Gene Wolfe - Le Nouveau Soleil de Teur. Livre 2

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Le Nouveau Soleil de Teur. Livre 2: краткое содержание, описание и аннотация

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Après bien des péripéties, voici Sévérian de retour sur Teur. Un Sévérian métamorphosé, fort de pouvoirs quasi divins et entraînant dans son sillage la Fontaine Blanche — cet objet astronomique qui est l’exact opposé d’un trou noir, un jaillissement de matière né de la semande de l’Autarque.
Mais cela suffira-t-il à redonner vie à Teur et à son soleil moribond ?
Dans cette deuxième et dernière partie de la coda imaginée par Gene Wolfe pour couronner son
, Sévérian sera le moteur de bouleversements cosmiques — un nouveau Déluge, une plongée dantesque dans les Corridors du Temps — qui, ultime révélation, lui apprendront que les sauveurs des mondes sont forcés d’en être aussi les sacrificateurs.

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Il avait l’air un peu ridicule d’enlever sa casquette avec ce vent, et je souris en acquiesçant. « Je suppose que vous ne pouvez pas ferler cette voile sans rendre le bateau plus difficile à piloter ? » dis-je.

C’est juste à ce moment-là que la tempête se déchaîna contre nous dans toute sa fureur. Alors que la majorité des voiles avaient été ferlées et que les autres étaient réduites au minimum, l’ Alcyon fut couché dans l’eau jusqu’au plat-bord. Puis il se redressa (et, pour la gloire de ses constructeurs, se redressa de lui-même) tandis que tout autour de nous la grêle faisait bouillir l’eau et que les grêlons menaient un tapage assourdissant sur le pont. Le second courut s’abriter sous l’auvent du pont central. Je le suivis et fus surpris de le voir tomber à genoux dès qu’il fut à couvert.

« Ne le laissez pas couler, s’gneur ! m’implora-t-il. C’est pas tellement pour moi, mais j’ai une femme et deux bébés, on s’est marié l’an dernier, s’gneur. Nous…

— Qu’est-ce qui te fait croire que je peux sauver le bateau ?

— C’est à cause du capitaine, n’est-ce pas, s’gneur ? Je vais lui régler son compte, dès qu’il fera noir. » Il étreignit le manche de son coutelas de marin. « Il y a au moins deux matelots qui se mettront avec moi, s’gneur, j’en suis sûr. Je le ferai, je vous le jure, s’gneur.

— Mais c’est de mutinerie que tu parles ! C’est absurde. » Le bateau roula si fortement que la vergue de la grand-voile alla plonger dans l’eau. « Je ne puis pas davantage déclencher les tempêtes… »

Mais je parlais dans le vide. Il avait bondi de l’auvent et s’était évanoui dans la grêle qu’accompagnaient des trombes d’eau. Je m’assis une fois de plus sur le banc étroit d’où j’avais assisté aux préparatifs de départ du vaisseau. Ou plutôt, je me précipitai à travers le vide comme je m’y étais précipité depuis que Burgundofara et moi avions sauté dans un néant ténébreux en dessous de ce dôme étrange, sur Yesod ; et ce faisant, j’obligeai à s’asseoir sur le banc le personnage profane qui aurait pu étrangler la moitié de Briah et que je manipulais avec mes ficelles.

Le temps d’une douzaine de respirations, ou de cent, le second était de retour avec Declan et Herena. Il s’agenouilla de nouveau, tandis que les deux autres s’accroupissaient à mes pieds.

« Arrêtez la tempête, s’gneur, me supplia Herena. Vous avez déjà été bon pour nous. Vous, vous ne mourrez pas, mais nous, si. Declan et moi. Je sais que nous vous avons offensé, mais nous n’avions que de bonnes intentions et j’implore votre pardon, s’gneur. »

Declan acquiesça en silence.

« Les tempêtes violentes sont courantes en automne, leur dis-je à tous. Celle-ci va bientôt passer, comme les autres.

— S’gneur…, commença Declan.

— Qu’est-ce qu’il y a ? Il n’y a pas de raison que tu ne parles pas non plus.

— Nous vous avons vu. Elle et moi. Nous étions là-haut lorsque vous nous avez quittés à l’arrivée de la pluie. Le second, là, a couru. Vous avez marché, s’gneur. Vous avez marché, et la grêle ne vous a pas touché. Regardez mes vêtements, s’gneur, et ceux de la petite.

— Que veux-tu dire, Declan ? »

C’est le second qui balbutia : « Ils sont trempés, comme les miens. Mais touchez votre cape, s’gneur, et sentez vos joues. »

Ma cape et mes joues étaient sèches, en effet.

