Jean-Paul Sartre - Les Mots

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Une approche et une étude de l'oeuvre de Sartre: le contexte de sa création, des éléments de biographie de l'auteur, l'étude des personnages, la structure de l'oeuvre, des analyses thématiques, une préparation pour l'examen et des sujets corrigés.

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Je n'avais rien compris à cette affaire et mon échec ne m'avait pas affecté: j'étais un enfant prodige qui ne savait pas l'orthographe, voilà tout. Et puis, je retrouvai sans ennui ma solitude: j'aimais mon mal. J'avais perdu, sans même y prendre garde, l'occasion de devenir vrai: on chargea M. Liévin, un instituteur parisien, de me donner des leçons particulières; il venait presque tous les jours. Mon grand-père m'avait acheté un petit bureau personnel, fait d'un banc et d'un pupitre de bois blanc. Je m'asseyais sur le banc et M. Liévin se promenait en dictant. Il ressemblait à Vincent Auriol et mon grand-père prétendait qu'il était frère Trois-Points; «quand je lui dis bonjour, nous disait-il avec la répugnance apeurée d'un honnête homme en butte aux avances d'un pédéraste, il trace avec son pouce le triangle maçonnique sur la paume de ma main». Je le détestais parce qu'il oubliait de me choyer: je crois qu'il me prenait non sans raison pour un enfant retardé. Il disparut, je ne sais plus pourquoi: peut-être s'était-il ouvert à quelqu'un de son opinion sur moi.

Nous passâmes quelque temps à Arcachon et je fus à l'école communale: les principes démocratiques de mon grand-père l'exigeaient. Mais il voulait aussi qu'on m'y tînt à l'écart du vulgaire. Il me recommanda en ces termes à l'instituteur: «Mon cher collègue, je vous confie ce que j'ai de plus cher.» M. Barrault portait une barbiche et un pince-nez: il vint boire du vin de muscat dans notre villa et se déclara flatté de la confiance que lui témoignait un membre de l'enseignement secondaire. Il me faisait asseoir à un pupitre spécial, à côté de la chaire, et, pendant les récréations, me gardait à ses côtés. Ce traitement de faveur me semblait légitime; ce que pensaient les «fils du peuple», mes égaux, je l'ignore: je crois qu'ils s'en foutaient. Moi, leur turbulence me fatiguait et je trouvais distingué de m'ennuyer auprès de M. Barrault pendant qu'ils jouaient aux barres.

J'avais deux raisons de respecter mon instituteur: il me voulait du bien, il avait l'haleine forte. Les grandes personnes doivent être laides, ridées, incommodes; quand elles me prenaient dans leurs bras, il ne me déplaisait pas d'avoir un léger dégoût à surmonter: c'était la preuve que la vertu n'était pas facile. Il y avait des joies simples, triviales: courir, sauter, manger des gâteaux, embrasser la peau douce et parfumée de ma mère; mais j'attachais plus de prix aux plaisirs studieux et mêlés que j'éprouvais dans la compagnie des hommes mûrs: la répulsion qu'ils m'inspiraient faisait partie de leur prestige: je confondais le dégoût avec l'esprit de sérieux. J'étais snob. Quand M. Barrault se penchait sur moi, son souffle m'infligeait des gênes exquises, je respirais avec zèle l'odeur ingrate de ses vertus. Un jour, je découvris une inscription toute fraîche sur le mur de l'École, je m'approchai et lus: «Le père Barrault est un con.» Mon cœur battit à se rompre, la stupeur me cloua sur place, j'avais peur. «Con», ça ne pouvait être qu'un de ces «vilains mots» qui grouillaient dans les bas-fonds du vocabulaire et qu'un enfant bien élevé ne rencontre jamais; court et brutal, il avait l'horrible simplicité des bêtes élémentaires. C'était déjà trop de l'avoir lu: je m'interdis de le prononcer, fût-ce à voix basse. Ce cafard accroché à la muraille, je ne voulais pas qu'il me sautât dans la bouche pour se métamorphoser au fond de ma gorge en un claironnement noir. Si je faisais semblant de ne pas l'avoir remarqué, peut-être rentrerait-il dans un trou de mur. Mais, quand je détournais mon regard, c'était pour retrouver l'appellation infâme: «le père Barrault», qui m'épouvantait plus encore: le mot «con», après tout, je ne faisais qu'en augurer le sens; mais je savais très bien qui on appelait «père Untel» dans ma famille: les jardiniers, les facteurs, le père de la bonne, bref les vieux pauvres. Quelqu'un voyait M. Barrault, l'instituteur, le collègue de mon grand-père, sous l'aspect d'un vieux pauvre. Quelque part, dans une tête, rôdait cette pensée malade et criminelle. Dans quelle tête? Dans la mienne, peut-être. Ne suffisait-il pas d'avoir lu l'inscription blasphématoire pour être complice d'un sacrilège? Il me semblait à la fois qu'un fou cruel raillait ma politesse, mon respect, mon zèle, le plaisir que j'avais chaque matin à ôter ma casquette en disant «Bonjour, Monsieur l'Instituteur» et que j'étais moi-même ce fou, que les vilains mots et les vilaines pensées pullulaient dans mon cœur. Qu'est-ce qui m'empêchait, par exemple, de crier à plein gosier: «Ce vieux sagouin pue comme un cochon.» Je murmurai: «Le père Barrault pue» et tout se mit à tourner: je m'enfuis en pleurant. Dès le lendemain je retrouvai ma déférence pour M. Barrault, pour son col de celluloïd et son nœud papillon. Mais, quand il s'inclinait sur mon cahier, je détournais la tête en retenant mon souffle.

