Victor Hugo - Le Dernier Jour D’un Condamné

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Le Dernier Jour D’un Condamné: краткое содержание, описание и аннотация

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À la prison de Bicêtre, un condamné à mort note heure par heure les événements d'une journée dont il apprend qu'elle sera la dernière. Il rappelle les circonstances de la sentence, puis de son emprisonnement et la raison qui le fait écrire, jusqu'au moment où il lui sera physiquement impossible de continuer. Décrivant sa cellule, détaillant la progression de la journée, évoquant d'horribles souvenirs comme le ferrement des forçats, la complainte argotique d'une jeune fille, des rêves, il en arrive au transfert à la Conciergerie……
Hugo ne donne pas son nom, ne dit presque rien sur son passé, ni pourquoi cet homme est emprisonné. Peu importe! Ce texte est un plaidoyer contre la peine de mort, contre toutes les peines de mort, il n'a pour objet que cette mort qui apparaît dans toute son horreur inouïe et impensable, dans son inhumanité intrinsèque. Ce condamné «anonyme», n'est personne, et donc tout le monde, et nous vivons sa peur et son Enfer.

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Un seul, un vieux, avait conservé quelque gaieté. Il s’écria, en s’essuyant avec sa chemise mouillée, que cela n’était pas dans le programme ; puis se prit à rire en montrant le poing au ciel.

Quand ils eurent revêtu les habits de route, on les mena par bandes de vingt ou trente à l’autre coin du préau, où les cordons allongés à terre les attendaient. Ces cordons sont de longues et fortes chaînes coupées transversalement de deux en deux pieds par d’autres chaînes plus courtes, à l’extrémité desquelles se rattache un carcan carré, qui s’ouvre au moyen d’une charnière pratiquée à l’un des angles et se ferme à l’angle opposé par un boulon de fer, rivé pour tout le voyage sur le cou du galérien. Quand ces cordons sont développés à terre, ils figurent assez bien la grande arête d’un poisson.

On fit asseoir les galériens dans la boue, sur les pavés inondés; on leur essaya les colliers; puis deux forgerons de la chiourme, armés d’enclumes portatives, les leur rivèrent à froid à grands coups de masses de fer. C’est un moment affreux, où les plus hardis pâlissent. Chaque coup de marteau, asséné sur l’enclume appuyée à leur dos, fait rebondir le menton du patient; le moindre mouvement d’avant en arrière lui ferait sauter le crâne comme une coquille de noix.

Après cette opération, ils devinrent sombres. On n’entendait plus que le grelottement des chaînes, et par intervalles un cri et le bruit sourd du bâton des gardes-chiourme sur les membres des récalcitrants. Il y en eut qui pleurèrent; les vieux frissonnaient et se mordaient les lèvres. Je regardai avec terreur tous ces profils sinistres dans leurs cadres de fer.

Ainsi, après la visite des médecins, la visite des geôliers; après la visite des geôliers, le ferrage. Trois actes à ce spectacle.

Un rayon de soleil reparut. On eût dit qu’il mettait le feu à tous ces cerveaux. Les forçats se levèrent à la fois, comme par un mouvement convulsif. Les cinq cordons se rattachèrent par les mains, et tout à coup se formèrent en ronde immense autour de la branche de la lanterne. Ils tournaient à fatiguer les yeux. Ils chantaient une chanson du bagne, une romance d’argot, sur un air tantôt plaintif, tantôt furieux et gai; on entendait par intervalles des cris grêles, des éclats de rire déchirés et haletants se mêler aux mystérieuses paroles; puis des acclamations furibondes; et les chaînes qui s’entre-choquaient en cadence servaient d’orchestre à ce chant plus rauque que leur bruit. Si je cherchais une image du sabbat, je ne la voudrais ni meilleure ni pire.

On apporta dans le préau un large baquet. Les gardes-chiourme rompirent la danse des forçats à coups de bâton, et les conduisirent à ce baquet, dans lequel on voyait nager je ne sais quelles herbes dans je ne sais quel liquide fumant et sale. Ils mangèrent.

Puis, ayant mangé, ils jetèrent sur le pavé ce qui restait de leur soupe et de leur pain bis, et se remirent à danser et à chanter. Il paraît qu’on leur laisse cette liberté le jour du ferrage et la nuit qui le suit.

J’observais ce spectacle étrange avec une curiosité si avide, si palpitante, si attentive, que je m’étais oublié moi-même. Un profond sentiment de pitié me remuait jusqu’aux entrailles, et leurs rires me faisaient pleurer.

