Non, elle ne les a pas lus. Mais la vérité dans ce genre de situation ne serait pas d’une grande aide.
« Oui, c’est vrai, ils étaient très gentils. Tu sais être gentil » .
« Bien sûr, si tu ne me fais pas trop chier » .
« Je n’aime pas me disputer avec toi. Ça me rend mal, tu sais » .
« Justement, on ne doit pas se disputer » Evan place le couteau dans la main avec laquelle il tient le volant, et avec celle restée libre lui caresse une cuisse. Ça marche. Heureusement qu’elle a mis un jean.
« Non, on ne doit pas » Keira se penche pour susurrer à son oreille. « Au contraire, nous devrions faire la paix » .
« Oui. C’est comme ça que tu me plais » il change de route, et Keira comprend où il est en train de se diriger. « Docile, cochonne, et prête à me satisfaire » il ouvre son pantalon, il lui prend une main et l’introduit dans son caleçon.
Ce n’est pas le bon moment. Ce n’est pas le bon moment pour lui écraser les testicules et les lui faire bouffer. Elle doit avant tout écarter le couteau, car elle sait combien Evan peut être rapide s’il se sent menacé.
Elle prie pour qu’ils arrivent enfin où elle pense, et par chance cela arrive comme prévu. Evan a presque vingt-huit ans, et pourtant il vit encore chez ses parents, donc lorsqu’ils veulent “ être seuls ”ils vont dans un hangar désaffecté de l’aéroport auquel le père a accès car il travaille ici comme ouvrier. Au début, le poste lui plaisait : il rassemble les vieux avions en panne qui peuvent être exploitables, et les bagages égarés des passagers qui ne sont jamais venus les réclamer. Il devrait devenir le musée aéronautique de la ville, mais le projet n’a pas encore été lancé. Plusieurs fois, dans le dos d’Evan, Keira a amené ici Lake Pierce, pour fumer un joint sur les ailes d’un DC-3 et s’imaginer pouvoir partir vers des horizons inconnus. Durant l’une de leurs expéditions, Lake a même retrouvé une vieille paire de lunettes d’aviateur, à coques, qu’il a portée toute la soirée. Keira s’est foutue de lui, mais au final il les a rapportées avec lui à la maison.
Lake est un don Juan immature et irresponsable, mais il est sans aucun doute de meilleure compagnie que celle qui se trouve à présent à ses côtés.
Evan insère le badge permettant de soulever la barrière automatique et d’entrer dans le hall intérieur du hangar. Il arrête la voiture devant la porte métallique.
« Pourquoi tu t’arrêtes ? » il invite la main de Keira à continuer, et poursuit son exploration dans son décolleté pour lui palper les seins.
« On ne va pas à l’intérieur ? » Keira s’apprête à ouvrir la portière pour s’éloigner de lui.
Il la saisit par les épaules.
« Non, je suis déjà bien assez excité. On le fait là » il sort sa langue et lui bave dessus, déterminé à descendre un peu plus bas pour lui mordre les tétons.
Keira ne veut plus faire la moindre chose avec lui, jamais plus.
Elle ne lui permettra plus d’être son stupide jouet.
C’est le moment d’appliquer la première circonstance.
« Faisons-le dehors » réplique-t-elle.
« Comment ça dehors ? » Evan lui prête peu d’attention, sa bouche est arrivée au niveau du soutien-gorge et afin de pouvoir le lui baisser, il a relâché sa prise sur les épaules de Keira.
« Prends-moi sur le capot de la voiture » dit Keira.
Comme les putes de tes magazines pornos, pense-t-elle.
La proposition le bloque pendant un instant.
« Bien » dit-il ensuite, avec un regard obscène. « Dehors, avec le risque que l’on nous voit... Ça me plaît, c’est une bonne idée » .
Sans s’arrêter de la toucher, il l’autorise à ouvrir la portière et ils sortent de là ensemble, imbriqués l’un contre l’autre.
