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Philip Dick: Le maître du Haut Château

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Philip Dick Le maître du Haut Château

Le maître du Haut Château: краткое содержание, описание и аннотация

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C’est en 1947 qu’avait eu lieu la capitulation des Alliés devant les forces de l’Axe. Cependant que Hitler avait imposé la tyrannie nazie à l’est des États-Unis, l’ouest avait été attribué aux Japonais. Aujourd’hui, quelques années plus tard, la vie avait repris son cours normal dans la zone occupée par les Nippons. Ceux-ci se mon­traient des maîtres fermes mais corrects. Ils avaient apporté avec eux l’usage du Yi-king, le livre des transformations, le célèbre ora­cle chinois dont l’origine se perd dans la nuit des temps. Sa consul­tation permettait de régler toutes les affaires, qu’elles soient com­merciales, politiques ou même sen­timentales. Pourtant, dans cette nouvelle civili­sation, une rumeur étrange cir­culait. Un homme vivant dans un Haut Château, un écrivain de science-fiction, avait écrit un ou­vrage qui racontait la victoire des Alliés en 1945…

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Un garçon d’environ treize ans, ébouriffé, vêtu d’un T-shirt et de blue-jeans, ouvrit grande la porte :

— Vous désirez ?

— Est-ce que… Mr Abendsen est chez lui ? Est-il occupé ?

En s’adressant à quelqu’un qui se trouvait derrière lui dans la maison, le garçon appela :

— Maman ! Elle veut voir papa.

Derrière lui, apparut une femme aux cheveux auburn, paraissant trente-cinq ans, au regard énergique et direct, avec des yeux gris et un sourire si franc, si apparemment dépourvu de complexes que Juliana sut aussitôt qu’elle se trouvait en face de Caroline Abendsen.

— J’ai téléphoné hier soir, dit Juliana.

— Oui, bien sûr. (Son sourire s’élargit. Elle avait des dents très blanches et parfaitement régulières ; Irlandaise, se dit Juliana. Seul le sang irlandais peut donner à une ligne de mâchoire une telle féminité.) Permettez-moi de vous débarrasser de votre sac et de votre manteau. Vous tombez très bien ; nous avons quelques amis. Quelle robe ravissante… elle vient de chez Cherubini, n’est-ce pas ? (Elle conduisit Juliana à travers la salle de séjour jusqu’à une chambre ; là, elle déposa ses affaires sur un lit où d’autres vêtements se trouvaient déjà :) Mon mari est quelque part par là. Cherchez un homme grand avec des lunettes, en train de boire un Old Fashioned.

Ses yeux pétillants d’intelligence se posaient sur Juliana ; ses lèvres tremblaient un peu – il y avait tant de choses sous-entendues entre elles, se disait Juliana. N’était-ce pas extraordinaire ?

— J’ai fait une longue route, dit Juliana.

— Oui, en effet. Voilà, je le vois. (Caroline Abendsen la ramena dans la salle de séjour et la conduisit à un groupe d’hommes.) Mon chéri, lui dit-elle de loin, viens par ici. Il y a là l’une de tes lectrices qui a hâte de te dire quelques mots.

Un homme se détacha du groupe et s’approcha, le verre à la main. Juliana vit un homme immense aux cheveux noirs frisés ; sa peau était également foncée, ses yeux semblaient bruns et très doux derrière les lunettes. Il portait un costume fait sur mesure, visiblement coûteux, dans un tissu naturel, peut-être un lainage anglais ; le costume faisait valoir ses larges épaules sans rien y ajouter. De sa vie elle n’avait vu pareil costume ; elle le contemplait, fascinée.

— Mrs Frink a fait en voiture toute la route depuis Canon City, dans le Colorado, simplement pour te parler de La sauterelle.

— Je croyais que vous habitiez une forteresse, dit Juliana.

Hawthorne Abendsen se pencha pour la regarder et esquissa un sourire rêveur.

— Oui, ce fut exact. Mais il fallait un ascenseur pour y arriver et j’ai fait une phobie. J’étais passablement saoul le jour où ça m’est venu, mais, autant qu’il m’en souvienne et d’après ce qu’on m’a dit, j’ai refusé de rester debout dans l’ascenseur parce que, disais-je, c’était Jésus-Christ qui tirait sur la corde, pendant tout le trajet. Et j’étais décidé à ne pas rester debout.

Elle ne comprenait pas.

— Depuis que je le connais, expliqua Caroline, Hawth a toujours dit que lorsqu’il finirait par voir le Christ il s’assiérait ; il ne resterait pas debout.

Le cantique, se rappela Juliana.

— Ainsi vous avez abandonné le Haut Château et vous êtes revenu en ville, dit-elle.

