— Je pense que c’est le plus bel arbre que j’aie jamais vu, dit-elle, regardant avec gratitude chacun des membres de sa famille.
*
L’arbre étant terminé et les chocolats chauds bus, il fut temps pour Patricia de dire au revoir.
— J’aimerais que tu n’aies pas à partir, dit Chantelle, les bras serrés autour de la taille de Patricia.
Emily regarda sa mère embrasser l’enfant dans ses bras, l’air beaucoup moins maladroite qu’elle ne l’était habituellement avec les marques manifestes d’affection.
— Nous pouvons parler au téléphone, si tu veux, dit Patricia à l’enfant.
— Tu nous appelleras sur Face Time ? s’exclama Chantelle, le visage fendu par un énorme sourire.
— Est-ce que je vais faire quoi maintenant ? demanda Patricia, l’air perplexe.
— Messagerie vidéo, maman, expliqua Emily. Chantelle adore ça.
— On passe des appels vidéo avec Papa Roy tout le temps, lui dit Chantelle. On peut ? On peut le faire ? On peut ?
Patricia acquiesça.
— Bien sûr. Si c’est ce que tu veux.
Elle avait l’air sincèrement touchée, pensa Emily, que Chantelle veuille rester en contact avec elle.
— Et, ajouta Emily, s’il te plaît, réfléchis à venir pour Noël. Nous serions ravis de t’avoir ici.
— Je ne veux pas gêner, dit Patricia.
Daniel intervint alors.
— Vous ne gêneriez pas, dit-il. Nous n’avons pas de réservation pour le moment. Si vous voulez un peu votre propre espace, nous pourrions même vous mettre dans la remise.
— Eh bien, dit Patricia, comme si elle essayait de cacher son expression touchée. J’y réfléchirai certainement.
Son taxi arriva alors et remonta la longue allée, ses pneus crissant sur le gravier. Daniel prit les affaires de Patricia et les porta en bas du porche. Le reste de la famille suivit. Même Mogsy et Rain sortirent pour la voir partir, agitant la queue à l’unisson tandis qu’elles regardaient à travers les barreaux.
Daniel mit la valise dans le coffre, puis prit Patricia dans ses bras. Chantelle s’accrochait à elle.
— Je t’aime Mamie Patty, s’exclama-t-elle. Reviens bientôt, s’il te plaît.
— Je le ferai, chérie, dit Patricia en lui caressant la tête. Ce ne sera pas long du tout.
Puis ce fut au tour d’Emily. Elle serra sa mère dans ses bras, se sentant remplie de gratitude et de reconnaissance. Il avait peut-être fallu des années pour en arriver là – et l’horrible choc de la maladie de Roy, qui donnait à réfléchir – mais il semblait que les choses allaient enfin changer pour le mieux entre elles.
— S’il te plaît, reste en contact, dit Emily à sa mère.
— Je le ferai, répondit Patricia. Je te le promets.
Elles se relâchèrent et Patricia monta dans le taxi. Emily rejoignit sa famille, sentant le bras de Daniel passer autour de ses épaules et les mains de Chantelle s’accrocher à elle. Elle berça son ventre d’une main et salua sa mère de l’autre. Ils restèrent là jusqu’à ce que le taxi ait disparu.
Alors qu’ils retournaient vers l’auberge, Emily entendit le téléphone se mettre à sonner. Elle alla à la réception et y répondit. C’était la voix d’Amy à l’autre bout.
— Em, je viens juste de voir le bulletin à l’extérieur de la mairie, dit-elle.
Emily avait encore du mal à se faire à l’idée qu’Amy était une résidente de Sunset Harbor, qu’elle prêtait attention à ce qui se passait dans leur petite ville.
— Quel bulletin ? demanda Emily.
— L’hôtel de Raven ! La réunion est demain. Celle qu’ils ont reporté à après Thanksgiving.
— Demain ? s’exclama Emily. C’est un peu au dernier moment ! Et c’est loin d’être un report !
— Je sais, je sais. À ton avis, qu’est-ce que ça veut dire que ce soit si tôt ?
