Per-Åke Sandström ne savait pas quoi répondre. Il ne savait même pas expliquer comment ça avait commencé et pourquoi il... Elle leva la matraque électrique.
— Je... je ne sais pas. Je la voulais. Elle était si belle.
— Belle ?
— Oui. Elle était belle.
— Et tu estimais avoir le droit de l'attacher dans le lit et de la baiser.
— Elle était d'accord. Je le jure. Elle était d'accord.
— Tu l'as payée ?
Per-Åke Sandström se mordit la langue.
— Non.
— Pourquoi pas ? C'était une pute. En général, on les paie, les putes.
— Elle était un... elle était un cadeau.
— Un cadeau ? répéta Lisbeth Salander.
Sa voix eut soudain un ton dangereux.
— On me l'a proposée comme un renvoi d'ascenseur pour un service que j'avais rendu à quelqu'un.
— Per-Åke, dit Lisbeth Salander sur un ton suave. Tu n'es tout de même pas en train d'éviter de répondre à ma question ?
— Je le jure. Je vais répondre à tout ce que tu veux savoir. Je ne mentirai pas.
— Bien. Quel service et à qui ?
— J'avais introduit des stéroïdes anabolisants en Suède. C'était pendant un voyage de reportages en Estonie, j'étais avec quelques amis et j'ai embarqué les comprimés dans ma voiture. Je voyageais avec un homme qui s'appelait Harry Ranta. Mais il n'était pas dans ma voiture.
— Comment as-tu rencontré Harry Ranta ?
— Ça fait des années que je le connais. Depuis les années 1980. C'est un copain, rien de plus. On allait boire un verre ensemble.
— Et c'est Harry Ranta qui t'a proposé Inès Hammujärvi comme... cadeau ?
— Oui... non, pardon, c'était plus tard, ici à Stockholm. C'était son frère, Atho Ranta.
— Tu veux dire qu'Atho Ranta est venu frapper à ta porte et t'a demandé si tu avais envie d'aller à Norsborg baiser Inès ?
— Non... j'étais à une... on faisait une fête à... merde, je ne me rappelle pas où on était...
Il se mit tout à coup à trembler de façon incontrôlée, il sentit que ses genoux commençaient à céder et il dut se raidir pour rester debout.
— Réponds calmement sans t'affoler, dit Lisbeth Salander. Je ne vais pas te pendre uniquement parce qu'il te faut du temps pour rassembler tes idées. Mais si je sens que tu te dérobes, alors... poff !
Elle haussa les sourcils et prit un air d'ange. Dans la mesure où on pouvait discerner un ange derrière un masque aussi grotesque.
Per-Åke Sandström hocha la tête. Il déglutit. Il avait soif, sa bouche était archisèche et il sentait la corde lui serrer le cou.
— Donc... on s'en fout de l'endroit où tu te pintais la gueule. Comment ça se fait qu'Atho Ranta t'ait proposé Inès ?
— On parlait de... on... je lui disais que je voulais...
Soudain il se mit à pleurer sans retenue.
— Tu lui as dit que tu voulais une de ses putes.
Il hocha la tête.
— J'étais soûl. Il a dit qu'elle avait besoin... besoin...
— De quoi avait-elle besoin ?
— Atho a dit qu'elle avait besoin d'une correction. Elle lui posait un problème. Elle ne faisait pas ce qu'il voulait.
— Et que voulait-il qu'elle fasse ?
— Qu'elle fasse le trottoir pour lui. Il m'a proposé de... J'étais soûl et je ne savais pas ce que je faisais. Je ne voulais pas... Pardon.
Il renifla.
— Ce n'est pas à moi que tu dois demander pardon. Alors tu as offert à Atho de l'aider à corriger Inès et vous êtes allés chez elle.
— Ça ne s'est pas passé comme ça.
— Raconte comment ça s'est passé alors. Pourquoi as-tu suivi Atho chez Inès ?
Elle joua avec la matraque électrique en équilibre sur ses genoux. Il se remit à trembler.
— Je suis allé chez Inès parce que je la voulais. Elle était là et elle était à vendre. Inès habitait chez une amie de Harry Ranta. Je ne me souviens pas de son nom. Atho a attaché Inès dans le lit et je... j'ai fait l'amour avec elle. Atho regardait.