— Je voudrais vous verser un verre, dit Hawthorne.

— Très bien, dit-elle, mais pas un Old Fashioned.

Elle avait déjà jeté un coup d’œil sur le buffet ; il y avait là plusieurs bouteilles de whisky, des hors-d’œuvre, des verres, de la glace, un mixer, des cerises et des tranches d’oranges. Elle s’avança de ce côté, en compagnie d’Abendsen.

— Simplement de L’I.W. Harper sur de la glace, dit-elle. J’aime toujours ça. Connaissez-vous l’Oracle ?

— Non, dit Hawthorne en lui préparant un verre.

Frappée de stupeur, elle dit :

— Le Livre des Transformations ?

— Je ne connais pas, non, répéta-t-il.

Et il lui tendit son verre.

— Ne la taquine pas, dit Caroline Abendsen.

— J’ai lu votre livre, dit Juliana. En fait je l’ai terminé ce soir. Comment saviez-vous tout cela sur cet autre monde au sujet duquel vous écrivez ?

Hawthorne ne répondit pas. Il se contenta de frotter ses phalanges sur sa lèvre supérieure, de regarder du côté de Juliana comme s’il ne la voyait pas et de froncer les sourcils.

— Avez-vous utilisé l’Oracle ? demanda Juliana.

Hawthorne lui lança un coup d’œil.

— Je ne veux pas que vous blaguiez ou que vous me fassiez marcher, dit Juliana. Dites-moi simplement sans faire de l’esprit.

Hawthorne se mordait la lèvre et regardait le sol. Il s’entoura le corps de ses bras, se balança d’avant en arrière sur ses talons. Dans la pièce, les autres invités s’étaient tus, Juliana remarqua que leurs manières avaient changé. Ils n’étaient pas heureux de ce qu’elle avait dit. Mais elle n’essaya pas de le rattraper ou de le dissimuler sous d’autres explications ; elle ne voulait même pas en avoir l’air. C’était trop important. Et elle était venue de trop loin, elle en avait trop fut pour accepter de lui autre chose que la vérité.

— C’est… une question à laquelle il est difficile de répondre, finit par déclarer Abendsen.

— Mais non, dit Juliana.

Tout le monde était silencieux ; on regardait Juliana, à côté de Caroline et de Hawthorne Abendsen.

— Je regrette, dit Abendsen, je ne peux pas répondre sur-le-champ. Il faut que vous l’admettiez.

— Alors, pourquoi avez-vous écrit ce livre ? demanda Juliana.

En la désignant avec son verre, Abendsen lui dit :

— Qu’est-ce que fait cette broche sur votre robe ? Elle éloigne les dangereux esprits qui hantent le monde immuable ? Ou bien sert-elle simplement à tout faire tenir ensemble ?

— Pourquoi changez-vous de sujet ? dit Juliana. Pourquoi vous dérobez-vous quand je vous interroge ou faites-vous une remarque sans objet comme celle-ci ? C’est enfantin.

— Tout le monde, dit Hawthorne Abendsen, a des secrets techniques. Vous avez les vôtres, j’ai les miens. Vous devriez lire et accepter son contenu suivant la valeur qu’il paraît avoir, exactement comme j’accepte ce que je vois… (Et il la désignait de nouveau avec son verre.) Sans demander si ce qui est en dessous est authentique, ou bien fait de fils de fer, de baleines et de rembourrage en caoutchouc mousse. Cela ne fait-il pas partie de la confiance qu’on doit avoir dans la nature des gens et dans ce qu’on voit d’une façon générale ?

Il lui paraissait, d’après elle, irritable et agité à présent, il n’était plus aussi poli, aussi accueillant. Et, du coin de l’œil, elle pouvait voir que Caroline semblait en proie à une exaspération intense ; ses lèvres étaient serrées et elle ne souriait plus tout à fait.

— Dans votre livre, vous avez montré qu’il y a une façon d’en sortir. Est-ce ce que vous voulez dire ?

— D’en sortir ? répéta-t-il sur un ton ironique.

— Vous avez fait énormément pour moi ; je vois à présent qu’il n’y a rien ici dont on doive avoir peur, rien à vouloir, ni à détester, ni à éviter, ni à fuir. Ni même à poursuivre.

Il lui faisait face, en agitant son verre et en l’étudiant.

— À mon avis, il y a en ce bas monde énormément de choses pour lesquelles le jeu en vaut la chandelle.

— Je comprends ce qui se passe dans votre esprit, dit Juliana.

Ce qu’elle voyait sur sa figure, c’était l’expression qu’elle avait eu depuis toujours l’habitude d’observer chez les hommes et cela ne la dérangeait pas de la voir sur la sienne. Elle n’éprouvait plus ce qu’elle avait ressenti autrefois.

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