Evan la plaque contre le capot, l’obligeant à s’asseoir avant de lui sauter dessus. Plutôt que de laisser tomber le couteau, il lui effleure le visage avec la lame : « Je suis content d’être venu te voir » il sourit et lui écarte les jambes. « Maintenant je sais qu’il suffit juste de faire peur à ton frère pour faire de toi une docile chienne en chaleur » il baisse le couteau pour lui déboutonner son jean.
Quelque chose se passe en elle.
Keira ferme les yeux un moment et part dans ses pensées.
Puis, elle les ouvre à nouveau et se met à grincer des dents.
Personne ne doit s’approcher de son frère.
La circonstance explose.
Evan a son regard posé sur la fermeture éclair de son pantalon, alors Keira profite de ce moment d’égarement : elle lui balance un coup de poing dans le nez, rapide et précis.
« Merde, qu’est-ce que... ? » il recule, déconcerté par la réaction et par le coup reçu, mais cette fois-ci, c’est elle qui le saisit : elle le prend par la veste, elle s’agrippe, et avec élan, en une fraction de seconde, soulève un genou, droit dans l’entrejambe. Evan se plie en deux, tout en jurant, alors que le couteau lui glisse des mains. Keira se précipite pour le ramasser. Il s’en rend compte, tend le bras pour l’attraper, mais il réussit seulement à lui arracher une mèche de cheveux. Keira se débat, elle trébuche, elle se jette sur le couteau, elle le ramasse et, avec une rapidité meurtrière, se retourne avant qu’Evan ne revienne à l’attaque : « Je te crève un oeil, enfoiré » l’avertit-elle. « Ne t’approche pas » .
Il se met à cracher, la dévisageant avec haine. Elle fait un pas sur le côté, comme si elle voulait revenir vers la voiture. Keira baisse le couteau.
Les yeux d’Evan s’illuminent.
Une fois l’arme hors de sa vue, il s’écarte sur la gauche et fonce sur elle. Keira l’avait anticipé : elle court de l’autre côté de la voiture. Il glisse, il s’agrippe au coffre pour éviter la chute puis retrouve son équilibre.
S’il était tout simplement monté sur la voiture, alors il l’aurait eue. Pas forcément tout de suite, parce que le hall du hangar est énorme, mais il l’aurait eue ; au contraire, il préfère le contact direct et celui-ci lui échappe.
Alors qu’il essayait de l’attraper, il n’a pas remarqué où Keira s’en allait.
Il s’en rend compte trop tard.
Keira monte dans la voiture, elle tourne la clé de contact qu’il lui avait laissée là, bien en évidence, et démarre sur une parfaite imitation vrombissante digne de lui.
Evan se met à jurer, il tire le passe hors de sa poche et le soulève en l’air pour qu’elle puisse le voir :
« Tu ne peux pas sortir ! » hurle-t-il.
Keira l’entend.
« Ah non ? »
Elle appuie sur l’accélérateur, à fond, et redresse le volant.
Au dernier moment, elle ferme les yeux, accuse le coup, et bam !, la barrière en bois qui empêchait l’accès au hangar se brise en deux et vole en éclat.
Elle s’assure de voir dans le rétroviseur la même image que celle eue précédemment, seulement cette fois-ci ce n’est pas le visage réduit de son frère mais celui d’Evan. Les insultes qu’il lui lance au visage se perdent dans le grondement du moteur.
Circonstance numéro deux : un crétin reste toujours un crétin.
Keira se passe le dos de la main sur le visage, elle soupire, et jette le couteau par la fenêtre.
Il faut qu’elle se mette à aller à l’église et qu’elle se trouve un enfant de choeur comme petit ami.
Elle ralentit un peu qu’une fois immergée dans la circulation quotidienne de la nationale qui reconduit à la ville. Elle ajuste son top, elle reboutonne son jean puis cherche dans ses poches le téléphone pour appeler Josh et lui dire que, comme promis, elle rentrera bientôt. Elle ne le trouve pas. Elle doit l’avoir laissé dans la voiture, devant la maison. Elle regrette de ne pas pouvoir rassurer son frère, mais il devra attendre, car elle a une dernière chose à faire pour calmer ses nerfs.
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