Alexandre Dumas - VINGT ANS APRÈS

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20 ans après leurs aventures d’Artagnan et les trois mousquetaires sont à nouveau entrainés dans l’aventure. Les temps ont changé: le Cardinal s’appelle Mazarin et n’est guère aimé, Porthos est installé et cherche un titre de baron, Aramis est devenu abbé mais aime toujours à ferrailler et Athos s’occupe de son "filleul", le Vicomte de Bragelonne.Seul d’Artagnan est resté lieutenant des Mousquetaires du Roi... Leurs aventures se déroulent au milieu de la Fronde, période qui voit vaciller le pouvoir royal sous la régence d’Anne d’Autriche et de Mazarin. Les mousquetaires iront même jusqu’en Angeleterre pour essayer de sauver Charles Ier.... Si les personnages ont toujours les qualités de coeur et d’esprit qui ont fait le succès des Trois Mousquetaires, ils ont acquis une plus grande épaisseur et leurs doutes sont là pour en témoigner... On retrouve donc nos héros mais avec une dimension supplémentaire, chaque mousquetaire étant un symbole ou une tendance et ma fois comme cela ne nuit pas à la qualité des batailles... pourquoi se priver?

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– Que peut-il machiner? disait Aramis.

– Attendons, disait Athos.

Porthos ne disait rien, seulement il comptait l’une après l’autre, dans son gousset, avec un air de satisfaction qui se trahissait à l’extérieur, les cinquante pistoles qu’il avait gagnées à Groslow.

En arrivant le soir à Ryston, d’Artagnan rassembla ses amis. Sa figure avait perdu ce caractère de gaieté insoucieuse qu’il avait porté comme un masque toute la journée; Athos serra la main à Aramis.

– Le moment approche, dit-il.

– Oui, dit d’Artagnan qui avait entendu, oui, le moment approche: cette nuit, messieurs, nous sauvons le roi.

Athos tressaillit, ses yeux s’enflammèrent.

– D’Artagnan, dit-il, doutant après avoir espéré, ce n’est point une plaisanterie, n’est-ce pas? elle me ferait trop grand mal!

– Vous êtes étrange, Athos, dit d’Artagnan, de douter ainsi de moi. Où et quand m’avez-vous vu plaisanter avec le cœur d’un ami et la vie d’un roi? Je vous ai dit et je vous répète que cette nuit nous sauvons Charles I er. Vous vous en êtes rapporté à moi de trouver un moyen, le moyen est trouvé.

Porthos regardait d’Artagnan avec un sentiment d’admiration profonde. Aramis souriait en homme qui espère.

Athos était pâle comme la mort et tremblait de tous ses membres.

– Parlez, dit Athos.

Porthos ouvrit ses gros yeux, Aramis se pendit pour ainsi dire aux lèvres de d’Artagnan.

– Nous sommes invités à passer la nuit chez M. Groslow, vous savez cela?

– Oui, répondit Porthos, il nous a fait promettre de lui donner sa revanche.

– Bien. Mais savez-vous où nous lui donnons sa revanche?

– Non.

– Chez le roi.

– Chez le roi! s’écria Athos.

– Oui, messieurs, chez le roi. M. Groslow est de garde ce soir près de Sa Majesté, et, pour se distraire dans sa faction, il nous invite à aller lui tenir compagnie.

– Tous quatre? demanda Athos.

– Pardieu! certainement, tous quatre; est-ce que nous quittons nos prisonniers!

– Ah! ah! fit Aramis.

– Voyons, dit Athos palpitant.

– Nous allons donc chez Groslow, nous avec nos épées, vous avec des poignards; à nous quatre nous nous rendons maîtres de ces huit imbéciles et de leur stupide commandant. Monsieur Porthos, qu’en dites-vous?

– Je dis que c’est facile, dit Porthos.

– Nous habillons le roi en Groslow; Mousqueton, Grimaud et Blaisois nous tiennent des chevaux tout sellés au détour de la première rue, nous sautons dessus, et avant le jour nous sommes à vingt lieues d’ici! est-ce tramé cela, Athos?

Athos posa ses deux mains sur les épaules de d’Artagnan et le regarda avec son calme et doux sourire.

– Je déclare, ami, dit-il, qu’il n’y a pas de créature sous le ciel qui vous égale en noblesse et en courage; pendant que nous vous croyions indifférent à nos douleurs que vous pouviez sans crime ne point partager, vous seul d’entre nous trouvez ce que nous cherchions vainement. Je te le répète donc, d’Artagnan, tu es le meilleur de nous, et je te bénis et je t’aime, mon cher fils.

– Dire que je n’ai point trouvé cela, dit Porthos en se frappant sur le front, c’est si simple!