Tout à coup, à travers la rêverie profonde où j’étais tombé, je vis la ronde hurlante s’arrêter et se taire. Puis tous les yeux se tournèrent vers la fenêtre que j’occupais. – Le condamné! le condamné! crièrent-ils tous en me montrant du doigt; et les explosions de joie redoublèrent.

Je restai pétrifié.

J’ignore d’où ils me connaissaient et comment ils m’avaient reconnu.

– Bonjour! bonsoir! me crièrent-ils avec leur ricanement atroce. Un des plus jeunes, condamné aux galères perpétuelles, face luisante et plombée, me regarda d’un air d’envie en disant: – Il est heureux! il sera rogné ! Adieu, camarade!

Je ne puis dire ce qui se passait en moi. J’étais leur camarade en effet. La Grève est sœur de Toulon. J’étais même placé plus bas qu’eux; ils me faisaient honneur. Je frissonnai.

Oui, leur camarade! Et quelques jours plus tard, j’aurais pu aussi, moi, être un spectacle pour eux.

J’étais demeuré à la fenêtre, immobile, perclus, paralysé. Mais quand je vis les cinq cordons s’avancer, se ruer vers moi avec des paroles d’une infernale cordialité; quand j’entendis le tumultueux fracas de leurs chaînes, de leurs clameurs, de leurs pas, au pied du mur, il me sembla que cette nuée de démons escaladait ma misérable cellule; je poussai un cri, je me jetai sur la porte d’une violence à la briser; mais pas moyen de fuir; les verrous étaient tirés en dehors. Je heurtai, j’appelai avec rage. Puis il me sembla entendre de plus près encore les effrayantes voix des forçats. Je crus voir leurs têtes hideuses paraître déjà au bord de ma fenêtre, je poussai un second cri d’angoisse, et je tombai évanoui.

XIV

Quand je revins à moi, il était nuit. J’étais couché dans un grabat; une lanterne qui vacillait au plafond me fit voir d’autres grabats alignés des deux côtés du mien. Je compris qu’on m’avait transporté à l’infirmerie.

Je restai quelques instants éveillé, mais sans pensée et sans souvenir, tout entier au bonheur d’être dans un lit. Certes, en d’autres temps, ce lit d’hôpital et de prison m’eût fait reculer de dégoût et de pitié; mais je n’étais plus le même homme. Les draps étaient gris et rudes au toucher, la couverture maigre et trouée; on sentait la paillasse à travers le matelas; qu’importe! mes membres pouvaient se déroidir à l’aise entre ces draps grossiers; sous cette couverture, si mince qu’elle fût, je sentais se dissiper peu à peu cet horrible froid de la moelle des os dont j’avais pris l’habitude. – Je me rendormis.

Un grand bruit me réveilla; il faisait petit jour. Ce bruit venait du dehors; mon lit était à côté de la fenêtre, je me levai sur mon séant pour voir ce que c’était.

La fenêtre donnait sur la grande cour de Bicêtre. Cette cour était pleine de monde; deux haies de vétérans avaient peine à maintenir libre, au milieu de cette foule, un étroit chemin qui traversait la cour. Entre ce double rang de soldats cheminaient lentement, cahotées à chaque pavé, cinq longues charrettes chargées d’hommes; c’étaient les forçats qui partaient.

Ces charrettes étaient découvertes. Chaque cordon en occupait une. Les forçats étaient assis de côté sur chacun des bords, adossés les uns aux autres, séparés par la chaîne commune, qui se développait dans la longueur du chariot, et sur l’extrémité de laquelle un argousin debout, fusil chargé, tenait le pied. On entendait bruire leurs fers, et, à chaque secousse de la voiture, on voyait sauter leurs têtes et ballotter leurs jambes pendantes.

Une pluie fine et pénétrante glaçait l’air, et collait sur leurs genoux leurs pantalons de toile, de gris devenus noirs. Leurs longues barbes, leurs cheveux courts ruisselaient; leurs visages étaient violets; on les voyait grelotter, et leurs dents grinçaient de rage et de froid. Du reste, pas de mouvements possibles. Une fois rivé à cette chaîne, on n’est plus qu’une fraction de ce tout hideux qu’on appelle le cordon, et qui se meut comme un seul homme. L’intelligence doit abdiquer, le carcan du bagne la condamne à mort; et quant à l’animal lui-même, il ne doit plus avoir de besoins et d’appétits qu’à heures fixes. Ainsi, immobiles, la plupart demi-nus, têtes découvertes et pieds pendants, ils commençaient leur voyage de vingt-cinq jours, chargés sur les mêmes charrettes, vêtus des mêmes vêtements pour le soleil à plomb de juillet et pour les froides pluies de novembre. On dirait que les hommes veulent mettre le ciel de moitié dans leur office de bourreaux.

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