– Je ne sache que Dieu, répondit Consuelo, qui puisse exercer une telle protection, et qui veuille l'étendre jusque sur un être aussi insignifiant que moi. Si je cours quelque danger ici, c'est en lui que je mets mon espoir. Je me méfierais de toute autre sollicitude dont je ne connaîtrais ni les moyens ni les motifs.
– La méfiance sied mal aux grandes âmes, reprit le comte; et c'est parce que madame de Rudolstadt est une grande âme, qu'elle a droit à la protection des véritables serviteurs de Dieu. Voilà donc le seul motif de celle qui vous est offerte. Quant à ses moyens, ils sont immenses, et diffèrent autant par leur puissance et leur moralité de ceux que possèdent les rois et les princes, que la cause de Dieu diffère, par sa sublimité, de celle des despotes et des glorieux de ce monde. Si vous n'avez d'amour et de confiance que dans la justice divine, vous êtes forcée de reconnaître son action dans les hommes de bien et d'intelligence, qui sont ici-bas les ministres de sa volonté et les exécuteurs de sa loi suprême. Redresser les torts, protéger les faibles, réprimer la tyrannie, encourager et récompenser la vertu, répandre les principes de la morale, conserver le dépôt sacré de l'honneur, telle a été de tout temps la mission d'une phalange illustre et vénérable, qui, sous divers noms et diverses formes, s'est perpétuée depuis l'origine des sociétés jusqu'à nos jours. Voyez les lois grossières et antihumaines qui régissent les nations, voyez les préjugés et les erreurs des hommes, voyez partout les traces monstrueuses de la barbarie! Comment concevriez-vous que, dans un monde si mal géré par l'ignorance des masses et la perfidie des gouvernements, il pût éclore quelques vertus et circuler quelques doctrines vraies? Cela est, pourtant, et on voit des lis sans tache, des fleurs sans souillure, des âmes comme la vôtre, comme celle d'Albert, croître et briller sur la fange terrestre. Mais croyez-vous qu'elles pussent conserver leur parfum, se préserver des morsures immondes des reptiles, et résister aux orages, si elles n'étaient soutenues et préservées par des forces secourables, par des mains amies? Croyez-vous qu'Albert, cet homme sublime, étranger à toutes les turpitudes vulgaires, supérieur à l'humanité jusqu'à paraître insensé aux profanes, ait puisé en lui seul toute sa grandeur et toute sa foi? Croyez-vous qu'il fût un fait isolé dans l'univers, et qu'il ne se soit jamais retrempé à un foyer de sympathie et d'espérance? Et vous-même, pensez-vous que vous seriez ce que vous êtes, si le souffle divin n'eût passé de l'esprit d'Albert dans le vôtre? Mais maintenant que vous voilà séparée de lui, jetée dans une sphère indigne de vous, exposée à tous les petits, à toutes les séductions, fille de théâtre, confidente d'une princesse amoureuse, et réputée maîtresse d'un roi usé par la débauche et glacé par l'égoïsme, espérez-vous conserver la pureté immaculée de votre candeur primitive, si les ailes mystérieuses des archanges ne s'étendent sur vous comme une égide céleste? Prenez-y garde, Consuelo! ce n'est pas en vous-même, en vous seule, du moins, que vous puiserez la force dont vous avez besoin. La prudence même dont vous vous vantez sera facilement déjouée par les ruses de l'esprit de malice qui erre dans les ténèbres, autour de votre chevet virginal. Apprenez donc à respecter la sainte milice, l'invisible armée de la foi qui déjà forme un rempart autour de vous. On ne vous demande ni engagements, ni service; on vous ordonne seulement d'être docile et confiante quand vous sentirez les effets inattendus de l'adoption bienfaisante. Je vous en ai dit assez. C'est à vous de réfléchir mûrement à mes paroles; et lorsque le temps viendra, lorsque vous verrez des prodiges s'accomplir autour de vous, ressouvenez-vous que tout est possible à ceux qui croient et qui travaillent en commun, à ceux qui sont égaux et libres; oui, à ceux-là, rien n'est impossible pour récompenser le mérite; et si le vôtre s'élevait assez haut pour obtenir d'eux un prix sublime, sachez qu'ils pourraient même ressusciter Albert et vous le rendre.»
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On sait que Frédéric donnait des abbayes, des canonicats et des évêchés à ses favoris, à ses officiers, et à ses parents protestants. La princesse Amélie, ayant refusé obstinément de se marier, avait été dotée par lui de l'abbaye de Quedlimburg, prébende royale qui rapportait cent mille livres de rente, et dont elle porta le titre à la manière des chanoinesses catholiques.
L'Opéra commençait et finissait plus tôt que de nos jours. Frédéric commençait à souper à dix heures.
Je le garde encore parce que j'ai besoin de lui. Dans un an je n'en aurai plus que faire, et je m'en débarrasserai. Je presse l'orange, et après je jetterai l'écorce .» On sait que ce mot fut une plaie vive pour l'orgueil de Voltaire.
Château des Géants, en allemand.
La Pierre d'épouvante .
L'orthographe originale de George Sand est conservée tout au long du présent document.