Discordia aussi, ça sonne comme un nom tiré de La Tour Sombre, mais ce n’est pas moi qui l’ai inventé. Quant à 19/6/99, c’est une date, non ? Qui signifie quoi ? Le 19 juin de cette année. Tabby et moi on sera sans doute rentrés à la maison du Chemin du Dos de la Tortue, d’ici là, mais pour autant que je me souvienne, ce n’est l’anniversaire de personne.
C’est peut-être la date à laquelle je rencontrerai mon premier entrant !
12 juin 1999
Comme c’est merveilleux d’être de retour près du lac !
J’ai décidé de prendre dix jours de vacances, avant de me remettre au livre sur le processus d’écriture. Je suis curieux de voir ce que va donner Cœurs Perdus en Atlantide ; est-ce que les gens vont vouloir savoir si l’ami de Bobby Garfield, Ted Brautigan, joue un rôle dans la saga de La Tour ? La vérité, c’est que moi-même je n’ai pas la réponse. Quoi qu’il en soit, le lectorat de La Tour s’est effondré, récemment — les chiffres sont vraiment décevants, comparés à ceux de mes autres livres (sauf Rose Madder, qui était un vrai gouffre, du moins en termes de vente). Mais peu importe, pour moi du moins, et si jamais je finis la série, les ventes remonteront sans doute.
Tabby et moi on s’est de nouveau disputés au sujet de mon itinéraire de promenade. Elle m’a encore demandé d’en changer. Elle m’a aussi demandé si « le vent s’était déjà remis à souffler », c’est-à-dire si je réfléchissais déjà à la prochaine aventure de La Tour Sombre. J’ai répondu que non. Commala-deux-trois, pas de nouvelles de ce côté-là. Mais ça va venir, et il y aura une danse du nom de commala. C’est une chose que je vois clairement : Roland en train de danser. Pourquoi, pour qui, je n’en sais rien.
Bref, j’ai demandé à T. pourquoi elle s’interrogeait que sur la Tour Sombre, et elle a répondu : « Tu es plus en sécurité avec les pistoleros. »
Elle blaguait, j’imagine, mais c’était une drôle de blague, de la part de T. Ça ne lui ressemblait pas vraiment.
17 juin 1999
J’ai parlé à Rand Holsten et à Mark Carliner, ce soir. Ils ont tous les deux l’air très excités à l’idée de passer de La Tempête du siècle à Rose Red (ou Kingdom Hospital) [35] Trois films écrits spécialement par Stephen King pour la télévision. (N.d.T.)
, mais aucun des deux n’a voulu remplir mon assiette.
La nuit dernière, j’ai rêvé de ma balade, et je me suis réveillé en hurlant. La Tour va s’effondrer, je me suis dit, Ô Discordia, le monde sombre dans les ténèbres.
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Gros titre du Press-Herald de Portland, daté du 18 juin 1999 :
LE PHÉNOMÈNE DES « ENTRANTS » CONTINUE DE DÉFIER LA LOGIQUE DANS L’ÉTAT DU MAINE
19 juin 1999
C’est comme quand tout à coup toutes les planètes se retrouvent alignées, sauf que dans le cas présent, c’est ma famille qui s’est retrouvée alignée ici, sur le Chemin du Dos de la Tortue. Joe et sa famille sont arrivés vers midi ; leur petit garçon est un amour. Je dis vrai ! Parfois je me regarde dans le miroir et je me dis : « Tu es grand-père. » Et le Steve du reflet se contente de rire, parce que c’est là une idée vraiment ridicule. Le Steve du reflet sait que je suis toujours en première année de fac, que je vais aux cours en me révoltant contre la guerre du Vietnam pendant la journée, et que le soir je vais descendre des bières avec Flip Thompson et George McLeod chez Pat’s Pizza. Et mon petit-fils, le ravissant Ethan ? Il tape dans le ballon qu’on lui a accroché au doigt de pied, et il rigole.