— Je ne peux que supposer que cela signifie que le conseil d’urbanisme a pris une décision rapide et unanime, lui dit Emily en se remémorant le processus d’obtention de son propre permis pour l’auberge.
— Un oui unanime ou un non unanime ?
— On le saura bien assez tôt.
Amy avait l’air incroyablement stressée à propos de tout cela, ce qu’Emily trouva un peu étrange étant donné qu’elle était celle qui serait la plus affectée par le résultat.
— Nous devons aller à la réunion, dit-elle brusquement. Tu peux libérer ton agenda ?
— Peut-être. Je ne vois pas pourquoi je devrais le faire, par contre. J’ai déjà dit ce que j’avais à dire.
Elle pouvait entendre l’impatience d’Amy dans sa voix.
— Emily, tu dois y aller. Tu dois l’abattre ! Si Raven ouvre un hôtel à Sunset Harbor, ton entreprise sera en difficultés.
— Tu devrais avoir plus confiance en moi, lui dit Emily. La concurrence ne m’inquiète pas.
— Eh bien, ça devrait, lui dit Amy. Surtout venant de Raven Kingsley. Elle va t’écraser.
Emily pensa aux moments qu’elle avait passés avec Raven. Elles ne s’étaient pas liées d’amitié en tant que telles, mais elles étaient en bons termes. Raven l’avait aidée quand Daniel avait eu son accident de bateau, et elle était même venue au dîner de Thanksgiving qu’Emily avait organisé pour la ville. Elle percevait l’auberge de Raven comme une compétition amicale.
— Qu’est-ce qui te fait dire ça ? dit Emily en secouant la tête. Raven est comme n’importe quel autre chef d’entreprise. Elle veut travailler dur et réussir. Je sais qu’elle a été un peu un vautour par le passé, mais elle veut s’installer ici. Son mari l’a quittée et elle veut juste que les enfants soient au même endroit pour une certaine stabilité.
— Je pense que tu es naïve, dit Amy. Chasse le naturel, il revient au galop.
— Amy, ma mère vient de boire du chocolat chaud avec de la crème et des guimauves et a coupé un sapin de Noël à la scie. Le naturel peut changer.
Mais Amy ne reculait pas.
— Raven te poussera à la faillite, puis passera à la ville suivante. C’est ce qu’elle fait. Elle a l’habitude de le faire, de détruire des quartiers avec ses grands hôtels tape-à-l’œil. C’est entièrement du business, sans âme. La dernière chose dont la ville a besoin. Et elle en a tellement qu’elle met le prix des chambres très bas pour commencer. Même si elle subit une perte pendant les cinq premières années, elle le fera, juste pour pouvoir éliminer la concurrence !
Emily n’arrivait pas à concilier la Raven dont parlait Amy et celle qu’elle connaissait. Mais entendre ce qu’Amy avait à dire commençait à la secouer.
— Viens juste à la réunion, dit Amy.
— D’accord, dit Emily.
Alors qu’elle reposait le combiné, elle se demanda si Amy avait raison. Peut-être que Raven était aussi impitoyable. Mais si Emily n’avait pas l’auberge, qu’adviendrait-il d’elle ? De sa famille ? Soudain, elle eut l’impression que le sol sous ses pieds devenait instable. Et si la vie de rêve qu’elle vivait s’avérait être temporaire après tout… ?
Le lendemain, après avoir déposé Chantelle à l’école, Daniel conduisit Emily chez Harry et Amy avant de se rendre au travail. Quand Emily sonna à la porte, Amy vint ouvrir, rayonnante et souriant d’une oreille à l’autre.
— Prête ? demanda Emily.
Le sourire d’Amy s’élargit.
— Bien sûr que oui !
Aujourd’hui, Amy avait prévu une journée de shopping endiablée, avec des rendez-vous dans des lieux de mariage potentiels et plusieurs visites de maisons avec des agents immobiliers. Et comme Harry travaillait au restaurant toute la journée, Emily était disponible pour lui offrir son soutien et ses paroles de sagesse. Elle était, bien sûr, ravie d’aider.
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