Henry Cauvain - Maximilien Heller

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"Le roman populaire a donné naissance au roman policier, et cette transition s'opère sous nos yeux comme par magie, grâce à un auteur presque oublié, Henry Cauvain (1817 – 1899) et à son merveilleux roman Maximilien Heller. Ce récit est excellent, entre autres raisons, parce qu'il est relativement bref et ne s'encombre d'aucune intrigue amoureuse. Il comporte un criminel de génie, un crime en chambre close remarquablement expliqué compte tenu de l'époque, et un enquêteur résolument privé!On peut y faire des comparaisons amusantes. Heller aime les chats, comme Sherlock Holmes. Il prend de l'opium pour s'endormir – comme Holmes. Comme lui, il procède par déductions logiques. Il a un confident qui raconte l'histoire, et qui est médecin, comme le Watson de Holmes… Tout pourrait laisser croire que Cauvain, imbibé de Gaboriau, a également lu Conan Doyle et lui a emprunté personnages, techniques et détails! Or Maximilien Heller date de 1871, alors que la première aventure de Sherlock Holmes ne sera publiée que seize ans plus tard!"
Les aventures d'un détective amateur sur les traces de Sherlock Holmes: comme lui, il a une forte personnalité, une faculté de concentration intellectuelle extraordinaire qui souvent l'empêche de dormir: c'est pourquoi il prend de l'opium.

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Henry Cauvain Maximilien Heller CHAPITRE PREMIER UN ÉTRANGE MALADE Ce fut le - фото 1

Henry Cauvain

Maximilien Heller

CHAPITRE PREMIER UN ÉTRANGE MALADE

Ce fut le 3 janvier 1845, à 8 heures du soir, que je fis la connaissance de M. Maximilien Heller.

Quelques jours auparavant, j’avais été abordé dans la rue par un de mes amis, Jules H…, qui, les premiers compliments échangés, m’avait dit avec une insistance toute particulière:

«Voici déjà quelque temps que je voulais aller chez vous, mon cher docteur, pour vous prier de me rendre un grand service. Un de mes anciens confrères du barreau, M. Heller, qui demeure ici près, est dans l’état de santé le plus alarmant. Nous avions d’abord cru, ses amis et moi, que son mal était plus moral que physique. Nous avons essayé tous les moyens de distraction possibles, nous avons tâché de donner quelques aliments à son intelligence, que nous avons connue autrefois si belle et si lumineuse. Je dois convenir que tous nos efforts ont échoué. Il ne nous reste plus qu’à implorer le secours de la science. Ce que notre amitié n’a pu faire, votre autorité de docteur le fera peut-être. Maximilien a une nature énergique, et il ne cédera guère, je crois, qu’à une raison supérieure. Allez donc chez lui un de ces soirs, mon cher ami, et voyez ce que vous pouvez pour ce pauvre garçon. Je vous serai tout particulièrement reconnaissant du bien que vous lui ferez.»

La semaine suivante, pour condescendre au désir que m’avait exprimé mon ami, et bien que cette visite me répugnât un peu, – car j’avais entendu parler de M. Maximilien Heller comme d’un excentrique désagréable et fort maussade, – je me rendis chez mon nouveau malade.

Il demeurait dans une des rues tortueuses de la butte Saint-Roch.

La maison qu’il habitait était très étroite, – elle n’avait que deux fenêtres de façade; – mais, en revanche, sa hauteur était exagérée.

Elle se composait de cinq étages et de deux mansardes superposées.

Au rez-de-chaussée était une boutique de fruitier peinte en vert qui s’ouvrait sur la rue.

Une porte basse, treillagée en sa partie supérieure, donnait accès dans l’intérieur de la maison. Après avoir traversé un long couloir sombre dont le parquet cédait sous le pas, on arrivait brusquement à deux marches vermoulues, qu’on apercevait à peine dans l’obscurité et contre lesquelles on trébuchait inévitablement.

Le bruit de cette chute avertissait le portier qu’un visiteur se présentait dans son immeuble.

C’était un moyen fort ingénieux, assurément, d’économiser les frais d’une sonnette.

J’étais encore tout saisi de l’émotion désagréable qui suit un faux pas imprévu fait dans l’obscurité, lorsque j’entendis une voix aigre comme celle d’une sorcière sortir d’une sorte de niche pratiquée sous l’escalier.

«Que voulez-vous? chez qui allez-vous? me cria l’invisible cerbère.

– M. Maximilien Heller est-il chez lui? répondis-je en tournant la tête du côté d’où la voix était partie.

– Au sixième, la porte à droite!» répondit laconiquement ce portier fantastique.

Je me mis en devoir de commencer l’ascension.

