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Clifford Simak: Les fleurs pourpres

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Clifford Simak Les fleurs pourpres

Les fleurs pourpres: краткое содержание, описание и аннотация

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Millville. Une petite bourgade sans histoires, quelque part aux Etats-Unis. On s’y souvenait encore du jour où on avait dû faire appel aux pompiers pour récupérer le chat de Grand-Maman Jones sur le toit du patronage, de celui où le vieux Papy Andrews était tombé dans la rivière. Voilà les événements qui avaient marqué la vie de notre ville. De ma ville. Mais cela, c’était avant… Avant l’irruption dans mon jardin de Tupper, l’idiot du village, nu comme au jour de sa naissance et dix ans après sa disparition. Avant que l’on parle d’arbres à dollars ou de machines à voir le passé. Avant que j’apprenne concrètement l’existence des mondes parallèles. Autrement dit avant les Fleurs pourpres…

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Une autre voix répondit à la première.

— « Oui ! Ils l’ont dit aux informations ! »

J’entr’aperçus une silhouette qui s’élançait dans la rue. Alors, je pris mes jambes à mon cou.

La nouvelle avait éclaté plus tôt que je ne l’avais cru. Certes, j’étais suffisamment renseigné pour savoir que ce n’était encore qu’un bruit sans fondement mais Millville ne ferait pas la différence entre une rumeur et une information officielle.

Cette fois, ça y était : la ville allait se transformer en asile de fous. J’avais lieu de tout craindre. Et Gerald Sherwood aussi.

Je courais à toute vitesse. Soudain, je songeai qu’Hiram montait peut-être encore la garde devant les buissons porteurs de dollars. Instantanément, je m’immobilisai et me plaquai au sol, tous les sens aux aguets. Mais je ne décelai rien d’insolite.

Dans la ville, des portes s’ouvraient et se fermaient bruyamment. Quelqu’un cria. Une voiture démarra. Toujours aucun signe d’Hiram.

Je me relevai et me dirigeai vers la serre délabrée. Soudain, je me figeai sur place : quelqu’un m’avait parlé ― pourtant, je n’avais rien entendu.

— « Bradshaw Carter… » fit la voix silencieuse.

Alors, je sentis une odeur pourpre ― non, pas vraiment une odeur. C’était plutôt comme si je nageais dans un océan purpurin. Je me remémorai la Présence avec laquelle j’avais dialogué à quelques pas de Tupper endormi.

— « Oui, » répondis-je. « Où êtes-vous ? »

L’orme qui se dressait à l’angle de la serre parut frémir. Pourtant, il n’y avait pas un souffle de vent.

— « Je suis là, » reprit la voix de silence. « Je suis là depuis des années, attendant que vienne le moment où je pourrai vous parler. »

— « Savez-vous ce qui se passe ? »

Question stupide ! Bien sûr que la Présence était au courant de tout, de la bombe et du reste !

— « Nous le savons, » répondit l’orme, « mais ce n’est pas une raison pour désespérer. »

— « Quoi ? » J’étais éberlué.

— « Si nous échouons, » dit l’orme, « nous essaierons encore. Peut-être ailleurs. Ou bien nous attendrons que les… comment les appelez-vous ? »

— « Les radiations ? »

— « Nous attendrons que les radiations soient éliminées. »

— « Cela demandera des années. »

— « Nous avons tout le temps. Le temps est infini. »

— « Pas pour nous ! »

— « Oui, nous le savons et nous avons grande pitié de vous. »

C’était le moment d’appeler au secours, de placer les extra-terrestres devant le fait accompli, de leur expliquer que nous étions au pied du mur, qu’il leur appartenait de nous sortir du pétrin où ils nous avaient mis.

Mais les mots ne sortaient pas de ma bouche. J’étais incapable d’avouer aux étrangers que nous étions totalement désarmés. Entêtement ? Orgueil ? Je l’ignore.

L’orme avait parlé de compassion. Mais qu’est-ce que cela voulait dire ? Était-ce une pitié sincère ou, simplement, la compassion superficielle d’êtres immortels qui n’ont que mépris pour des créatures éphémères et fragiles au bord de la mort ? Ces êtres seraient encore vivants alors que moi-même je ne serais plus que poudre.

Or, ce qui était important pour nous, créatures promises à la poussière, c’était cet orgueil entêté ― notre seule force, notre sûreté, le seul bien que nous possédions et auquel nous devions nous accrocher.

