L'Avare Molière L'Avare Comédie en cinq actes
PERSONNAGES PERSONNAGES HARPAGON, père de Cléante et d’Élise, et amoureux de Mariane. CLÉANTE, fils d’Harpagon, amant de Mariane. ÉLISE, fille d’Harpagon, amante de Valère. VALÈRE, fils d’Anselme, et amant d’Élise. MARIANE amante de Cléante et aimée d’Harpagon. ANSELME père de Valère et de Mariane, FROSINE, femme d’intrigue. MAITRE SIMON, courtier. MAITRE JACQUES, cuisinier et cocher d’Harpagon, LA FLÈCHE, valet de Cléante. DAME CLAUDE, servante d’Harpagon. BRINDAVOINE, laquais d’Harpagon. LA MERLUCHE, laquais d’Harpagon. UN COMMISSAIRE et son CLERC. La scène est à Paris, dans la maison d’Harpagon.
SCÈNE I. — VALÈRE, ÉLISE
SCÈNE II. — CLÉANTE, ÉLISE
SCÈNE III. — HARPAGON, LA FLÈCHE
SCÈNE IV. — HARPAGON, seul.
SCÈNE VI. — HARPAGON, ÉLISE
SCÈNE VII. — VALÈRE, HARPAGON, ÉLISE
SCÈNE VIII. — ÉLISE, VALÈRE
SCÈNE IX. — HARPAGON, ÉLISE, VALÈRE
SCÈNE X. — HARPAGON, VALÈRE
SCÈNE I. — CLÉANTE, LA FLÈCHE
SCÈNE II. — HARPAGON, MAITRE SIMON ; CLÉANTE et LA FLÈCHE, dans le fond du théâtre.
SCÈNE III. — HARPAGON, CLÉANTE
SCÈNE IV. — FROSINE, HARPAGON
SCÈNE V. — LA FLÈCHE, FROSINE
SCÈNE VI. — HARPAGON, FROSINE
SCÈNE I. — HARPAGON, CLÉANTE, ÉLISE, VALÈRE ; DAME CLAUDE, tenant un balai ; MAITRE JACQUES, LA MERLUCHE, BRINDAVOINE
SCÈNE II. — HARPAGON, CLÉANTE, ÉLISE, VALÈRE, MAITRE JACQUES, BRINDAVOINE, LA MERLUCHE
SCÈNE III. — HARPAGON, CLÉANTE, ÉLISE, VALÈRE, MAITRE JACQUES
SCÈNE IV. — HARPAGON, CLÉANTE, VALÈRE, MAITRE JACQUES
SCÈNE V. — HARPAGON, VALÈRE, MAITRE JACQUES
SCÈNE VI. — VALÈRE, MAITRE JACQUES
SCÈNE VII. — MARIANE, FROSINE, MAITRE JACQUES
SCÈNE VIII. — MARIANE, FROSINE
SCÈNE IX. — HARPAGON, MARIANE, FROSINE
SCÈNE X. — HARPAGON, ÉLISE, MARIANE, FROSINE
SCÈNE XI. — HARPAGON, MARIANE, ÉLISE, CLÉANTE, VALÈRE, FROSINE, BRINDAVOINE
SCÈNE XII. — HARPAGON, MARIANE, ÉLISE, CLÉANTE, VALÈRE, FROSINE
SCÈNE XIII. — HARPAGON, MARIANE, ÉLISE, CLÉANTE, VALÈRE, FROSINE, BRINDAVOINE
SCÈNE XIV. — HARPAGON, MARIANE, ÉLISE, CLÉANTE, VALÈRE, FROSINE, LA MERLUCHE
SCÈNE XV. — HARPAGON, VALÈRE
SCÈNE I. — CLÉANTE, MARIANE, ÉLISE, FROSINE
SCÈNE II. — HARPAGON, CLÉANTE, MARIANE, ÉLISE, FROSINE
SCÈNE III. — HARPAGON, CLÉANTE
SCÈNE IV. — HARPAGON, CLÉANTE, MAITRE JACQUES
SCÈNE V. — HARPAGON, CLÉANTE
SCÈNE VI. — CLÉANTE, LA FLÈCHE
SCÈNE I. — HARPAGON, UN COMMISSAIRE
SCÈNE II. — HARPAGON, UN COMMISSAIRE, MAITRE JACQUES
SCÈNE III. — HARPAGON, UN COMMISSAIRE, VALÈRE, MAITRE JACQUES
SCÈNE IV. — HARPAGON, ÉLISE, MARIANE, VALÈRE, FROSINE, MAITRE JACQUES, UN COMMISSAIRE.
SCÈNE V. — ANSELME, HARPAGON, ÉLISE, MARIANE, FROSINE, VALÈRE, UN COMMISSAIRE, MAITRE JACQUES.
SCÈNE VI. — HARPAGON, ANSELME, ÉLISE, MARIANE, CLÉANTE, VALÈRE, FROSINE, UN COMMISSAIRE, MAITRE JACQUES, LA FLÈCHE.
Molière
L'Avare
Comédie en cinq actes
HARPAGON, père de Cléante et d’Élise, et amoureux de Mariane.
CLÉANTE, fils d’Harpagon, amant de Mariane.
ÉLISE, fille d’Harpagon, amante de Valère.