L'automne suivant, ma mère prit le parti de me conduire à l'Institution Poupon. Il fallait monter un escalier de bois, pénétrer dans une salle du premier étage; les enfants se groupaient en demi-cercle silencieusement; assises au fond de la pièce, droites et le dos au mur, les mères surveillaient le professeur. Le premier devoir des pauvres filles qui nous enseignaient, c'était de répartir également les éloges et les bons points à notre académie de prodiges. Si l'une d'elles avait un mouvement d'impatience ou se montrait trop satisfaite d'une bonne réponse, les demoiselles Poupon perdaient des élèves, elle perdait sa place. Nous étions bien trente académiciens qui n'eûmes jamais le temps de nous adresser la parole. A la sortie, chacune des mères s'emparait farouchement du sien et l'emportait au galop, sans saluer. Au bout d'un semestre, ma mère me retira du cours: on n'y travaillait guère et puis elle avait fini par se lasser de sentir peser sur elle le regard de ses voisines quand c'était mon tour d'être félicité. M lleMarie-Louise, une jeune fille blonde, avec un pince-nez, qui professait huit heures par jour au cours Poupon pour un salaire de famine, accepta de me donner des leçons particulières à domicile, en se cachant des directrices. Elle interrompait parfois les dictées pour soulager son cœur de gros soupirs: elle me disait qu'elle était lasse à mourir, qu'elle vivait dans une solitude affreuse, qu'elle eût tout donné pour avoir un mari, n'importe lequel. Elle finit, elle aussi, par disparaître: on prétendait qu'elle ne m'apprenait rien, mais je crois surtout que mon grand-père la trouvait calamiteuse. Cet homme juste ne refusait pas de soulager les misérables mais répugnait à les inviter sous son toit. Il était temps: M lleMarie-Louise me démoralisait. Je croyais les salaires proportionnés au mérite et on me disait qu'elle était méritante: pourquoi donc la payait-on si mal? Quand on exerçait un métier, on était digne et fier, heureux de travailler: puisqu'elle avait la chance de travailler huit heures par jour, pourquoi parlait-elle de sa vie comme d'un mal incurable? Quand je rapportais ses doléances, mon grand-père se mettait à rire: elle était bien trop laide pour qu'un homme voulût d'elle. Je ne riais pas: on pouvait naître condamné? En ce cas on m'avait menti: l'ordre du monde cachait d'intolérables désordres. Mon malaise se dissipa dès qu'on l'eut écartée. Charles Schweitzer me trouva des professeurs plus décents. Si décents que je les ai tous oubliés. Jusqu'à dix ans, je restai seul entre un vieillard et deux femmes.

Ma vérité, mon caractère et mon nom étaient aux mains des adultes; j'avais appris à me voir par leurs yeux; j'étais un enfant, ce monstre qu'ils fabriquent avec leurs regrets. Absents, ils laissaient derrière eux leur regard, mêlé à la lumière; je courais, je sautais à travers ce regard qui me conservait ma nature de petit-fils modèle, qui continuait à m'offrir mes jouets et l'univers. Dans mon joli bocal, dans mon âme, mes pensées tournaient, chacun pouvait suivre leur manège: pas un coin d'ombre. Pourtant, sans mots, sans forme ni consistance, diluée dans cette innocente transparence, une transparente certitude gâchait tout: j'étais un imposteur. Comment jouer la comédie sans savoir qu'on la joue? Elles se dénonçaient d'elles-mêmes, les claires apparences ensoleillées qui composaient mon personnage: par un défaut d'être que je ne pouvais ni tout à fait comprendre ni cesser de ressentir. Je me tournais vers les grandes personnes, je leur demandais de garantir mes mérites: c'était m'enfoncer dans l'imposture. Condamné à plaire, je me donnais des grâces qui se fanaient sur l'heure; je traînais partout ma fausse bonhomie, mon importance désœuvrée, à l'affût d'une chance nouvelle: je croyais la saisir, je me jetais dans une attitude et j'y retrouvais l'inconsistance que je voulais fuir. Mon grand-père somnolait, enveloppé dans son plaid; sous sa moustache broussailleuse, j'apercevais la nudité rose de ses lèvres, c'était insupportable: heureusement, ses lunettes glissaient, je me précipitais pour les ramasser. Il s'éveillait, m'enlevait dans ses bras, nous filions notre grande scène d'amour: ce n'était plus ce que j'avais voulu. Qu'avais-je voulu? J'oubliais tout, je faisais mon nid dans les buissons de sa barbe. J'entrais à la cuisine, je déclarais que je voulais secouer la salade; c'étaient des cris, des fous rires: «Non, mon chéri, pas comme ça! Serre bien fort ta petite main: voilà! Marie, aidez-le! Mais c'est qu'il fait ça très bien.» J'étais un faux enfant, je tenais un faux panier à salade; je sentais mes actes se changer en gestes. La Comédie me dérobait le monde et les hommes: je ne voyais que des rôles et des accessoires; servant par bouffonnerie les entreprises des adultes, comment eussé-je pris au sérieux leurs soucis? Je me prêtais à leurs desseins avec un empressement vertueux qui me retenait de partager leurs fins. Étranger aux besoins, aux espoirs, aux plaisirs de l'espèce, je me dilapidais froidement pour la séduire; elle était mon public, une rampe de feu me séparait d'elle, me rejetait dans un exil orgueilleux qui tournait vite à l'angoisse.

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