Qu’était cette odeur pourpre, sinon le parfum de l’immortalité, l’effluve de la grande indifférence incapable de s’intéresser à ce qui ne dure qu’un jour ?

C’était la solitude ― une solitude éternelle et désespérée.

Et soudain, je me sentis ému de pitié. De la pitié pour un arbre ! Quelle chose étrange ! De la pitié pour cette Présence transcendant les arbres et les fleurs pourpres.

— « Je vous plains, moi aussi, » murmurai-je. Mais tout en prononçant ces mots, je savais que mon interlocuteur ne comprendrait pas davantage ma compassion que mon orgueil.

Une voiture s’arrêta dans un hurlement de freins et les phares illuminèrent la serre.

Dans l’ombre, j’entendis quelqu’un m’appeler à voix basse… Une voix presque apeurée.

Une seconde voiture rejoignit la première.

— « Brad ! » répéta la voix douce et craintive. « Tu es là, Brad ? »

— « C’est toi, Nancy ? Oui, je suis là. »

— « Je croyais bien t’avoir reconnu. Tu n’étais pas chez toi… »

J’avais l’impression de l’entendre à travers un halo de terreur.

Des hommes couraient autour de la maison. Ils murmuraient entre eux sur un ton courroucé.

Nancy émergea de l’obscurité et s’approcha de moi. Elle tremblait sur ses jambes.

— « On sait que tu es chez toi, Carter ! » hurla quelqu’un. « Si tu ne sors pas, on va venir te chercher ! »

Je courus vers Nancy et la pris dans mes bras. Elle grelottait

— « Ces gens, Brad… »

— « C’est Hiram et ses copains, » répondis-je.

Il y eut un fracas de verre brisé et un trait de feu déchira la nuit.

— « Maintenant, tu vas peut-être sortir ! » brailla triomphalement une voix.

— « Vite, Nancy ! Les arbres… En haut de la colline… »

— « Brad, » fit-elle dans un souffle. « C’est Stiffy qui m’a envoyée… »

Une langue de feu jaillit de la maison. Par la fenêtre de la salle à manger, je voyais en ombres chinoises des silhouettes hurlantes gambader frénétiquement.

Nancy fit volte-face et je m’élançai sur ses traces.

— « Il est là ! Dans le jardin ! »

Je trébuchai sur un obstacle et m’effondrai au milieu des buissons à dollars dont les branches m’égratignèrent le visage et lacérèrent mes vêtements.

Des flammes sortaient du trou que la machine temporelle avait ouvert dans le toit de la maison, transformée maintenant en un brasier grondant.

Des hommes couraient dont j’entendais le halètement qui s’approchait.

En me relevant, ma main se posa sur un bâton qui pourrissait par terre mais qui était encore solide.

Je l’empoignai. Peut-être me tueraient-ils mais j’en démolirais au moins un, peut-être deux.

Il ne me restait plus qu’un seul espoir : régler son compte à Hiram avant que la foule furieuse ne me submerge.

C’était lui qui marchait en tête. Je me relevai et fis face à la horde qui chargeait, le gourdin levé.

Hiram se rua sur moi. Ses dents luisaient comme une balafre blanche au milieu de sa figure noyée dans l’ombre. Il fallait que je frappe juste entre les yeux, que je lui fracasse le crâne.

Je sentais la chaleur de l’incendie. J’assurai mieux ma prise sur le gourdin.

Mais, à la toute dernière seconde, le groupe qui se précipitait sur moi s’arrêta net. Les enragés se figèrent sur place, l’horreur et la stupéfaction peintes sur leurs traits. Ce n’était pas moi qu’ils regardaient, les yeux écarquillés, mais quelque chose derrière mon dos.

Et, brusquement, ils firent demi-tour en hurlant d’effroi comme un troupeau terrorisé.

Je me retournai. Ils étaient là, massés derrière moi, ces êtres d’un autre monde. Leur peau d’ébène accrochait les reflets de l’incendie et leurs crêtes argentées frémissaient doucement au vent. Ils avançaient en fredonnant leur étrange chanson.

Seigneur ! Ils n’avaient pas pu attendre ! Ils étaient arrivés un peu en avance pour ne rien perdre de l’apocalypse ! Un nouveau théâtre leur était ouvert, un spectacle permanent, une horreur nouvelle sur un monde nouveau étaient offerts à leur ignoble curiosité.

Repartez, ordonna la voix silencieuse. Repartez. Il est encore trop tôt. Ce monde ne vous est pas ouvert.

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