Alexandre Dumas - Le compte de Monte-Cristo Tome IV

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Victime d'un terrible complot, Edmond Dantès est emprisonné au Château d'If alors qu'il sur le point d'épouser celle qu'il aime. A sa libération et sous l'identité du compte de Monte-Cristo, sa vengeance n'épargnera personne…

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Alexandre Dumas LE COMTE DE MONTECRISTO Tome IV LXXXV Le voyage - фото 1

Alexandre Dumas

LE COMTE DE MONTE-CRISTO Tome IV

LXXXV. Le voyage.

Monte-Cristo poussa un cri de joie en voyant les deux jeunes gens ensemble.

«Ah! ah! dit-il. Eh bien, j’espère que tout est fini, éclairci, arrangé?

– Oui, dit Beauchamp, des bruits absurdes qui sont tombés d’eux-mêmes, et, qui maintenant, s’ils se renouvelaient, m’auraient pour premier antagoniste. Ainsi donc, ne parlons plus de cela.

– Albert vous dira, reprit le comte, que c’est le conseil que je lui avais donné. Tenez, ajouta-t-il, vous me voyez au reste achevant la plus exécrable matinée que j’aie jamais passée, je crois.

– Que faites-vous? dit Albert, vous mettez de l’ordre dans vos papiers, ce me semble?

– Dans mes papiers, Dieu merci non! il y a toujours dans mes papiers un ordre merveilleux, attendu que je n’ai pas de papiers, mais dans les papiers de M. Cavalcanti.

– De M. Cavalcanti? demanda Beauchamp.

– Eh oui! ne savez-vous pas que c’est un jeune homme que lance le comte? dit Morcerf.

– Non pas, entendons-nous bien, répondit Monte-Cristo, je ne lance personne, et M. Cavalcanti moins que tout autre.

– Et qui va épouser Mlle Danglars en mon lieu et place; ce qui, continua Albert en essayant de sourire, comme vous pouvez bien vous en douter, mon cher Beauchamp, m’affecte cruellement.

– Comment! Cavalcanti épouse Mlle Danglars? demanda Beauchamp.

– Ah çà! mais vous venez donc du bout du monde? dit Monte-Cristo; vous, un journaliste, le mari de la Renommée! Tout Paris ne parle que de cela.

– Et c’est vous, comte, qui avez fait ce mariage? demanda Beauchamp.

– Moi? Oh! silence monsieur le nouvelliste, n’allez pas dire de pareilles choses! Moi, bon Dieu! faire un mariage? Non, vous ne me connaissez pas; je m’y suis au contraire opposé de tout mon pouvoir, j’ai refusé de faire la demande.

– Ah! je comprends, dit Beauchamp: à cause de notre ami Albert?

– À cause de moi, dit le jeune homme; oh! non, par ma foi! Le comte me rendra la justice d’attester que je l’ai toujours prié, au contraire, de rompre ce projet, qui heureusement est rompu. Le comte prétend que ce n’est pas lui que je dois remercier; soit, j’élèverai, comme les anciens, un autel Deo ignoto .

– Écoutez, dit Monte-Cristo, c’est si peu moi, que je suis en froid avec le beau-père et avec le jeune homme; il n’y a que Mlle Eugénie, laquelle ne me paraît pas avoir une profonde vocation pour le mariage, qui, en voyant à quel point j’étais peu disposé à la faire renoncer à sa chère liberté, m’ait conservé son affection.

– Et vous dites que ce mariage est sur le point de se faire?

– Oh! mon Dieu! oui, malgré tout ce que j’ai pu dire. Moi, je ne connais pas le jeune homme, on le prétend riche et de bonne famille, mais pour moi ces choses sont de simples on dit . J’ai répété tout cela à satiété à M. Danglars; mais il est entiché de son Lucquois. J’ai été jusqu’à lui faire part d’une circonstance qui, pour moi, était plus grave: le jeune homme a été changé en nourrice, enlevé par des Bohémiens ou égaré par son précepteur, je ne sais pas trop. Mais ce que je sais, c’est que son père l’a perdu de vue depuis plus de dix années; ce qu’il a fait pendant ces dix années de vie errante, Dieu seul le sait. Eh bien, rien de tout cela n’y a fait. On m’a chargé d’écrire au major, de lui demander des papiers; ces papiers, les voilà. Je les leur envoie, mais, comme Pilate, en me lavant les mains.

