Pour remplir ces missions, l’ordonnance du 8 mars 1887 organisa le Service des étapes et celui des chemins de fer. Le Service des étapes disposait des chemins de fer et des bateaux à vapeur et, si ces moyens ne suffisaient pas, des étapes de marche. 154Il était placé sous les ordres directs du général et était organisé territorialement d’après les six groupes de chemins de fer. Il comprenait les organes suivants:
– 1 commandant en chef des étapes. Celui-ci était le chef du Service des étapes de l’armée et se trouvait au Quartier général de l’armée. Il était directement subordonné au chef d’état-major.
– 1 commandant de l’étape centrale. Remplaçant et subordonné immédiat du commandant en chef des étapes, il avait pour mission de diriger et de centraliser le service des étapes proprement dit. En relation avec le chef d’exploitation principal des chemins de fer, il recevait des stations têtes d’étapes les convois d’évacuation de l’armée et les dirigeait vers les stations d’étapes initiales correspondantes. Inversement, il recevait des stations d’étapes initiales ou des stations d’étapes de réunion les convois de ravitaillement destinés à l’armée et les dirigeait vers les stations têtes d’étapes.
– 6 commandants d’étapes de réunion. Subordonnés directs du commandant de l’étape centrale, ceux-ci exécutaient ses ordres dans leur réseau d’étape respectif. Ces six réseaux correspondaient aux six groupes de chemins de fer.
– 26 commandants d’étapes initiales. Ces fonctions étaient assumées par les commissaires des guerres des 25 cantons et le commissaire des guerres de la place de Thoune, qui servaient d’intermédiaires entre les étapes de réunion et les arrondissements militaires de division ou les établissements militaires. Directement subordonnés à leur commandant d’étape de réunion respectif, les commandants d’étapes initiales disposaient du personnel cantonal, qui pouvait être renforcé par des détachements de landwehr et de landsturm .
– Le nombre nécessaire de commandants de têtes d’étapes. Ces commandants avaient une double subordination. Pour tout ce qui concernait le ravitaillement de l’armée, ils étaient subordonnés au commandant en chef des étapes. En revanche, pour les transports depuis l’armée en direction de l’intérieur du pays, ils étaient subordonnés au commandant de l’étape centrale. Ces commandants servaient d’interfaces entre les commandants de divisions et de corps d’armée et les commandants d’étapes de réunion. A noter que des commandants d’étapes intermédiaires, subordonnés aux commandants de têtes d’étapes, pouvaient être créés si le besoin s’en faisait sentir.
Le Service des chemins de fer et des bateaux à vapeur était, quant à lui, dirigé par le chef du Service des transports et relevait du général. 155Disposant de l’ensemble du matériel et du personnel civils des compagnies de chemins de fer et de bateaux à vapeurs que la Confédération avait le droit de réquisitionner, il comprenait 1 chef d’exploitation principal, 1 chef du Service technique chargé des travaux de construction et d’entretien des lignes et 6 chefs de groupes d’exploitation. Le chef d’exploitation principal était le remplaçant du chef du Service des transports dont il exécutait les ordres. Il disposait, sous ses ordres, de divers bureaux: Bureau de l’exploitation, chargé des questions d’horaires et de personnel; Bureau central et Bureaux de répartition du matériel roulant; Bureau du contrôle des transports et de la comptabilité.
Les 6 chefs de groupes d’exploitation étaient à la tête des 6 groupes de chemins de fer dans lesquels étaient répartis les réseaux des différentes compagnies de chemin de fer et de navigation suisses. Ces 6 groupes, qui employaient le matériel et le personnel utilisés par les compagnies en temps de paix, étaient ainsi organisés:
– 1 erGroupe, siège à Lausanne (éventuellement Fribourg)
lignes de la Compagnie de la Suisse occidentale et du Simplon
tronçon du chemin de fer Paris–Lyon–Méditerranée
chemin de fer du Jura neuchâtelois
ligne Lausanne–Echallens
ligne Lausanne–Ouchy
ligne Territet–Glyon
navigation à vapeur sur les lacs Léman, de Neuchâtel et de Morat
– 2 eGroupe, siège à Berne
chemins de fer Jura–Berne–Lucerne
chemin de fer du Boedeli
chemin de fer du Brunig
ligne Tavannes–Tramelan
navigation à vapeur sur les lacs de Bienne, Thoune et Brienz
– 3 eGroupe, siège à Olten (éventuellement Lucerne)
lignes exploitées par la Compagnie du chemin de fer du Central
tronçons des lignes badoises et d’Alsace–Lorraine sur territoire bâlois
ligne de l’Emmental
ligne de Waldenbourg
ligne du Seetal argovien-lucernois
navigation à vapeur sur les lacs des Quatre-Cantons et de Zoug
– 4 eGroupe, siège à Lucerne
ligne du Gothard
lignes Vitznau–Righi et Arth–Righi
navigation à vapeur sur les lacs de Lugano et Majeur
– 5 eGroupe, siège à Zurich
lignes de la Compagnie des chemins de fer du Nord-Est
tronçon de la ligne badoise sur territoire de Schaffhouse
ligne de l’Üetliberg
ligne Wädenswil–Einsiedeln
navigation à vapeur sur les lacs de Zurich et de Constance et sur le Rhin
– 6 eGroupe, siège à St-Gall (éventuellement Sargans ou Rapperswil)
lignes de la Compagnie des chemins de fer de l’Union Suisse
ligne de la vallée de la Töss
lignes appenzelloises
ligne Rorschach–Heiden
Tous ces travaux d’organisation de la mobilisation découlant de l’ordonnance de 1884, divers, vastes et complets, ont nécessité beaucoup de temps, plus que ne l’avait prévu Keller. Commencés en 1886, ils n’ont été terminés qu’en 1888, mais ils mettaient en place une organisation efficace, permettant une mise sur pied rapide de l’armée. La mobilisation des troupes, leur équipement et leur regroupement en unités d’armée nécessitaient un délai de cinq à six jours. A partir de ce moment, les opérations de concentration de l’armée pouvaient commencer. Ce système donnait à la Suisse une avance de plusieurs jours par rapport à ses voisins. En septembre 1890, Keller, depuis quelques mois à la tête de l’Etat-major général, estimait que l’armée suisse aurait un jour d’avance par rapport à l’armée française, deux par rapport aux armées allemande et austro-hongroise et au moins trois par rapport à celle de l’Italie.
Le travail réalisé par Keller et les instances responsables de la mobilisation de l’armée dans la deuxième moitié de la décennie 1880, si important et si réussi fût-il, n’était cependant pas terminé. Il fallait mettre en place et faire fonctionner, dans la pratique, l’organisation définie sur le papier et remédier à de nombreux problèmes, plus ou moins importants. Il fallut tout d’abord instruire les différents collaborateurs ou subordonnés. Le système de mobilisation, relativement complexe, mettait en scène de nombreux acteurs fédéraux, cantonaux et communaux. De plus, le système était appelé à connaître de fréquentes modifications. Les raisons de ces changements étaient nombreuses. Il y eut celles qui découlaient des changements dans les principes de mobilisation et dans l’organisation de l’armée. Les variations dans les effectifs des chevaux des communes ou les changements dans les organisations et les structures des compagnies ferroviaires avaient également des répercussions sur les préparatifs de mobilisation.
2.1. Le système de mobilisation
2.1.1. Les modifications de l’ordonnance sur la mobilisation
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