Fred Vargas - Un peu plus loin sur la droite

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Un peu plus loin sur la droite: краткое содержание, описание и аннотация

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Embusqué sur le banc 102, celui de la Contrescarpe, alors qu'il sur-veille la fenêtre d'un fils de député bien peu sympathique, Kehlweiler, « l'Allemand », avise une drôle de « bricole » blanchâtre égarée sur une grille d'arbre…
Ce petit bout d'os humain — car il s'agit de cela — l'obsède jusqu'à ce qu'il abandonne ses filatures parisiennes pour rallier Port-Nicolas, un village perdu au bout de la Bretagne.
Et l'attente reprend au Café de la Halle. Depuis la salle enfumée du vieux bar, il écoute et surveille, de bière en bière, de visage en visage, et fait courir sans trêve, par les routes humides et les grèves désertes, son jeune assistant, Marc Vandoosler, le médiéviste de
.
Qui tue ?
Un peu plus loin sur la droite
Debout les morts

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Sevran revint à cet instant dans la pièce. Il posa une pelle terreuse contre le mur et se rassit à table, pas du tout à sa place. Il se frotta le visage, les cheveux, se mit de la terre partout, se releva, alla se laver les mains à l’évier. Puis il posa la main sur l’épaule de sa femme, comme tout à l’heure.

— Je vous remercie tout de même d’être venus avant la police, dit-il. Mieux valait ça devant vous que devant eux.

Louis et Marc se levèrent pour partir et Lina leur fit un faible sourire. Sevran les rejoignit sur le pas-de-porte.

— Je vous en prie, dit-il, est-ce qu’il serait possible…

— De ne pas en parler aux flics ?

— Évidemment… Quel effet ça va leur faire d’apprendre que ma femme a tiré ? Ce n’était que sur un chien, mais vous savez, les flics…

— Qu’allez-vous raconter s’ils veulent voir le pit-bull ?

— Qu’il a fugué, que je ne sais pas où il est. On dira qu’il n’est jamais revenu. Pauvre chien. Ne jugez pas Lina à la hâte. Marie l’a élevée, elles ne se sont pas quittées depuis trente-huit ans et elle allait s’installer chez nous. Depuis la disparition de Diego, son mari, Marie tournait en rond chez elle et Lina avait décidé de la prendre avec nous. Tout était prêt… La mort de Marie lui a foutu un coup terrible. Alors… un meurtre, en plus… et le chien par là-dessus, elle a perdu pied. Il faut la comprendre, Kehlweiler, elle a toujours eu la frousse de ce chien, pour ses enfants surtout.

— Il avait mordu Martin ?

— Oui, oui… il y a trois ans, c’était encore un jeune chien, et Martin l’avait un peu cherché. Alors ? Qu’est-ce que vous allez dire aux flics ?

— Rien. Les flics se débrouillent, c’est leur métier, c’est leur sort.

— Merci. Si je peux aider, pour Marie…

— Réfléchissez, tous les deux, quand vous aurez réglé entre vous l’affaire du chien. À quelle heure êtes-vous parti, ce jeudi soir ?

— L’heure ? Je pars toujours vers six heures, à peu près.

— Avec le chien ?

— Toujours. C’est exact, ce soir-là, il n’était pas à la maison, il s’était fait la malle une fois de plus. Une fois de trop, n’est-ce pas ? Je rageais, parce que je n’aime pas arriver trop tard à Paris, je veux avoir le temps de dormir avant mon cours du lendemain. J’ai pris la voiture et j’ai tourné dans le pays. Je l’ai retrouvé beaucoup plus près que la grève Vauban, il arrivait en courant vers le village. Je l’ai attrapé, je l’ai engueulé, et en voiture. Je ne pouvais pas deviner… ce qu’il venait de faire… n’est-ce pas ?

— Je vous l’ai dit, Sevran, en l’occurrence, votre pitbull a rendu service. Sans lui, personne n’aurait su qu’on avait tué Marie.

— C’est vrai, il faut tâcher de voir les choses sous cet angle… Il a rendu service. Mais au fait, vous n’avez même pas déjeuné ?

— Ce n’est pas grave, dit Marc précipitamment. On s’arrangera.

— Je vais voir Lina. Elle doit déjà regretter, penser à m’acheter un nouveau chiot, je la connais.

Marc le salua, se disant que ce n’était pas le jour pour lui poser des questions sur sa fabuleuse machine à rien, qu’il repasserait, et reprit son vélo. Il le poussa lentement pendant que Louis marchait à côté de lui.

