Уолт Уитмен - Poèmes de Walt Whitman
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Qu’y a-t-il donc entre nous?
Quel est le compte des vingtaines ou des centaines d’années qui entre nous s’étendent?
Quel qu’il soit, cela ne fait rien—la distance ne fait rien et le lieu ne fait rien,
Moi aussi j’ai vécu et Brooklyn aux amples collines a été mien,
Moi aussi je me suis promené dans les rues de l’île Manhattan, et baigné dans les eaux qui l’entourent,
Moi aussi j’ai senti s’agiter en moi de brusques, d’étranges doutes,
Le jour parmi la foule des gens parfois ils m’ont assailli,
Quand je rentrais à pied chez moi tard dans la soirée ou quand j’étais couché dans mon lit, ils m’ont assailli,
Moi aussi j’étais un fragment solidifié de cette fonte éternellement en fusion qu’est le flot mouvant des choses,
Moi aussi j’avais reçu l’identité par mon corps,
Ce que j’étais, j’ai su que je l’étais par mon corps, et ce que je serais, j’ai su que je le serais par mon corps.
Ce n’est pas sur vous seuls que tombent les lambeaux d’ombre,
L’ombre a jeté ses lambeaux également sur moi,
Le meilleur de ce que j’avais fait me semblait alors vide et douteux,
Mes grandes pensées, que du moins je supposais telles, ne se prouvaient-elles pas mesquines en réalité?
Et ce n’est pas vous seul qui savez ce que c’est que d’être mauvais,
Je suis celui qui a su ce que c’était que d’être mauvais,
Moi aussi j’ai noué l’antique nœud des contradictions,
J’ai bavardé, rougi de honte, conçu de l’irritation, menti, volé, porté de l’envie,
J’ai eu de la ruse, de la colère, de la concupiscence, des ardeurs de désir dont je n’osais pas parler,
J’ai été entêté, vain, avide, borné, sournois, lâche, méchant,
Le loup, le serpent, le pourceau n’étaient pas absents de moi,
Le regard fourbe, le mot léger, le désir adultère ne manquaient pas non plus,
Refus, haines, atermoiements, bassesse, fainéantise, rien de tout cela n’était absent,
J’ai été comme les autres, me suis mêlé aux jours et aux fortunes des autres,
J’ai été appelé par mon plus petit nom par des jeunes gens aux voix claires et fortes, lorsqu’ils me voyaient approcher ou passer,
J’ai senti le contact de leurs bras autour de mon cou quand j’étais debout ou de leur chair négligemment appuyée contre moi quand j’étais assis,
J’ai vu nombre de gens que j’aimais dans la rue, sur le bac ou dans la réunion publique, et cependant ne leur ai jamais adressé la parole,
J’ai vécu la même vie que les autres, la même éternelle vie de rire, de grignotage et de sommeil,
J’ai joué le rôle qui marque toujours sur l’acteur ou l’actrice,
Le même vieux rôle, le rôle qui est ce que nous le faisons, aussi grand que nous le voulons,
Ou aussi petit que nous le voulons, ou tout à la fois grand et petit.
Je viens plus près de vous encore,
Quoi que vous pensiez de moi, en ce moment, je l’ai également pensé de vous, j’ai amassé mes provisions d’avance,
J’ai réfléchi longtemps et sérieusement à vous avant que vous ne veniez au monde.
Qui pouvait savoir ce qui devait me toucher?
Qui sait si en ce moment même je ne jouis pas de tout cela?
Qui sait si, en dépit de toute la distance, je ne suis pas maintenant comme si je vous regardais, malgré que vous ne puissiez me voir?
Ah! qu’est-ce qui pourrait jamais être plus imposant et plus admirable pour moi que Manhattan à la ceinture de mâts?
Que la Rivière, le soleil couchant et les vagues dentelées de la marée montante?
Que les mouettes balançant leur corps, le bateau à foin dans le crépuscule, et l’allège attardée?
