Jean-Paul Sartre - Les Mots

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Une approche et une étude de l'oeuvre de Sartre: le contexte de sa création, des éléments de biographie de l'auteur, l'étude des personnages, la structure de l'oeuvre, des analyses thématiques, une préparation pour l'examen et des sujets corrigés.

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A mes yeux, ils n'étaient pas morts, enfin, pas tout à fait: ils s'étaient métamorphosés en livres. Corneille, c'était un gros rougeaud, rugueux, au dos de cuir, qui sentait la colle. Ce personnage incommode et sévère, aux paroles difficiles, avait des angles qui me blessaient les cuisses quand je le transportais. Mais, à peine ouvert, il m'offrait ses gravures sombres et douces comme des confidences. Flaubert, c'était un petit entoilé, inodore, piqueté de taches de son. Victor Hugo le multiple nichait sur tous les rayons à la fois. Voilà pour les corps; quant aux âmes, elles hantaient les œuvres: les pages, c'étaient des fenêtres, du dehors un visage se collait contre la vitre, quelqu'un m'épiait; je feignais de ne rien remarquer, je continuais ma lecture, les yeux rivés aux mots sous le regard fixe de feu Chateaubriand. Ces inquiétudes ne duraient pas; le reste du temps, j'adorais mes compagnons de jeu. Je les mis au-dessus de tout et l'on me raconta sans m'étonner que Charles Quint avait ramassé le pinceau du Titien: la belle affaire! un prince est fait pour cela. Pourtant, je ne les respectais pas: pourquoi les eussé-je loués d'être grands? Ils ne faisaient que leur devoir. Je blâmais les autres d'être petits. Bref j'avais tout compris de travers et je faisais de l'exception la règle: l'espèce humaine devint un comité restreint qu'entouraient des animaux affectueux. Surtout mon grand-père en usait trop mal avec eux pour que je pusse les prendre au sérieux tout à fait. Il avait cessé de lire depuis la mort de Victor Hugo; quand il n'avait rien d'autre à faire, il relisait. Mais son office était de traduire. Dans la vérité de son cœur, l'auteur du Deutsches Lesebuch tenait la littérature universelle pour son matériau. Du bout des lèvres, il classait les auteurs par ordre de mérite, mais cette hiérarchie de façade cachait mal ses préférences qui étaient utilitaires: Maupassant fournissait aux élèves allemands les meilleures versions; Goethe, battant d'une tête Gottfried Keller, était inégalable pour les thèmes. Humaniste, mon grand-père tenait les romans en petite estime; professeur, il les prisait fort à cause du vocabulaire. Il finit par ne plus supporter que les morceaux choisis et je l'ai vu, quelques années plus tard, se délecter d'un extrait de Madame Bovary prélevé par Mironneau pour ses Lectures, quand Flaubert au complet attendait depuis vingt ans son bon plaisir. Je sentais qu'il vivait des morts, ce qui n'allait pas sans compliquer mes rapports avec eux: sous prétexte de leur rendre un culte, il les tenait dans ses chaînes et ne se privait pas de les découper en tranches pour les transporter d'une langue à l'autre plus commodément. Je découvris en même temps leur grandeur et leur misère. Mérimée, pour son malheur, convenait au Cours Moyen; en conséquence il menait double vie: au quatrième étage de la bibliothèque, Colomba c'était une fraîche colombe aux cent ailes, glacée, offerte et systématiquement ignorée;

