Nous allons devoir encore tout recommencer dans vingt-cinq ans et à un coût trois fois supérieur.
Il avait raison. La deuxième guerre mondiale a éclaté près de vingt ans plus tard et a coûté non pas trois fois plus de vies, mais quatre fois plus. La guerre la plus terrible de l'histoire de l'humanité avait donc une conclusion appropriée, elle n’avait été que l’introduction d’une autre plus dévastatrice.
La décision prise à Paris de faire payer l'Allemagne était insensée. L'Allemagne fut contrainte de verser des milliards de dollars en réparation aux nations victorieuses. Les délégués américains n'acceptèrent jamais cette idée, mais la France, en particulier, avait insisté pour un paiement rapide.
À la fin de la guerre, l'Allemagne est au bord d'une révolution communiste. Elle subit ensuite la honte de la défaite des territoires perdus dans une économie ruinée par la guerre et les réparations. La population allemande est indignée. Ils pensaient avoir gagné la guerre à l'est, et la guerre à l'ouest s'était terminée avant que les soldats alliés n'envahissent l'Allemagne.
Comment pourrait-on prétendre qu'ils avaient perdu la guerre ?
Leur perplexité était d'autant plus grande que les journaux allemands n'avaient pas rendu compte de l'ampleur de l'effondrement de l'armée allemande. Dans les années 30, un ancien soldat de première ligne du nom d'Adolf Hitler, capitalise sur la source du ressentiment. Son parti Nazi arrive au pouvoir en 1933 et entraîne les évènements provoquant la Seconde Guerre mondiale.
Pour certains, c'était par devoir, par patriotisme, ou par conviction qu'ils se battaient pour un monde meilleur. Pour d’autres, c'était le simple fait qu'ils seraient emprisonnés ou fusillés, au déshonneur de leur famille, s'ils ne participaient pas.
Les hommes qui avaient survécu à la guerre s'attendaient à être récompensés pour leurs efforts. La plupart furent déçus. L’après-guerre avait laissé la Russie aux prises d’un gouvernement bolchevique, infligeant à sa population la famine, des purges meurtrières et une oppression sévère qui dureront pendant plus de 70 ans.
La France avait gagné, mais elle n’était pas glorieuse. Elle ne retrouvera jamais sa place de grande puissance dans le monde. La guerre laissa la Grande-Bretagne et l'Empire britannique avec plus de 940 000 morts et une économie proche de l'effondrement à gérer.
Seule l'Amérique avait réussi à s'imposer comme la nation la plus forte et la plus riche du monde. Autre coup du sort, juste au moment où le conflit pris fin, une colossale épidémie de grippe balaya le monde. Le stress et les privations de quatre années de guerre y étaient pour quelque chose.
Ceux qui étaient revenus de la guerre en subiront les conséquences pour le reste de leur vie. Les soldats dont les poumons ont été brûlés par les gaz, ou auxquels il manque deux, trois ou même quatre membres, s'éteignent lentement dans des hospices. Dans toute l'Europe, les asiles sont remplis d'hommes souffrant du choc des obus. Aujourd'hui, il s'agit d'un état psychologique, reconnu chez les soldats de combat comme le TSPT. Mais en 1918, dans la tradition militaire et dans la société dans son ensemble, nous ne sommes qu'à quelques années de croire que ces hommes devraient être fusillés pour lâcheté.
Il y a encore aujourd'hui des hommes et des femmes dont les parents ont été fusillés pendant la guerre parce qu'ils souffraient de troubles mentaux dus à la tension des combats dans les tranchées. Même ceux qui ont survécu sans lésions physiques ou psychologiques apparentes ont été tourmentés par ce qu'ils ont vu et fait. Un homme sur huit ayant participé à la guerre a été tué. La plupart avaient moins de 30 ans, et beaucoup étaient encore adolescents.
Des centaines de milliers de femmes du même âge n'ont pas pu se marier parce qu'il n'y avait tout simplement pas assez d'hommes. La guerre fait désormais partie de notre histoire et fait encore partie d'une mémoire vivante. En 1998, lors du 18 èmeanniversaire de l'armistice, la Grande-Bretagne comptait 160 hommes encore en vie qui avaient combattu pendant la Grande Guerre. Des chiffres similaires existent peut-être en Allemagne, en France, en Amérique et en Russie.
À l'heure actuelle, en 2021, je suis sûr qu'ils sont tous morts. La Première Guerre mondiale est toujours un sujet fréquent de romans, de films et de documentaires télévisés. Il est difficile de trouver quelque chose de positif à raconter à son sujet. Mais peut-être que cette génération malchanceuse née à la fin du XIX èmesiècle pourra se consoler en se disant que le massacre qu'elle a subi nous hante encore aujourd'hui,
comme un rappel brutal de l'horreur de la guerre.
Deuxième partie
L'histoire de l'évasion et de la survie d'un as de la chasse de la Première Guerre mondiale
J'ai commencé à voler à Chicago en 1912. J'avais 18 ans et j'avais toujours voulu être pilote. Quand j'étais plus jeune, j'avais suivi les exploits des frères Wright avec beaucoup d'intérêt. Je dois admettre que j'avais parfois espéré qu'ils n'auraient pas conquis les airs jusqu'à ce que j'aie moi-même une chance de le faire.
J'ai eu ma chance plus tard dans la vie. Mes parents étaient opposés à ce que je risque ma vie dans ce qu'ils considéraient comme le passe-temps le plus dangereux qu'un jeune homme puisse choisir. Chaque fois que j'avais un accident ou une collision, on m'ordonnait de ne plus jamais m'approcher du terrain d'aviation. Alors je suis allé en Californie.
J’ai fait équipe avec un ami, et nous avons construit notre propre avion. Nous avons volé dans tout l'état. Au début de l'année 1916, des troubles se préparaient au Mexique. J'ai rejoint l'American Flying Corps et j'ai été envoyé à San Diego, où se trouvait à l'époque l'école de pilotage de l'armée. J'y ai passé huit mois, mais j'étais impatient d'entrer en service actif. Il ne semblait pas que l'Amérique ait beaucoup de chances de s'impliquer dans la guerre. J'ai décidé de démissionner et de passer au Canada. J'ai rejoint le RFC (Royal Flying Corps) à Victoria, en Colombie-Britannique. J'ai été envoyé à Toronto pour recevoir des instructions.
Quand j'étais cadet, j'ai fait la première boucle jamais faite par un cadet au Canada. Après avoir fait cette cascade, j'ai pensé que j'allais sûrement être viré du service pour ça. À ma grande surprise, ils m'ont permis d'enseigner la boucle dans le cadre d'un cours régulier d'instructions pour les cadets du Royal Flying Corps.
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