Quels dieux peuvent dépasser ceux-là qui m’étreignent la main et qui, d’une voix que j’adore, s’empressent de m’appeler tout haut par mon plus petit nom lorsque j’approche?
Quoi de plus subtil que cela qui m’attache à la femme ou à l’homme qui me regarde au visage?
Que cela qui me transfuse en vous à cette minute et verse en votre être mon intention?
Alors nous nous comprenons, n’est-ce pas?
Ce que je vous ai promis sans le nommer, ne l’avez-vous pas accepté?
Ce que l’étude ne pourrait enseigner—ce que le prêche ne pourrait accomplir, est donc accompli, n’est-ce pas?
Coule toujours, Rivière! Monte avec le flux et dévale avec le reflux!
Gambadez encore, vagues, avec vos dentelures et vos crêtes!
Glorieux nuages du couchant! Inondez-moi de votre splendeur, moi ou les hommes et les femmes de générations après moi!
Passez d’une rive à l’autre, foules innombrables de passagers!
Dressez-vous, mâts élancés de Manhattan! Dressez-vous, collines admirables de Brooklyn!
Palpite, cerveau curieux et frustré! Darde des questions et des réponses!
Arrête-toi ici et partout, éternel flot des choses en fusion!
Rassasiez-vous, yeux aimants et assoiffés, dans les demeures, les rues ou les assemblées!
Retentissez, voix des jeunes hommes! Sonores et musicales, appelez-moi par mon plus petit nom!
Vis, vieille vie! Joue le rôle qui marque sur l’acteur ou l’actrice!
Joue l’éternel rôle, le rôle qui est grand ou petit selon ce que nous le faisons!
Examinez, vous qui me lisez, s’il ne se peut pas que je sois en train de vous regarder par des voies inconnues;
Sois solide, lisse qui surplombe la Rivière, pour soutenir ceux qui s’appuient nonchalamment et qui cependant sont emportés avec le courant rapide;
Volez encore, oiseaux de mer! Volez de côté ou tournoyez en larges cercles hauts dans l’air;
Reflète le ciel d’été, eau, et retiens-le fidèlement jusqu’à ce que tous les regards penchés vers toi aient eu le temps de te le prendre!
Divergez, beaux rais de lumière, de l’image de ma tête ou de la tête de quiconque, dans l’eau ensoleillée!
Avancez-vous encore, navires venus de la baie inférieure!
Passez et repassez, goélettes aux voiles blanches, sloops, allèges!
Flottez au vent, pavillons de toutes les nations! Soyez amenés ponctuellement au coucher du soleil!
Lancez haut vos flammes, cheminées des fonderies!
Projetez vos lueurs jaunes et rouges sur le faîte des maisons!
Apparences, maintenant aussi bien que désormais, indiquez ce que vous êtes,
Et toi, membrane nécessaire, continue d’envelopper l’âme,
Qu’à mon corps, pour ce qui est de moi, et qu’au vôtre, pour ce qui est de vous, soient attachés nos plus divins arômes,
Prospérez, villes—amenez vos marchandises, déroulez vos spectacles, amples et suffisantes Rivières,
Epands-toi, chose qu’aucune autre peut-être ne dépasse en spiritualité,
Conservez vos places, objets que nuls autres ne dépassent en solidité.
Vous avez attendu, vous attendez toujours, vous autres, ministres admirables et muets,
Nous vous recevons enfin dans un libre sentiment et sommes désormais insatiables,
Vous ne pourrez plus nous frustrer ni vous dérober à nous,
Nous vous employons et nous ne vous rejetons pas—nous vous plantons en nous-mêmes pour y rester,
Nous ne vous sondons pas—nous vous chérissons—il y a de la perfection en vous aussi,
Vous apportez votre contribution en vue de l’éternité,
Grande ou petite, vous apportez votre contribution en vue de l’âme.
UN CHANT DE JOIES
Oh faire le chant le plus gonflé d’allégresse!
Rempli de musique—rempli de tout ce qui est l’homme, la femme, l’enfant!
Rempli d’occupations communes—rempli de grains et d’arbres.
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