Jean-Paul Sartre - Les Mots
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Le pis, c'est que je soupçonnais les adultes de cabotinage. Les mots qu'ils m'adressaient, c'étaient des bonbons; mais ils parlaient entre eux sur un tout autre ton. Et puis il leur arrivait de rompre des contrats sacrés: je faisais ma moue la plus adorable, celle dont j'étais le plus sûr et on me disait d'une voix vraie: «Va jouer plus loin, petit, nous causons.» D'autres fois, j'avais le sentiment qu'on se servait de moi. Ma mère m'emmenait au Luxembourg, l'oncle Émile, brouillé avec toute la famille, surgissait tout à coup; il regardait sa sœur d'un air morose et lui disait sèchement: «Ce n'est pas pour toi que je suis ici: c'est pour voir le petit.» Il expliquait alors que j'étais le seul innocent de la famille, le seul qui ne l'eût jamais offensé délibérément, ni condamné sur de faux rapports. Je souriais, gêné par ma puissance et par l'amour que j'avais allumé dans le cœur de cet homme sombre. Mais déjà, le frère et la sœur discutaient de leurs affaires, énuméraient leurs griefs réciproques; Émile s'emportait contre Charles. Anne-Marie le défendait, en cédant du terrain; ils en venaient à parler de Louise, je restais entre leurs chaises en fer, oublié. J'étais préparé à admettre – si seulement j'eusse été en âge de les comprendre – toutes les maximes de droite qu'un vieil homme de gauche m'enseignait par ses conduites: que la Vérité et la Fable sont une même chose, qu'il faut jouer la passion pour la ressentir, que l'homme est un être de cérémonie. On m'avait persuadé que nous étions créés pour nous donner la comédie; la comédie, je l'acceptais mais j'exigeais d'en être le principal personnage: or, à des instants de foudre qui me laissaient anéanti, je m'apercevais que j'y tenais un «faux-beau-rôle», avec du texte, beaucoup de présence, mais pas de scène «à moi»; en un mot, que je donnais la réplique aux grandes personnes. Charles me flattait pour amadouer sa mort; dans ma pétulance, Louise trouvait la justification de ses bouderies; Anne-Marie celle de son humilité. Et pourtant, sans moi, ses parents eussent recueilli ma mère, sa délicatesse l'eût livrée sans défense à Mamie; sans moi, Louise eût boudé, Charles se fût émerveillé devant le mont Cervin, les météores ou les enfants des autres. J'étais la cause occasionnelle de leurs discordes et de leurs réconciliations; les causes profondes étaient ailleurs: à Mâcon, à Gunsbach, à Thiviers, dans un vieux cœur qui s'encrassait, dans un passé bien antérieur à ma naissance. Je leur reflétais l'unité de la famille et ses antiques contradictions; ils usaient de ma divine enfance pour devenir ce qu'ils étaient. Je vécus dans le malaise: au moment où leurs cérémonies me persuadaient que rien n'existe sans raison et que chacun, du plus grand au plus petit, a sa place marquée dans l'Univers, ma raison d'être, à moi, se dérobait, je découvrais tout à coup que je comptais pour du beurre et j'avais honte de ma présence insolite dans ce monde en ordre.