nul regard ne la déflora jamais. Mais, sur le rayon du bas, cette même vierge s'emprisonnait dans un sale petit bouquin brun et puant; l'histoire ni la langue n'avaient changé, mais il y avait des notes en allemand et un lexique; j'appris en outre, scandale inégalé depuis le viol de l'Alsace-Lorraine, qu'on l'avait édité à Berlin. Ce livre-là, mon grand-père le mettait deux fois la semaine dans sa serviette, il l'avait couvert de taches, de traits rouges, de brûlures et je le détestais: c'était Mérimée humilié. Rien qu'à l'ouvrir, je mourais d'ennui: chaque syllabe se détachait sous ma vue comme elle faisait, à l'Institut, dans la bouche de mon grand-père. Imprimés en Allemagne, pour être lus par des Allemands, qu'étaient-ils, d'ailleurs, ces signes connus et méconnaissables, sinon la contrefaçon des mots français? Encore une affaire d'espionnage: il eût suffi de gratter pour découvrir, sous leur travestissement gaulois, les vocables germaniques aux aguets. Je finis par me demander s'il n'y avait pas deux Colomba, l'une farouche et vraie, l'autre fausse et didactique, comme il y a deux Yseut.

Les tribulations de mes petits camarades me convainquirent que j'étais leur pair. Je n'avais ni leurs dons ni leurs mérites et je n'envisageais pas encore d'écrire mais, petit-fils de prêtre, je l'emportais sur eux par la naissance; sans aucun doute j'étais voué: non point à leurs martyres toujours un peu scandaleux mais à quelque sacerdoce; je serais sentinelle de la culture, comme Charles Schweitzer. Et puis, j'étais vivant, moi, et fort actif: je ne savais pas encore tronçonner les morts mais je leur imposais mes caprices: je les prenais dans mes bras, je les portais, je les déposais sur le parquet, je les ouvrais, je les refermais, je les tirais du néant pour les y replonger: c'étaient mes poupées, ces hommes-troncs, et j'avais pitié de cette misérable survie paralysée qu'on appelait leur immortalité. Mon grand-père encourageait ces familiarités: tous les enfants sont inspirés, ils ne peuvent rien envier aux poètes qui sont tout bonnement des enfants. Je raffolais de Courteline, je poursuivais la cuisinière jusque dans la cuisine pour lui lire à haute voix Théodore cherche des allumettes. On s'amusa de mon engouement, des soins attentifs le développèrent, en firent une passion publiée. Un beau jour mon grand-père me dit négligemment: «Courteline doit être bon bougre. Si tu l'aimes tant, pourquoi ne lui écris-tu pas?» J'écrivis. Charles Schweitzer guida ma plume et décida de laisser plusieurs fautes d'orthographe dans ma lettre. Des journaux l'ont reproduite, il y a quelques années, et je ne l'ai pas relue sans agacement. Je prenais congé sur ces mots «votre futur ami» qui me semblaient tout naturels: j'avais pour familiers Voltaire et Corneille; comment un écrivain vivant eût-il refusé mon amitié? Courteline la refusa et fit bien: en répondant au petit-fils, il fût tombé sur le grand-père. A l'époque, nous jugeâmes sévèrement son silence: «J'admets, dit Charles, qu'il ait beaucoup de travail mais, quand le diable y serait, on répond à un enfant.»

Aujourd'hui encore, ce vice mineur me reste, la familiarité. Je les traite en Labadens, ces illustres défunts; sur Baudelaire, sur Flaubert je m'exprime sans détours et quand on m'en blâme, j'ai toujours envie de répondre: «Ne vous mêlez pas de nos affaires. Ils m'ont appartenu, vos génies, je les ai tenus dans mes mains, aimés à la passion, en toute irrévérence. Vais-je prendre des gants avec eux?» Mais l'humanisme de Karl, cet humanisme de prélat, je m'en suis débarrassé du jour où j'ai compris que tout homme est tout l'homme. Comme elles sont tristes, les guérisons: le langage est désenchanté; les héros de la plume, mes anciens pairs, dépouillés de leurs privilèges, sont rentrés dans le rang: je porte deux fois leur deuil.