— Non... tu n'as pas fait l'amour avec elle. Tu l'as violée.
Il ne répondit pas.
— N'est-ce pas ?
Il hocha la tête.
— Qu'est-ce qu'elle a dit, Inès ?
— Elle n'a rien dit.
— Est-ce qu'elle a protesté ?
Il secoua la tête.
— Elle a donc trouvé que c'était sympa qu'un gros dégueulasse de cinquante ans l'attache et la baise.
— Elle était soûle. Elle s'en fichait.
Lisbeth Salander poussa un soupir résigné.
— OK. Ensuite tu as continué à rendre visite à Inès.
— Elle était tellement... elle avait envie de moi.
— Tu parles !
Il jeta un regard désespéré sur Lisbeth Salander. Puis il hocha la tête.
— Je... je la violais. Harry et Atho m'avaient donné la permission. Ils voulaient qu'elle soit... qu'elle soit dressée.
— Tu les as payés ?
Il hocha la tête.
— Combien?
— C'était un prix d'ami. Je les avais aidés pour la contrebande.
— Combien ?
— Quelques billets de mille en tout.
— Sur une de ces photos, Inès se trouve ici dans ton appartement.
— Harry l'a fait venir.
Il renifla de nouveau.
— Donc, pour quelques billets de mille tu as eu une nana avec qui tu pouvais faire ce que tu voulais. Combien de fois est-ce que tu l'as violée ?
— Je ne sais pas... quelques fois.
— D'accord. Qui est le chef de cette bande ?
— Ils vont me tuer si je le dis.
— Je m'en fous. Là, pour le moment, je suis un plus gros problème pour toi que les frères Ranta.
Elle leva la matraque électrique.
— Atho est le chef. C'est l'aîné. Harry, c'est l'homme de terrain.
— Qui d'autre fait partie de la bande ?
— Je ne connais que Harry et Atho. La nana d'Atho participe aussi. Et un mec qu'ils appellent... je ne sais plus. Olle quelque chose. Il est suédois. Je ne sais pas qui il est. C'est un toxico et il rend des services.
— La nana d'Atho ?
— Silvia. C'est une pute.
Lisbeth garda le silence un moment pendant qu'elle réfléchissait. Puis elle leva les yeux.
— Qui est Zala ?
Per-Åke Sandström pâlit visiblement. La même question qu'avait rabâchée Dag Svensson. Il ne dit rien pendant si longtemps qu'il se rendit compte que la folle commençait à avoir l'air irrité.
— Je ne sais pas, dit-il. Je ne sais pas qui il est.
Lisbeth Salander s'assombrit.
— Jusque-là, tu t'es bien comporté. Ne gaspille pas ta chance, dit-elle.
— Je le jure, sur tout ce que j'ai de précieux. Je ne sais pas qui il est. Ce journaliste que tu as tué...
Il se tut, se rendant compte tout à coup que ce n'était peut-être pas une bonne idée d'évoquer son orgie meurtrière à Enskede.
— Oui?
— Il m'a demandé la même chose. Je ne sais pas. Si je le savais, je le dirais. Je le jure. C'est quelqu'un qu'Atho connaît.
— Tu as parlé avec lui ?
— Une minute au téléphone. J'ai parlé avec quelqu'un qui disait qu'il s'appelait Zala. Ou plus exactement il a parlé avec moi.
— Pourquoi ?
Per-Åke Sandström cilla. Des perles de sueur roulèrent dans ses yeux et il sentit de la morve couler sur son menton.
— Je... ils voulaient que je leur rende encore un service.
— Elle commence à patiner maintenant, ton histoire, avertit Lisbeth Salander.
— Ils voulaient que je fasse un autre voyage à Tallinn pour ramener une voiture toute prête. Des amphétamines. Je n'ai pas voulu.
— Pourquoi tu n'as pas voulu ?
— C'était trop. Ils étaient de vrais gangsters. Je voulais me retirer. J'avais mon travail.
— Tu veux dire que toi tu n'étais qu'un gangster occasionnel.
— Je ne suis pas comme ça pour de vrai, dit-il misérablement.
— Ah bon.
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