VALÈRE, fils d’Anselme, et amant d’Élise.
MARIANE amante de Cléante et aimée d’Harpagon.
ANSELME père de Valère et de Mariane,
FROSINE, femme d’intrigue.
MAITRE SIMON, courtier.
MAITRE JACQUES, cuisinier et cocher d’Harpagon,
LA FLÈCHE, valet de Cléante.
DAME CLAUDE, servante d’Harpagon.
BRINDAVOINE, laquais d’Harpagon.
LA MERLUCHE, laquais d’Harpagon.
UN COMMISSAIRE et son CLERC.
La scène est à Paris, dans la maison d’Harpagon.
ACTE PREMIER
SCÈNE I. — VALÈRE, ÉLISE
VALÈRE
Eh quoi ! charmante Élise, vous devenez mélancolique, après les obligeantes assurances que vous avez eu la bonté de me donner de votre foi ! Je vous vois soupirer, hélas ! au milieu de ma joie ! Est-ce du regret, dites-moi, de m’avoir fait heureux ? et vous repentez-vous de cet engagement où mes feux ont pu vous contraindre ?
ÉLISE
Non, Valère, je ne puis pas me repentir de tout ce que je fais pour vous. Je m’y sens entraîner par une trop douce puissance, et je n’ai pas même la force de souhaiter que les choses ne fussent pas. Mais, à vous dire vrai, le succès me donne de l’inquiétude ; et je crains fort de vous aimer un peu plus que je ne devrois.
VALÈRE
Eh ! que pouvez-vous craindre, Élise, dans les bontés que vous avez pour moi ?
ÉLISE
Hélas ! cent choses à la fois : l’emportement d’un père, les reproches d’une famille, les censures du monde ; mais, plus que tout, Valère, le changement de votre cœur, et cette froideur criminelle dont ceux de votre sexe payent le plus souvent les témoignages trop ardents d’une innocente amour.
VALÈRE
Ah ! ne me faites pas ce tort, de juger de moi par les autres ! Soupçonnez-moi de tout, Élise, plutôt que de manquer à ce que je vous dois. Je vous aime trop pour cela, et mon amour pour vous durera autant que ma vie.
ÉLISE
Ah ! Valère, chacun tient les mêmes discours ! Tous les hommes sont semblables par les paroles ; et ce n’est que les actions qui les découvrent différents.
VALÈRE
Puisque les seules actions font connoître ce que nous sommes, attendez donc, au moins, à juger de mon cœur par elles, et ne me cherchez point des crimes dans les injustes craintes d’une fâcheuse prévoyance. Ne m’assassinez point, je vous prie, par les sensibles coups d’un soupçon outrageux, et donnez-moi le temps de vous convaincre, par mille et mille preuves, de l’honnêteté de mes feux.
ÉLISE
Hélas ! qu’avec facilité on se laisse persuader par les personnes que l’on aime ! Oui, Valère, je tiens votre cœur incapable de m’abuser. Je crois que vous m’aimez d’un véritable amour, et que vous me serez fidèle : je n’en veux point du tout douter, et je retranche mon chagrin aux appréhensions du blâme qu’on pourra me donner.
VALÈRE
Mais pourquoi cette inquiétude ?
ÉLISE
Je n’aurois rien à craindre si tout le monde vous voyoit des yeux dont je vous vois ; et je trouve en votre personne de quoi avoir raison aux choses que je fais pour vous. Mon cœur, pour sa défense, a tout votre mérite, appuyé du secours d’une reconnoissance où le ciel m’engage envers vous. Je me représente, à toute heure, ce péril étonnant qui commença de nous offrir aux regards l’un de l’autre ; cette générosité surprenante qui vous fit risquer votre vie, pour dérober la mienne à la fureur des ondes ; ces soins pleins de tendresse que vous me fîtes éclater après m’avoir tirée de l’eau, et les hommages assidus de cet ardent amour que ni le temps ni les difficultés n’ont rebuté, et qui, vous faisant négliger et parents et patrie, arrête vos pas en ces lieux, y tient en ma faveur votre fortune déguisée, et vous a réduit, pour me voir, à vous revêtir de l’emploi de domestique de mon père. Tout cela fait chez moi, sans doute, un merveilleux effet ; et c’en est assez à mes yeux pour me justifier l’engagement où j’ai pu consentir ; mais ce n’est pas assez peut-être pour le justifier aux autres, et je ne suis pas sûre qu’on entre dans mes sentiments.
VALÈRE
De tout ce que vous avez dit, ce n’est que par mon seul amour que je prétends, auprès de vous, mériter quelque chose ; et, quant aux scrupules que vous avez, votre père lui-même ne prend que trop de soin de vous justifier à tout le monde ; et l’excès de son avarice et la manière austère dont il vit avec ses enfants pourroient autoriser des choses plus étranges 1. Pardonnez-moi, charmante Élise, si j’en parle ainsi devant vous. Vous savez que, sur ce chapitre, on n’en peut pas dire de bien. Mais enfin, si je puis, comme je l’espère, retrouver mes parents, nous n’aurons pas beaucoup de peine à nous les rendre favorables. J’en attends des nouvelles avec impatience, et j’en irai chercher moi-même, si elles tardent à venir.
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