À son dernier arrêt je ne puis plus survivre.
Partez: j’ai fait le crime, et je vais l’expier.
Pylade
Hermione, Seigneur? Il la faut oublier.
Quoi! toujours l’instrument et l’objet de sa rage,
Cherchez-vous chez les morts quelque nouvel outrage?
Et parce qu’elle meurt faut-il que vous mouriez?
Oreste
Elle meurt? Dieux! qu’entends-je?
Pylade
Eh quoi? vous l’ignoriez?
En rentrant dans ces lieux nous l’avons rencontrée
Qui courait vers le temple, inquiète, égarée.
Elle a trouvé Pyrrhus porté sur des soldats
Que son sang excitait à venger son trépas.
Sans doute à cet objet sa rage s’est émue.
Mais du haut de la porte enfin nous l’avons vue
Un poignard à la main sur Pyrrhus se courber,
Lever les yeux au ciel, se frapper et tomber.
Oreste
Grâce aux dieux! Mon malheur passe mon espérance!
Oui, je te loue, ô ciel, de ta persévérance!
Appliqué sans relâche au soin de me punir,
Au comble des douleurs tu m’as fait parvenir.
Ta haine a pris plaisir à former ma misère;
J’étais né pour servir d’exemple à ta colère,
Pour être du malheur un modèle accompli.
Hé bien! je meurs content, et mon sort est rempli.
Où sont ces deux amants? Pour couronner ma joie,
Dans leur sang, dans le mien, il faut que je me noie;
L’un et l’autre en mourant je les veux regarder:
Réunissons trois cœurs qui n’ont pu s’accorder…
Mais quelle épaisse nuit tout à coup m’environne?
De quel côté sortir? D’où vient que je frissonne?
Quelle horreur me saisit! Grâce au ciel j’entrevoi…
Dieux! quels ruisseaux de sang coulent autour de moi!
Pylade
Ah! Seigneur!
Oreste
Quoi? Pyrrhus, je te rencontre encore?
Trouverai-je partout un rival que j’abhorre?
Percé de tant de coups, comment t’es-tu sauvé?
Tiens, tiens, voilà le coup que je t’ai réservé.
Mais que vois-je? À mes yeux Hermione l’embrasse!
Elle vient l’arracher au coup qui le menace?
Dieux! quels affreux regards elle jette sur moi!
Quels démons, quels serpents traîne-t-elle après soi?
Eh bien! filles d’enfer, vos mains sont-elles prêtes?
Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes?
À qui destinez-vous l’appareil qui vous suit?
Venez-vous m’enlever dans l’éternelle nuit?
Venez, à vos fureurs Oreste s’abandonne.
Mais non, retirez-vous, laissez faire Hermione:
L’ingrate mieux que vous saura me déchirer;
Et je lui porte enfin mon cœur à dévorer.
Pylade
Il perd le sentiment. Amis, le temps nous presse.
Ménageons les moments que ce transport nous laisse.
Sauvons-le. Nos efforts deviendraient impuissants
S’il reprenait ici sa rage avec ses sens.
(1667)