– Mais, dit Aramis, si j’ai bien compris, nous tuerons tout, n’est-ce pas?

Athos frissonna et devint fort pâle.

– Mordioux! dit d’Artagnan, il le faudra bien. J’ai cherché longtemps s’il n’y avait pas moyen d’éluder la chose, mais j’avoue que je n’en ai pas pu trouver.

– Voyons, dit Aramis, il ne s’agit pas ici de marchander avec la situation; comment procédons-nous?

– J’ai fait un double plan, répondit d’Artagnan.

– Voyons le premier, dit Aramis.

– Si nous sommes tous les quatre réunis, à mon signal, et ce signal sera le mot enfin , vous plongez chacun un poignard dans le cœur du soldat qui est le plus proche de vous, nous en faisons autant de notre côté; voilà d’abord quatre hommes morts; la partie devient donc égale, puisque nous nous trouvons quatre contre cinq; ces cinq-là se rendent, et on les bâillonne, ou ils se défendent et on les tue; si par hasard notre amphitryon change d’avis et ne reçoit à sa partie que Porthos et moi, dame! il faudra prendre les grands moyens en frappant double; ce sera un peu plus long et un peu bruyant, mais vous vous tiendrez dehors avec des épées et vous accourrez au bruit.

– Mais si l’on vous frappait vous-mêmes? dit Athos.

– Impossible! dit d’Artagnan, ces buveurs de bière sont trop lourds et trop maladroits; d’ailleurs vous frapperez à la gorge, Porthos, cela tue aussi vite et empêche de crier ceux que l’on tue.

– Très bien! dit Porthos, ce sera un joli petit égorgement.

– Affreux! affreux! dit Athos.

– Bah! monsieur l’homme sensible, dit d’Artagnan, vous en feriez bien d’autres dans une bataille. D’ailleurs, ami, continua-t-il, si vous trouvez que la vie du roi ne vaille pas ce qu’elle doit coûter, rien n’est dit, et je vais prévenir M. Groslow que je suis malade.

– Non, dit Athos, j’ai tort, mon ami, et c’est vous qui avez raison, pardonnez-moi.

En ce moment la porte s’ouvrit et un soldat parut.

– M. le capitaine Groslow, dit-il en mauvais français, fait prévenir monsieur d’Artagnan et monsieur du Vallon qu’il les attend.

– Où cela?

– Où cela? demanda d’Artagnan.

– Dans la chambre du Nabuchodonosor anglais, répondit le soldat, puritain renforcé.

– C’est bien, répondit en excellent anglais Athos, à qui le rouge était monté au visage à cette insulte faite à la majesté royale, c’est bien; dites au capitaine Groslow que nous y allons.

Puis le puritain sortit; l’ordre avait été donné aux laquais de seller huit chevaux, et d’aller attendre, sans se séparer les uns des autres ni sans mettre pied à terre, au coin d’une rue située à vingt pas à peu près de la maison où était logé le roi.

LXVI. La partie de lansquenet

En effet, il était neuf heures du soir; les postes avaient été relevés à huit, et depuis une heure la garde du capitaine Groslow avait commencé.

D’Artagnan et Porthos armés de leurs épées, et Athos et Aramis ayant chacun un poignard caché dans la poitrine, s’avancèrent vers la maison qui ce soir-là servait de prison à Charles Stuart. Ces deux derniers suivaient leurs vainqueurs, humbles et désarmés en apparence, comme des captifs.

– Ma foi, dit Groslow en les apercevant, je ne comptais presque plus sur vous.

D’Artagnan s’approcha de celui-ci et lui dit tout bas:

– En effet, nous avons hésité un instant, M. du Vallon et moi.

– Et pourquoi? demanda Groslow.

D’Artagnan lui montra de l’œil Athos et Aramis.

– Ah! ah! dit Groslow, à cause des opinions? peu importe. Au contraire, ajouta-t-il en riant; s’ils veulent voir leur Stuart, ils le verront.

– Passons-nous la nuit dans la chambre du roi? demanda d’Artagnan.

– Non, mais dans la chambre voisine; et comme la porte restera ouverte, c’est exactement comme si nous demeurions dans sa chambre même. Vous êtes-vous munis d’argent? Je vous déclare que je compte jouer ce soir un jeu d’enfer.

– Entendez-vous? dit d’Artagnan en faisant sonner l’or dans ses poches.

Very good! dit Groslow, et il ouvrit la porte de la chambre. C’est pour vous montrer le chemin, messieurs, dit-il.

Et il entra le premier.

D’Artagnan se retourna vers ses amis. Porthos était insoucieux comme s’il s’agissait d’une partie ordinaire; Athos était pâle, mais résolu; Aramis essuyait avec un mouchoir son front mouillé d’une légère sueur.

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