Jean-Paul Sartre - Les Mots

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Une approche et une étude de l'oeuvre de Sartre: le contexte de sa création, des éléments de biographie de l'auteur, l'étude des personnages, la structure de l'oeuvre, des analyses thématiques, une préparation pour l'examen et des sujets corrigés.

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J'aimais plaire et je voulais prendre des bains de culture: je me rechargeais de sacré tous les jours. Distraitement parfois: il suffisait de me prosterner et de tourner les pages; les œuvres de mes petits amis me servirent fréquemment de moulins à prière. En même temps, j'eus des effrois et des plaisirs pour de bon; il m'arrivait d'oublier mon rôle et de filer à tombeau ouvert, emporté par une folle baleine qui n'était autre que le monde. Allez conclure! En tout cas mon regard travaillait les mots: il fallait les essayer, décider de leur sens; la Comédie de la culture, à la longue, me cultivait.

Je faisais pourtant de vraies lectures: hors du sanctuaire, dans notre chambre ou sous la table de la salle à manger; de celles-là je ne parlais à personne, personne, sauf ma mère, ne m'en parlait. Anne-Marie avait pris au sérieux mes emportements truqués. Elle s'ouvrit à Mamie de ses inquiétudes. Ma grand-mère fut une alliée sûre: «Charles n'est pas raisonnable, dit-elle. C'est lui qui pousse le petit, je l'ai vu faire. Nous serons bien avancés quand cet enfant se sera desséché.» Les deux femmes évoquèrent aussi le surmenage et la méningite. Il eût été dangereux et vain d'attaquer mon grand-père de front: elles biaisèrent. Au cours d'une de nos promenades, Anne-Marie s'arrêta comme par hasard devant le kiosque qui se trouve encore à l'angle du boulevard Saint-Michel et de la rue Soufflot: je vis des images merveilleuses, leurs couleurs criardes me fascinèrent, je les réclamai, je les obtins; le tour était joué: je voulus avoir toutes les semaines Cri-Cri, l'Épatant, Les Vacances, Les Trois Boys-Scouts de Jean de la Hire et Le Tour du monde en aéroplane, d'Arnould Galopin qui paraissaient en fascicules le jeudi. D'un jeudi à l'autre je pensais à l'Aigle des Andes, à Marcel Dunot, le boxeur aux poings de fer, à Christian l'aviateur beaucoup plus qu'à mes amis Rabelais et Vigny. Ma mère se mit en quête d'ouvrages qui me rendissent à mon enfance: il y eut «les petits livres roses» d'abord, recueils mensuels de contes de fées puis, peu à peu, Les Enfants du capitaine Grant, Le Dernier des Mohicans, Nicolas Nickleby, Les Cinq Sous de Lavarède. A Jules Verne, trop pondéré, je préférai les extravagances de Paul d'Ivoi. Mais, quel que fût l'auteur, j'adorais les ouvrages de la collection Hetzel, petits théâtres dont la couverture rouge à glands d'or figurait le rideau: la poussière de soleil, sur les tranches, c'était la rampe. Je dois à ces boîtes magiques – et non aux phrases balancées de Chateaubriand – mes premières rencontres avec la Beauté. Quand je les ouvrais j'oubliais tout: était-ce lire? Non, mais mourir d'extase: de mon abolition naissaient aussitôt des indigènes munis de sagaies, la brousse, un explorateur casqué de blanc. J'étais vision, j'inondais de lumière les belles joues sombres d'Aouda, les favoris de Philéas Fogg. Délivrée d'elle-même enfin, la petite merveille se laissait devenir pur émerveillement. A cinquante centimètres du plancher naissait un bonheur sans maître ni collier, parfait. Le Nouveau Monde semblait d'abord plus inquiétant que l'Ancien: on y pillait, on y tuait; le sang coulait à flots. Des Indiens, des Hindous, des Mohicans, des Hottentots ravissaient la jeune fille, ligotaient son vieux père et se promettaient de le faire périr dans les plus atroces supplices. C'était le Mal pur. Mais il n'apparaissait que pour se prosterner devant le Bien: au chapitre suivant, tout serait rétabli. Des Blancs courageux feraient une hécatombe de sauvages, trancheraient les liens du père qui se jetterait dans les bras de sa fille. Seuls les méchants mouraient – et quelques bons très secondaires dont le décès figurait parmi les faux frais de l'histoire. Du reste la mort elle-même était aseptisée: on tombait les bras en croix, avec un petit trou rond sous le sein gauche ou, si le fusil n'était pas encore inventé, les coupables étaient «passés au fil de l'épée». J'aimais cette jolie tournure: j'imaginais cet éclair droit et blanc, la lame; elle s'enfonçait comme dans du beurre et ressortait par le dos du hors-la-loi, qui s'écroulait sans perdre une goutte de sang. Parfois le trépas était même risible: tel celui de ce Sarrasin qui, dans La Filleule de Roland, je crois, jetait son cheval contre celui d'un croisé; le paladin lui déchargeait sur la tête un bon coup de sabre qui le fendait de haut en bas; une illustration de Gustave Doré représentait cette péripétie. Que c'était plaisant! Les deux moitiés du corps, séparées, commençaient de choir en décrivant chacune un demi-cercle autour d'un étrier; étonné, le cheval se cabrait. Pendant plusieurs années je ne pus voir la gravure sans rire aux larmes. Enfin je tenais ce qu'il me fallait: l'Ennemi, haïssable, mais, somme toute, inoffensif puisque ses projets n'aboutissaient pas et même, en dépit de ses efforts et de son astuce diabolique, servaient la cause du Bien; je constatais, en effet, que le retour à l'ordre s'accompagnait toujours d'un progrès: les héros étaient récompensés, ils recevaient des honneurs, des marques d'admiration, de l'argent; grâce à leur intrépidité, un territoire était conquis, un objet d'art soustrait aux indigènes et transporté dans nos musées; la jeune fille s'éprenait de l'explorateur qui lui avait sauvé la vie, tout finissait par un mariage. De ces magazines et de ces livres j'ai tiré ma fantasmagorie la plus intime: l'optimisme.