Confronté à l’incroyable, l’esprit se réfugie vers le sens commun ; je ne voyais qu’une explication, la qualité de ce tissage le rendait totalement imperméable, tandis que le capuchon m’avait abrité la figure. Je le repoussai et m’avançai à l’extérieur de l’auvent.

Le visage tourné vers le vent, je voyais la pluie voler vers mes yeux et j’entendais les grêlons siffler à mes oreilles ; mais aucun de ces grêlons ne me toucha, et mon visage, mes mains et ma cape restèrent secs. C’était comme si les paroles – ces paroles que j’avais toujours cru insensées – du moins étaient devenues vraies, et tout ce que je voyais et entendais simple illusion.

Presque contre ma volonté, je m’adressai dans un murmure à la tempête. J’avais cru lui parler comme les hommes parlent aux hommes, mais je me rendis compte que de mes lèvres sortaient d’autres sons : celui d’une brise douce, celui d’un tonnerre lointain roulant parmi les collines et le délicat crépitement musical de la pluie sur Yesod.

Un instant passa, puis un autre. Le tonnerre s’éloigna en maugréant, le vent tomba. Quelques derniers grêlons, comme des galets qu’aurait lancés un enfant, firent leurs « plop » dans le fleuve. Je savais qu’avec ces quelques mots j’avais ramené la tempête en moi-même, et c’était un sentiment indescriptible. Un peu auparavant, j’avais extériorisé d’autres sentiments qui s’étaient transformés en un monstre aussi sauvage que je l’étais alors moi-même, un monstre doué de la force de dix mille géants. Maintenant ils étaient redevenus de simples sentiments et je me sentais de nouveau en colère, peut-être plus encore parce que je ne savais plus avec certitude par où passait la ligne de partage entre ce monde étrange et sordide de Teur et moi-même. Le vent était-il le souffle de ma respiration ? Etait-ce le flot de mon sang ou celui des eaux de Gyoll qui grondait dans mes oreilles ? J’aurais eu plaisir à jurer, mais je craignis l’effet de mes jurements.

« Merci, s’gneur, merci ! »

C’était le second, toujours à genoux et prêt à embrasser le bout de ma botte si je le lui avais permis. Au lieu de cela je le fis se lever et lui dis qu’il n’était pas question d’assassiner le capitaine Hadelin. À la fin je fus obligé de lui faire prêter serment, car je me rendais compte que, comme Declan et Herena, il l’aurait fait avec joie au nom de ce qu’il était convaincu être ma cause, en désobéissance directe à mes ordres. J’étais devenu un faiseur de miracles, que je le voulusse ou non, et on n’obéit pas aux faiseurs de miracles comme on obéit à un autarque.

Du reste de la journée, c’est-à-dire tant qu’il y eut de la lumière, il y a peu à dire. Je réfléchis beaucoup, mais je ne fis rien, sinon aller une ou deux fois du gaillard d’avant à celui d’arrière, et regarder défiler les rives. Herena et Declan, comme d’ailleurs tout le reste de l’équipage, me laissèrent strictement seul ; mais lorsque Teur parut sur le point de toucher le soleil rouge, j’appelai Declan et lui indiquai un endroit sur la berge située à l’est, brillamment illuminée par le couchant.

« Est-ce que tu vois ces arbres ? lui demandai-je. Certains sont alignés comme des rangées de soldats, d’autres sont en bosquets et d’autres composent des triangles. Est-ce que ce sont des vergers ? »

Il secoua la tête d’un air triste. « J’avais mes propres arbres, s’gneur, mais ils n’ont rien donné cette année. Juste des pommes vertes bonnes à cuire.

— Mais ce sont bien des vergers, là ? »

Il acquiesça.

« Et sur l’autre rive aussi, ce sont encore des vergers ?

— Les rives sont trop en pente pour des champs, s’gneur. Si vous les labourez, la pluie emporte tout. Mais elles conviennent très bien pour les arbres fruitiers. »

À moitié pour moi-même, je murmurai : « Je me suis arrêté une fois dans un village appelé Saltus. Il y avait quelques champs et un peu de bétail, mais ce n’est qu’en continuant vers le nord que j’ai vu autant de plantations. »

La voix de Hadelin me prit par surprise. « Curieux que vous en parliez. On accoste à Saltus dans une demi-veille, s’gneur. »

Il avait l’air d’un petit garçon qui s’attend à une correction. Je renvoyai Declan et dis à Hadelin qu’il n’avait rien à redouter, que j’avais effectivement été en colère contre lui et Burgundofara, mais que cette colère était passée.

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