— Encore bravo, S.A.S. Je ne pense pas que nos amis recommencent jamais…
— Ils tenteront autre chose.
— Peut-être, mais vous leur avez porté un coup sévère. Malko cessa de jouer avec son dollar d’argent et planta ses yeux d’or dans ceux de l’officier.
— Puisque vous êtes si content de moi, Amiral, si je fais quelque chose de très mal, vous me couvrirez ?
L’amiral rit.
— De très mal ? Vous voulez enlever votre danseuse du ventre ?
— Non, c’est plus grave que ça.
L’autre se rembrunit.
— Vous parlez sérieusement ?
— Oui.
Heureusement leur conversation passait complètement inaperçue dans le brouhaha.
— Est-ce que ce n’est rien de… déshonorant ?
— Rien. Mais cela peut vous gêner.
— Tant pis ; dans ce cas, je vous couvre. Pour moi, vous êtes l’homme qui a vengé le Memphis.
— Je vous remercie, Amiral.
Malko s’inclina légèrement. Puis il se dirigea vers le colonel Liandhi qui bavardait avec le consul.
— Colonel, je voudrais vous parler. Il avait volontairement élevé la voix. Les conversations s’arrêtèrent. Flatté, l’officier turc se redressa et tira sur son dolman. Malko le regardait avec un air bizarre.
— Colonel, j’ai une commission pour vous. De quelqu’un qui ne peut la faire lui-même.
Un peu surpris Liandhi répondit :
— Mais, je vous en prie, mon cher, faites. Personne ne vit partir la main de Malko. Mais la gifle claqua sur la joue du Turc comme une serviette mouillée. La seconde imprima sur sa joue gauche la même marque rouge.
Il faut être juste, le colonel avait de bons réflexes. L’écho de la seconde gifle n’était pas mort qu’il avait le pistolet au poing. S’il avait été armé, Malko était mort.
Mais le geste du colonel ne s’acheva pas. Il resta bêtement, la main sur la culasse de son arme, photographié à bout portant par les Colts de Jones et de Brabeck qui, eux, étaient armés. Il leur avait fallu deux secondes pour traverser toute la pièce. De vrais missiles.
— On se le paie ? proposa aimablement Jones.
Il y eut du remous parmi les Turcs. Brabeck fit décrire un arc de cercle à son canon nickelé et annonça paisiblement :
— Le premier qui fait semblant de se gratter est mort. Dites sérieusement, ce sont des phrases qui calment. Le consul, par contre, frisait l’apoplexie. Il se précipita sur Malko.
— Vous êtes fou ! Cet officier, c’est un des meilleurs de l’armée turque.
— Peut-être, mais c’est une ordure. Le diplomate sursauta sous l’injure.
— Qu’est-ce qui vous permet de dire cela ? C’est un allié et un ami.
— Vous vous souvenez de Beyazit ?
— Le lieutenant traître ? Oui. Et alors ?
— Il avait un frère. Emprisonné et condamné à mort par le gouvernement actuel. Beyazit a accepté de nous aider à une condition : que l’on libère son frère. Le colonel Liandhi ici présent, en avait pris l’engagement. Moi, j’avais donné ma parole d’honneur.
— Eh bien, je suis sûr que le colonel a fait le nécessaire.
— D’une certaine façon, oui. Le frère de Beyazit a été fusillé ce matin.
Le diplomate pâlit. Le colonel, qui n’avait pas dit un mot, parla d’une voix étranglée :
— Je n’ai pas pu faire autrement… La sécurité du pays l’exigeait. Je réclame à ce monsieur des excuses immédiates ou j’en référerai à mon gouvernement.
À ce moment, l’amiral Cooper s’approcha.
— Filez, siffla-t-il. J’approuve entièrement le geste de Son Altesse Sérénissime. Vous êtes un homme sans honneur. Et je vous autorise à citer mes paroles à qui vous voulez. J’ajoute que je n’admettrai plus jamais de me trouver dans le même endroit que vous.
Subjugué, le Turc rentra son arme, et, sans saluer, se dirigea vers la porte, laissant le consul médusé.
Il n’était pas encore remis du choc lorsque ses hôtes le quittèrent. Pour tout dire, le colonel Liandhi était quelque chose comme le Béria local, et il avait fait fusiller des gens pour bien moins que cela…
Le DC 8 s’inclina gracieusement sur l’aile et Malko aperçut la Mosquée du Sultan Ahmet brillant dans le soleil couchant. A côté de lui, Krisantem se tordait le cou pour apercevoir Istanbul.
— Bon, au travail, fit Malko.
Il déplia un plan sur ses genoux. C’était le futur grand salon du château de Son Altesse Sérénissime Linge.
— Mon cher, dit-il à Krisantem, si je réussis encore quelques affaires, vous serez le factotum du plus beau château d’Autriche. En attendant, il faut que vous mettiez la main à la pâte. Voici les travaux à effectuer dans les trois prochains mois.
Krisantem se força à sourire : il avait horreur des travaux manuels, mais il faut bien vivre.
En voyant l’hôtesse, Malko eut un petit pincement au cœur. Elle ressemblait à Leila. À Leila qu’il avait oublié de prévenir de son départ.
Belle-sœur de Ngô Dinh Diem, chef de l’Etat vietnamien, qui conseillait aux bonzes de s’immoler par le feu.
À Berlin, les Américains avaient creusé un tunnel sous la zone russe pour espionner les télécommunications soviétiques. Il fonctionna plus d’un an.