Un père m'eût lesté de quelques obstinations durables; faisant de ses humeurs mes principes, de son ignorance mon savoir, de ses rancœurs mon orgueil, de ses manies ma loi, il m'eût habité; ce respectable locataire m'eût donné du respect pour moi-même. Sur le respect j'eusse fondé mon droit de vivre. Mon géniteur eût décidé de mon avenir: polytechnicien de naissance, j'eusse été rassuré pour toujours. Mais si jamais Jean-Baptiste Sartre avait connu ma destination, il en avait emporté le secret; ma mère se rappelait seulement qu'il avait dit: «Mon fils n'entrera pas dans la Marine.» Faute de renseignements plus précis, personne, à commencer par moi, ne savait ce que j'étais venu foutre sur terre. M'eût-il laissé du bien, mon enfance eût été changée; je n'écrirais pas puisque je serais un autre. Les champs et la maison renvoient au jeune héritier une image stable de lui-même; il se touche sur son gravier, sur les vitres losangées de sa véranda et fait de leur inertie la substance immortelle de son âme. Il y a quelques jours, au restaurant, le fils du patron, un petit garçon de sept ans, criait à la caissière: «Quand mon père n'est pas là, c'est moi le Maître.» Voilà un homme! A son âge, je n'étais maître de personne et rien ne m'appartenait. Dans mes rares minutes de dissipation, ma mère me chuchotait: «Prends garde! Nous ne sommes pas chez nous!» Nous ne fûmes jamais chez nous: ni rue Le Goff ni plus tard, quand ma mère se fut remariée. Je n'en souffris pas puisqu'on me prêtait tout; mais je restais abstrait. Au propriétaire, les biens de ce monde reflètent ce qu'il est; ils m'enseignaient ce que je n'étais pas: je n'étais pas consistant ni permanent; je n'étais pas le continuateur futur de l'œuvre paternelle, je n'étais pas nécessaire à la production de l'acier; en un mot je n'avais pas d'âme.
C'eût été parfait si j'avais fait bon ménage avec mon corps. Mais nous formions, lui et moi, un drôle de couple. Dans la misère, l'enfant ne s'interroge pas: éprouvée corporellement par les besoins et les maladies, son injustifiable condition justifie son existence, c'est la faim, c'est le danger de mort perpétuel qui fondent son droit de vivre: il vit pour ne pas mourir. Moi, je n'étais ni assez riche pour me croire prédestiné ni assez pauvre pour ressentir mes envies comme des exigences. Je remplissais mes devoirs alimentaires et Dieu m'envoyait parfois – rarement – cette grâce qui permet de manger sans dégoût – l'appétit. Respirant, digérant, déféquant avec nonchalance, je vivais parce que j'avais commencé à vivre. De mon corps, ce compagnon gavé, j'ignorais la violence et les sauvages réclamations: il se faisait connaître par une suite de malaises douillets, très sollicités par les grandes personnes. A l'époque, une famille distinguée se devait de compter au moins un enfant délicat. J'étais le bon sujet puisque j'avais pensé mourir à ma naissance. On me guettait, on me prenait le pouls, la température, on m'obligeait à tirer la langue: «Tu ne trouves pas qu'il est un peu pâlot?» «C'est l'éclairage.» «Je t'assure qu'il a maigri!» «Mais, papa, nous l'avons pesé hier.» Sous ces regards inquisiteurs, je me sentais devenir un objet, une fleur en pot. Pour conclure, on me fourrait au lit. Suffoqué par la chaleur, mitonnant sous les draps, je confondais mon corps et son malaise: des deux, je ne savais plus lequel était indésirable.
M. Simonnot, collaborateur de mon grand-père, déjeunait avec nous, le jeudi. J'enviais ce quinquagénaire aux joues de fille qui cirait sa moustache et teignait son toupet: quand Anne-Marie lui demandait, pour faire durer la conversation, s'il aimait Bach, s'il se plaisait à la mer, à la montagne, s'il gardait bon souvenir de sa ville natale, il prenait le temps de la réflexion et dirigeait son regard intérieur sur le massif granitique de ses goûts. Quand il avait obtenu le renseignement demandé, il le communiquait à ma mère, d'une voix objective, en saluant de Sa tête. L'heureux homme! il devait, pensais-je, s'éveiller chaque matin dans Sa jubilation, recenser, de quelque Point Sublime, ses pics, ses crêtes et ses vallons, puis s'étirer voluptueusement en disant: «C'est bien moi: je suis M. Simonnot, tout entier.» Naturellement j'étais fort capable, quand on m'interrogeait, de faire connaître mes préférences et même de les affirmer; mais, dans la solitude, elles m'échappaient: loin de les constater, il fallait les tenir et les pousser, leur insuffler la vie; je n'étais même plus sûr de préférer le filet de bœuf au rôti de veau. Que n'eussé-je donné pour qu'on installât en moi un paysage tourmenté, des obstinations droites comme des falaises. Quand M mePicard, usant avec tact du vocabulaire à la mode, disait de mon grand-père: «Charles est un être exquis», ou bien «On ne connaît pas les êtres», je me sentais condamné sans recours.
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