendre à Dédé ses billes! Tu les lui as encore volées ! Une pie, voilà ce que tu es, une pie voleuse, il te faut tout ce qui brille, je t’ai vue, de mes yeux vue, enterrer mon petit flacon d’eau de Cologne ! Et le ruban de Francine, c’est toi qui le lui a pris, c’est sûr ! Une pie ! Une pie !
— Une pie ! glapirent les gosses, apparaissant dans la porte, une pie noire ! une pie voleuse !
Ils s’étaient peu à peu introduits dans la pièce, sautillant, criant. Tant d’événements les avaient déchaînés, ils étaient en transes.
— Assez ! Marie distribua des claques, et les enfants disparurent à nouveau derrière la cloison.
Martine se glissa hors du lit et alla s’asseoir près de la cuisinière.
— Allons, dit Marie, assez de bêtises. Tu te feras coiffeuse ou ce que tu voudras, après l’école. La maîtresse dit que tu étudies bien. Dire que moi, ta mère, je n’ai jamais pu apprendre à lire, ni à écrire. Je ne suis pourtant pas plus bête qu’une autre. Et ta sœur aînée, c’est moi, toute crachée [5] c’est moi, toute crachée — вылитая я.
, à quinze ans, ni lire, ni écrire ! Tu ne veux pas un peu de soupe chaude, dis, Martine ?
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