Ce que je viens d'écrire est faux. Vrai. Ni vrai ni faux comme tout ce qu'on écrit sur les fous, sur les hommes. J'ai rapporté les faits avec autant d'exactitude que ma mémoire le permettait. Mais jusqu'à quel point croyais-je à mon délire? C'est la question fondamentale et pourtant je n'en décide pas. J'ai vu par la suite qu'on pouvait tout connaître de nos affections hormis leur force, c'est-à-dire leur sincérité. Les actes eux-mêmes ne serviront pas d'étalon à moins qu'on n'ait prouvé qu'ils ne sont pas des gestes, ce qui n'est pas toujours facile. Voyez plutôt: seul au milieu des adultes, j'étais un adulte en miniature, et j'avais des lectures adultes; cela sonne faux, déjà, puisque, dans le même instant, je demeurais un enfant. Je ne prétends pas que je fusse coupable: c'était ainsi, voilà tout; n'empêche que mes explorations et mes chasses faisaient partie de la Comédie familiale, qu'on s'en enchantait, que je le savais: oui, je le savais, chaque jour, un enfant merveilleux réveillait les grimoires que son grand-père ne lisait plus. Je vivais au-dessus de mon âge comme on vit au-dessus de ses moyens: avec zèle, avec fatigue, coûteusement, pour la montre. A peine avais-je poussé la porte de la bibliothèque, je me retrouvais dans le ventre d'un vieillard inerte: le grand bureau, le sous-main, les taches d'encre, rouges et noires, sur le buvard rose, la règle, le pot de colle, l'odeur croupie du tabac, et, en hiver, le rougeoiement de la Salamandre, les claquements du mica, c'était Karl en personne, réifié: il n'en fallait pas plus pour me mettre en état de grâce, je courais aux livres. Sincèrement? Qu'est-ce que cela veut dire? Comment pourrais-je fixer – après tant d'années surtout – l'insaisissable et mouvante frontière qui sépare la possession du cabotinage? Je me couchais sur le ventre, face aux fenêtres, un livre ouvert devant moi, un verre d'eau rougie à ma droite, à ma gauche, sur une assiette, une tartine de confiture. Jusque dans la solitude j'étais en représentation: Anne-Marie, Karlémami avaient tourné ces pages bien avant que je fusse né, c'était leur savoir qui s'étalait à mes yeux; le soir, on m'interrogerait: «Qu'as-tu lu? qu'as-tu compris?», je le savais, j'étais en gésine, j'accoucherais d'un mot d'enfant; fuir les grandes personnes dans la lecture, c'était le meilleur moyen de communier avec elles; absentes, leur regard futur entrait en moi par l'occiput, ressortait par les prunelles, fléchait à ras du sol ces phrases cent fois lues que je lisais pour la première fois. Vu, je me voyais: je me voyais lire comme on s'écoute parler. Avais-je tant changé depuis le temps où je feignais de déchiffrer «le Chinois en Chine» avant de connaître l'alphabet? Non: le jeu continuait. Derrière moi, la porte s'ouvrait, on venait voir «ce que je fabriquais»: je truquais, je me relevais d'un bond, je remettais Musset à sa place et j'allais aussitôt, dressé sur la pointe des pieds, les bras levés, prendre le pesant Corneille; on mesurait ma passion à mes efforts, j'entendais derrière moi, une voix éblouie chuchoter: «Mais c'est qu'il aime Corneille!» Je ne l'aimais pas: les alexandrins me rebutaient. Par chance l'éditeur n'avait publié in extenso que les tragédies les plus célèbres; des autres il donnait le titre et l'argument analytique: c'est ce qui m'intéressait: «Rodelinde, femme de Pertharite, roi des Lombards et vaincu par Grimoald, est pressée par Unulphe de donner sa main au prince étranger…» Je connus Rodogune, Théodore, Agésilas avant le Cid, avant Cinna; je m'emplissais la bouche de noms sonores, le cœur de sentiments sublimes et j'avais souci de ne pas m'égarer dans les liens de parenté. On dit aussi: «Ce petit a la soif de s'instruire; il dévore le Larousse!» et je laissais dire. Mais je ne m'instruisais guère: j'avais découvert que le dictionnaire contenait des résumés de pièces et de romans; je m'en délectais.

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