Ces lectures restèrent longtemps clandestines; Anne-Marie n'eut pas même besoin de m'avertir: conscient de leur indignité je n'en soufflai pas mot à mon grand-père. Je m'encanaillais, je prenais des libertés, je passais des vacances au bordel mais je n'oubliais pas que ma vérité était restée au temple. A quoi bon scandaliser le prêtre par le récit de mes égarements? Karl finit par me surprendre; il se fâcha contre les deux femmes et celles-ci, profitant d'un moment qu'il reprenait haleine, mirent tout sur mon dos: j'avais vu les magazines, les romans d'aventures, je les avais convoités, réclamés, pouvaient-elles me les refuser? Cet habile mensonge mettait mon grand-père au pied du mur: c'était moi, moi seul qui trompais Colomba avec ces ribaudes trop maquillées. Moi, l'enfant prophétique, la jeune Pythonisse, l'Eliacin des Belles-Lettres, je manifestais un penchant furieux pour l'infamie. A lui de choisir: ou je ne prophétisais point ou l'on devait respecter mes goûts sans chercher à les comprendre. Père, Charles Schweitzer eût tout brûlé; grand-père, il choisit l'indulgence navrée. Je n'en demandais pas plus et je continuai paisiblement ma double vie. Elle n'a jamais cessé: aujourd'hui encore, je lis plus volontiers les «Série Noire» que Wittgenstein.

J'étais le premier, l'incomparable dans mon île aérienne; je tombai au dernier rang quand on me soumit aux règles communes.

Mon grand-père avait décidé de m'inscrire au Lycée Montaigne. Un matin, il m'emmena chez le proviseur et lui vanta mes mérites: je n'avais que le défaut d'être trop avancé pour mon âge. Le proviseur donna les mains à tout: on me fit entrer en huitième et je pus croire que j'allais fréquenter les enfants de mon âge. Mais non: après la première dictée, mon grand-père fut convoqué en hâte par l'administration; il revint enragé, tira de sa serviette un méchant papier couvert de gribouillis, de taches et le jeta sur la table: c'était la copie que j'avais remise. On avait attiré son attention sur l'orthographe – «le lapen çovache ême le ten [2]», – et tenté de lui faire comprendre que ma place était en dixième préparatoire. Devant «lapen çovache» ma mère prit le fou rire; mon grand-père l'arrêta d'un regard terrible. Il commença par m'accuser de mauvaise volonté et par me gronder pour la première fois de ma vie, puis il déclara qu'on m'avait méconnu; dès le lendemain, il me retirait du lycée et se brouillait avec le proviseur.

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