Soit par ignorance, soit pour simplifier sa besogne, l’architecte n’avait pas donné aux escaliers la forme tournante qu’ils ont d’ordinaire.

Ils se composaient d’une série d’échelles droites, aboutissant à des paliers étroits sur lesquels s’ouvraient les portes noircies des chambres.

J’arrivai enfin au sixième étage.

Une lueur que j’aperçus au fond d’un étroit corridor me servit de guide.

Cette lueur était celle d’une petite lampe fumeuse suspendue à un clou près de la première porte à droite.

«Ce doit être là!» pensai-je.

Je frappai doucement.

«Entrez», me répondit une voix faible.

Je poussai la porte, qui n’était fermée qu’avec un loquet et j’entrai dans la chambre de M. Maximilien Heller.

Cette chambre présentait un singulier spectacle.

Les murs étaient dénudés et couverts, seulement par places, de lambeaux d’un papier vulgaire.

À gauche un rideau de perse, d’un rose fané, pendait à une tringle et cachait sans doute un lit placé dans le renfoncement du mur.

Un feu de mottes brûlait dans la petite cheminée.

Sur une table située à peu près au milieu de cette modeste cellule, des papiers et des livres étaient amoncelés dans le plus beau désordre.

Maximilien Heller était étendu dans un grand fauteuil, près de la cheminée.

Sa tête était renversée en arrière, ses pieds reposaient sur les chenets. Une longue houppelande enveloppait son corps, maigre comme un squelette.

Devant lui, dans les cendres, chantait une petite bouillotte de fer-blanc qui dialoguait avec un grillon caché dans l’âtre.

Maximilien buvait énormément de café.

Un gros chat, les griffes rentrées sous sa poitrine fourrée, les yeux demi-clos, faisait entendre son ronron monotone.

Lorsque j’entrai, le chat se leva en faisant le gros dos; son maître ne bougea pas.

Il resta immobile, les yeux toujours fixés au plafond, ses mains blanches et effilées posées sur les bras du fauteuil.

Je fus surpris de cet accueil, j’hésitai un instant, puis enfin je m’approchai de ce singulier personnage et lui dis l’objet de ma visite.

«Ah! c’est vous, docteur? fit-il en tournant légèrement la tête de mon côté; on m’a en effet parlé de vous. Prenez donc la peine de vous asseoir. Au fait, ai-je une chaise à vous offrir? Ah! oui, tenez, je crois qu’il m’en reste encore une dans ce coin-ci.»

Je pris la chaise qu’il m’indiquait du doigt et vins m’asseoir à côté de lui.

«Ce brave Jules! continua-t-il, il m’a trouvé bien malade, la dernière fois qu’il est venu me voir, et m’a promis de m’envoyer la Faculté… C’est vous, la Faculté?»

Je m’inclinai en souriant.

«Oui, je souffre beaucoup… J’ai depuis quelque temps des éblouissements, et ne puis soutenir l’éclat de la lumière… J’ai toujours froid.»

Il pencha son long corps vers la cheminée et attisa le feu avec les pincettes. La flamme qui jaillit éclaira d’une lueur rouge la figure de cet homme étrange.

Il paraissait avoir trente ans au plus; mais ses yeux entourés d’un cercle noir, ses lèvres pâles, ses cheveux grisonnants, le tremblement de ses membres, en faisaient presque un vieillard.

Il se rejeta lourdement dans son fauteuil et me tendit la main.

«J’ai la fièvre, n’est-ce pas?» dit-il. Sa main était brûlante, son pouls rapide et saccadé.

Je lui fis toutes les questions d’usage; il me répondait d’une voix faible et sans tourner la tête.

Lorsque j’eus fini mon examen:

«Voilà un homme perdu! pensai-je.

– Je suis bien malade, n’est-ce pas? Combien croyez-vous qu’il me reste encore à vivre?» dit-il en me regardant fixement.

Je ne répondis pas à cette question singulière.

«Souffrez-vous depuis longtemps? demandai-je.

– Oh! oui!… fit-il avec un accent qui me glaça… oh! oui… c’est là, ajouta-t-il en touchant son front.

– Voulez-vous que je vous fasse une ordonnance?

– Volontiers», répondit-il d’un air distrait.

Je m’approchai de la table, qui était, comme je l’ai dit, surchargée de livres et de manuscrits, et, à la lueur vacillante d’une bougie, j’écrivis rapidement l’ordonnance.

Quelle ne fut pas ma surprise, quand j’eus fini, de voir debout, à côté de moi, mon malade qui regardait avec son sourire étrange les quelques lignes que j’avais tracées. Il prit le papier, le considéra quelque temps, et haussant les épaules:

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