— Tu as remarqué son visage quand elle a tiré sur le clebs ? demanda Marc.

— Oui, on ne voyait que cela.

— C’est bizarre comment quelqu’un de beau peut devenir horrible. Et puis tout à l’heure, elle était à nouveau normale.

— Que penses-tu d’elle ? Tu aimerais coucher avec elle si elle te le proposait ?

— Tu es drôle. Je ne me suis pas posé la question.

— Tu ne t’es pas posé la question ? Mais qu’est-ce que tu fous de ta vie ? Il faut toujours se poser la question, Marc, bon sang.

— Ah bon. Je ne savais pas. Et toi, tu t’es posé la question ? Ce serait oui ou non ?

— Eh bien, ça dépend. Avec elle, ça dépend des moments.

— À quoi ça te sert de te poser ce genre de question si tu ne sais pas y répondre mieux que cela ?

Louis sourit. Ils marchèrent un moment silencieux.

— Je veux une bière, dit Louis brusquement.

20

Marc et Louis déjeunèrent au comptoir du Café de la Halle. La salle sentait fort les habits mouillés, la fumée et le vin ; Marc aimait cette odeur, ça lui donnait sur-le-champ envie de travailler dans un coin, mais il avait laissé le seigneur de Puisaye sur la table de nuit de sa chambre, à l’hôtel.

C’était un peu tard pour déjeuner, on ne rouvrirait la salle que si le maire se décidait à venir, mais il n’était pas encore sorti de son bureau. Tout le monde à présent savait que les flics étaient là-haut avec lui, tout le monde savait que Marie Lacasta avait été assassinée. La secrétaire de mairie avait fait passer le mot. Et tout le monde savait que c’était le grand type là-bas, celui qui boitait, qui avait apporté l’affaire depuis Paris, on ne s’expliquait pas précisément comment. On s’attardait au café, on attendait le maire, on passait et repassait près du comptoir pour jeter un œil sur les deux hommes venus de Paris. Et en attendant, on buvait et on jouait. Pour l’occasion, la patronne du café, la très petite dame aux cheveux gris et fins, habillée en noir, avait ôté la toile qui recouvrait pour l’hiver le second billard, le billard américain. Attention, le tapis est neuf, elle avait dit.

— La table, trois crans derrière nous vers la fenêtre, tu vois ? dit Louis. Non, ne te retourne pas, regarde dans la glace du bar. Le petit homme gras avec les sourcils bas, tu vois ? Bien, c’est le mari de Pauline. Comment tu trouves ?

— C’est la même question que tout à l’heure ? Pour coucher avec ?

— Non, imbécile. Qu’est-ce que tu en dirais ?

— À fuir si nécessaire.

— C’est là qu’est l’astuce. Le type est d’une finesse supérieure et c’est à peine si ça se remarque sur sa gueule.

— Et la fille qui est avec lui ? C’est celle à qui tu voulais dire salut ?

— Sa femme, oui.

— Je comprends. Pour moi, c’est d’accord, je veux bien dormir avec elle.

— Personne ne te demande ton avis.

— Tu as dit qu’il fallait toujours se poser la question, j’applique la consigne.

— Je te dirai quand l’appliquer. Et puis merde, Vandoosler, ne me tracasse pas avec ça, on a autre chose à foutre.

— Qui connais-tu d’autre ici ? dit Marc en examinant la salle enfumée tout au long de la glace du bar.

— Personne. D’après les registres de la mairie, il y a trois cent quinze votants à Port-Nicolas. C’est petit, mais pour un meurtre, ça fait pas mal de monde.

— La femme est morte le jeudi après quatre heures et avant six heures. C’est une petite tranche horaire et les flics ne devraient pas avoir trop de mal pour les alibis.

— C’est une petite tranche horaire mais c’est une vaste lande. Personne ne traîne vers la pointe Vauban en novembre sous la pluie. Entre la pointe et le centre du bourg, il n’y a que des routes silencieuses et des maisons vides. C’est un pays désert et mouillé. Ce jeudi-là, il faisait un temps de merde. Ajoute à cela que vers cinq ou six heures, la moitié des gens du coin vont et viennent entre ici et Quimper où ils ont un boulot, et revenir de Quimper en voiture n’a jamais fourni d’alibi à personne. Les autres pêchent, et rien n’est plus fluctuant qu’un pêcheur, ni plus mobile qu’une barque. Si on arrive à mettre quarante personnes hors de cause, ce sera déjà bien. Il en restera deux cent soixante-quinze. Ôte les trop âgés, il en restera deux cent trente.

— Mieux vaut partir de Marie, alors.

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