– Et Mlle d’Armilly, demanda Beauchamp, quelle mine vous fait-elle à vous, qui lui enlevez son élève?

– Dame! je ne sais pas trop: mais il paraît qu’elle part pour l’Italie. Mme Danglars m’a parlé d’elle et m’a demandé des lettres de recommandation pour les impresarii; je lui ai donné un mot pour le directeur du théâtre Valle, qui m’a quelques obligations. Mais qu’avez-vous donc, Albert? vous avez l’air tout attristé; est-ce que, sans vous en douter vous êtes amoureux de Mlle Danglars, par exemple?

– Pas que je sache», dit Albert en souriant tristement.

Beauchamp se mit à regarder les tableaux.

«Mais enfin, continua Monte-Cristo, vous n’êtes pas dans votre état ordinaire. Voyons, qu’avez-vous? dites.

– J’ai la migraine, dit Albert.

– Eh bien, mon cher vicomte, dit Monte-Cristo, j’ai en ce cas un remède infaillible à vous proposer, remède qui m’a réussi à moi chaque fois que j’ai éprouvé quelque contrariété.

– Lequel? demanda le jeune homme.

– Le déplacement.

– En vérité? dit Albert.

– Oui; et tenez, comme en ce moment-ci je suis excessivement contrarié, je me déplace. Voulez-vous que nous nous déplacions ensemble?

– Vous, contrarié, comte! dit Beauchamp, et de quoi donc?

– Pardieu! vous en parlez fort à votre aise, vous; je voudrais bien vous voir avec une instruction se poursuivant dans votre maison!

– Une instruction! quelle instruction?

– Eh! celle que M. de Villefort dresse contre mon aimable assassin donc, une espèce de brigand échappé du bagne, à ce qu’il paraît.

– Ah! c’est vrai, dit Beauchamp, j’ai lu le fait dans les journaux. Qu’est-ce que c’est que ce Caderousse?

– Eh bien… mais il paraît que c’est un Provençal. M. de Villefort en a entendu parler quand il était à Marseille, et M. Danglars se rappelle l’avoir vu. Il en résulte que M. le procureur du roi prend l’affaire fort à cœur, qu’elle a, à ce qu’il paraît, intéressé au plus haut degré le préfet de police, et que, grâce à cet intérêt dont je suis on ne peut plus reconnaissant, on m’envoie ici depuis quinze jours tous les bandits qu’on peut se procurer dans Paris et dans la banlieue, sous prétexte que ce sont les assassins de M. Caderousse; d’où il résulte que, dans trois mois, si cela continue, il n’y aura pas un voleur ni un assassin dans ce beau royaume de France qui ne connaisse le plan de ma maison sur le bout de son doigt, aussi je prends le parti de la leur abandonner tout entière, et de m’en aller aussi loin que la terre pourra me porter. Venez avec moi, vicomte, je vous emmène.

– Volontiers.

– Alors, c’est convenu?

– Oui, mais où cela?

– Je vous l’ai dit, où l’air est pur, où le bruit endort, où, si orgueilleux que l’on soit, on se sent humble et l’on se trouve petit. J’aime cet abaissement, moi, que l’on dit maître de l’univers comme Auguste.

– Où allez-vous, enfin?

– À la mer, vicomte, à la mer. Je suis un marin, voyez-vous, tout enfant, j’ai été bercé dans les bras du vieil Océan et sur le sein de la belle Amphitrite; j’ai joué avec le manteau vert de l’un et la robe azurée de l’autre; j’aime la mer comme on aime une maîtresse, et quand il y a longtemps que je ne l’ai vue, je m’ennuie d’elle.

– Allons, comte, allons!

– À la mer?

– Oui.

– Vous acceptez?

– J’accepte.

– Eh bien, vicomte, il y aura ce soir dans ma cour un briska de voyage, dans lequel on peut s’étendre comme dans son lit; ce briska sera attelé de quatre chevaux de poste. Monsieur Beauchamp, on y tient quatre très facilement. Voulez-vous venir avec nous? je vous emmène!

– Merci, je viens de la mer.

– Comment! vous venez de la mer?

– Oui, ou à peu près. Je viens de faire un petit voyage aux îles Borromées.

– Qu’importe! venez toujours, dit Albert.

– Non, cher Morcerf, vous devez comprendre que du moment où je refuse, c’est que la chose est impossible. D’ailleurs, il est important, ajouta-t-il en baissant la voix, que je reste à Paris, ne fût-ce que pour surveiller la boîte du journal.

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