Ma fille Naomi et mon fils Owen sont arrivés hier soir. On a fait un superdîner de Fête des Pères. On m’a dit des choses tellement merveilleuses que j’ai dû me pincer pour vérifier que je n’étais pas mort ! Mon Dieu, quelle chance j’ai d’avoir une famille, d’avoir encore des histoires à raconter, d’être encore en vie. La pire chose qui sera arrivée cette semaine, j’espère, c’est que le lit de ma femme se soit écroulé sous le poids de notre fils et de notre belle-fille — ces andouilles jouaient à la bagarre dessus.
Tu sais quoi ? J’ai songé à me remettre à l’histoire de Roland, finalement. Dès que j’aurai fini le livre sur l’écriture (Écriture , ça ne ferait pas un mauvais titre — c’est simple et ça va droit au but). Mais pour l’instant le soleil brille, c’est une journée magnifique, et ce que je vais faire, c’est une petite promenade.
À suivre, peut-être.
Extrait du Telegram de Portland, édition du dimanche, daté du 20 juin 1999.
STEPHEN KING MEURT PRÈS DE SON DOMICILE DE LOVELL
LE CÉLÈBRE ÉCRIVAIN DU MAINE TUÉ ALORS QU’IL SE PROMENAIT
SELON SES PROCHES, LE CONDUCTEUR DE LA CAMIONNETTE AURAIT « QUITTÉ LA ROUTE DES YEUX UN INSTANT », EN APPROCHANT DE KING, SUR LA ROUTE 7
Par Ray Routhier
LOVELL, MAINE (en exclusivité). L’écrivain le plus populaire de l’État du Maine a été renversé et tué par une camionnette, tandis qu’il se promenait près de sa résidence d’été, hier après-midi. Le conducteur du véhicule est un certain Bryan Smith, originaire de Fryeburg. Selon des sources proches de l’enquête, Smith aurait reconnu « avoir quitté la route des yeux un instant », quand l’un de ses rottweillers à l’arrière s’est mis à fouiller dans la glacière posée derrière le siège conducteur.
« Je ne l’ai pas vu arriver », aurait dit Smith peu après la collision, qui s’est produite sur une portion de route que les habitants du coin appellent Slab City Hill.
Stephen King, auteur de romans aussi célèbres que Ça, Salem, Shining, ou encore Le Fléau, a été emmené au Northern Cumberland Mémorial Hospital de Bridgton, où le décès a été prononcé à dix-huit heures deux, samedi. Il était âgé de cinquante-deux ans.
Le personnel de l’hôpital a précisé que le décès est la conséquence de graves blessures à la tête. La famille de Stephen King, qui s’était réunie presque au complet pour la Fête des Pères, a préféré se retirer ce soir…
Commala-un-deux
Voilà que reprend le jeu !
Tous les ennemis des hommes et de la rose
Se lèveront au coucher du soleil, parbleu.
J’aimerais une fois encore rendre hommage à l’inestimable contribution de Robin Furth, qui a lu le manuscrit de ce roman — mais aussi des précédents — avec une attention constante et une grande sensibilité aux détails. Si ce récit de plus en plus complexe maintient sa cohérence et se tient finalement debout, c’est en très grande partie grâce à Robin. Et si vous ne le croyez pas, allez ouvrir sa Concordance de La Tour Sombre, qui constitue en soi une lecture passionnante.
Tous mes remerciements vont également à Chuck Verrill, responsable de la mise en forme des cinq derniers romans, et aux trois éditeurs — deux grands et un petit — dont la coopération a permis de mener à bien ce projet gigantesque : merci à Robert Wiener (Éditions Donald M. Grant), à Susan Petersen Kennedy et Pamela Dorman (de chez Viking), et à Susan Moldow et Nan Graham (de chez Scribner). Avec ma reconnaissance particulière à Moldow, dont l’ironie et le courage m’ont bien souvent sauvé la mise, les jours sombres. Il y a d’autres personnes, beaucoup d’autres, mais je ne vais pas vous ennuyer avec une liste complète. Après tout, on n’est pas à ces putains d’Oscar, pas vrai ?
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