— Euh… oui.
— Ce qui revient à dire que vous vouliez en discuter avec un des membres de votre famille ?
— Qu’entendez-vous par là, monsieur Poirot ? » demanda Lydia.
Vivement, Hercule Poirot se tourna vers elle.
« Madame, votre mari vient de dire que Mr. Farr se retira parce qu’il comprenait qu’ils voulaient discuter affaires, mais ce n’était pas un conseil de famille puisque Mr. David et Mr. George étaient absents. Ce n’était donc qu’une discussion entre deux membres de la famille. »
Lydia lui expliqua :
« Mon beau-frère, Harry, avait vécu à l’étranger pendant de nombreuses années. Il était tout naturel que lui et mon mari aient à parler de certaines questions.
— Oui, je comprends. C’est bien ce que je dis. »
Elle lui lança un regard inquiet, puis détourna les yeux.
Johnson observa :
« Ce point semble réglé. Avez-vous remarqué quelqu’un d’autre lorsque vous vous êtes précipité vers la chambre de votre père ?
— Je… Oui… Nous arrivions tous… de différentes directions. Mais je n’ai remarqué personne en particulier… J’étais tellement bouleversé… Ce cri affreux… »
Le colonel Johnson passa vivement à un autre sujet :
« Mr. Alfred, votre père, paraît-il, possédait des diamants de grande valeur.
— Oui, en effet.
— Où les rangeait-il ?
— Dans le coffre-fort de sa chambre.
— Pouvez-vous me les décrire ?
— C’étaient des diamants bruts… des pierres non taillées.
— Pourquoi votre père les conservait-il dans sa chambre ?
— Par simple caprice. Il avait rapporté ces diamants de l’Afrique du Sud et, heureux de les avoir en sa possession, ne songeait pas à les faire tailler. Comme je vous le disais, c’était de sa part un simple caprice.
— Je comprends, dit le chef constable, mais son ton indiquait nettement qu’il ne comprenait rien à ce caprice du vieillard.
— Ces pierres étaient-elles de grande valeur ?
— Mon père les estimait à dix mille livres environ.
— De fait, elles représentaient une fortune.
— Oui.
— Cette idée de garder des diamants d’un tel prix dans un coffre de chambre à coucher me paraît bien curieuse, observa le chef constable.
— Mon beau-père, colonel Johnson, était un homme un peu bizarre, expliqua Lydia. Ses goûts n’étaient pas ceux de tout le monde. En réalité, il prenait plaisir à manipuler ces pierres de valeur.
— Elles lui rappelaient peut-être le passé », observa Poirot.
Lydia lui lança un coup d’œil approbateur :
« Oui. C’était sûrement cela.
— Étaient-elles assurées ? demanda le chef constable.
— Je ne crois pas. »
Johnson se pencha en avant et prononça d’une voix calme :
« Savez-vous, Mr. Lee, que ces diamants ont été volés ?
— Comment ? fit Alfred, suffoqué.
— Votre père ne vous a pas parlé de leur disparition ?
— Il ne m’en a pas soufflé mot.
— Vous ne saviez pas qu’il avait fait appeler le chef de police Sugden, ici présent, pour le mettre au courant de ce vol ?
— Je n’en avais pas la moindre idée.
— Et vous, Mrs. Lee ? » demanda le chef constable.
Lydia hocha la tête :
« Je ne suis au courant de rien.
— Et vous étiez sous l’impression que les diamants se trouvaient toujours dans le coffre ?
— Oui. »
Après une courte hésitation, elle demanda :
« Est-ce pour cela que l’on a tué mon beau-père ? Pour s’emparer de ces diamants ?
— C’est ce que nous allons découvrir ! » répondit le colonel Johnson.
Puis, il ajouta :
« Mrs. Lee, avez-vous idée de la personne qui aurait pu commettre ce méfait ?
— Non, répondit-elle en hochant la tête. Je vous assure que tous les domestiques sont honnêtes. En tout cas, il leur eût été difficile de toucher au coffre. Mon beau-père ne quittait jamais sa chambre. Jamais il ne descendait.
— Qui nettoyait cette pièce ?
— Horbury faisait le lit et époussetait. La seconde femme de chambre montait pour nettoyer la grille du foyer et allumer le feu chaque matin. Horbury se chargeait du reste.
— Ainsi, Horbury aurait eu le plus de facilité pour s’approcher du coffre, observa Poirot.
— Oui.
— Croyez-vous que ce soit lui qui ait dérobé les diamants ?
— C’est possible… il était mieux placé qu’aucun des autres. Oh ! je ne sais plus que croire ! »
Le colonel Johnson dit à Mrs. Lee :
« Votre mari vient de nous dire l’emploi de sa soirée. Voulez-vous en faire autant, madame ? Quand avez-vous vu votre beau-père pour la dernière fois ?
— Nous sommes tous montés dans sa chambre avant le thé. C’est la dernière fois que je l’ai vu vivant.
— Vous n’êtes pas montée plus tard dans la soirée pour lui dire bonne nuit ?
— Non. »
Poirot demanda :
« Aviez-vous l’habitude d’aller lui souhaiter bonne nuit ?
— Non », répondit sèchement Lydia.
Le chef constable reprit :
« Où vous trouviez-vous au moment du crime ?
— J’étais au salon.
— Avez-vous entendu le bruit de la lutte ?
— Je crois avoir entendu tomber quelque chose de lourd. Comme la chambre de mon beau-père se trouve située au-dessus de la salle à manger et non au-dessus du salon, le bruit m’est parvenu un peu assourdi.
— Mais avez-vous perçu le cri ? »
Lydia frémit :
« Ah ! oui. Je l’ai bien entendu… C’était affreux… on eût dit le gémissement d’un damné. Tout de suite, j’ai compris qu’il se passait une chose terrible. Je suis sortie précipitamment du salon et j’ai suivi mon mari et Harry dans l’escalier.
— Qui se trouvait avec vous dans le salon à cet instant ? »
Lydia fronça le sourcil.
« Ma foi… je ne puis m’en souvenir. David était dans la pièce à côté et jouait du piano. Hilda était allée le rejoindre.
— Et les deux autres dames ? Où étaient-elles ? »
Lentement, Lydia répondit :
« Magdalene était allée téléphoner. Je ne sais si elle était revenue au salon. Et je ne puis dire où se trouvait Pilar. »
Doucement, Poirot observa :
« En réalité, vous auriez pu vous trouver seule dans ce salon ?
— Oui… oui… de fait, je crois que j’étais seule.
— À propos de ces diamants, dit le colonel Johnson, nous ferions bien de nous assurer de leur disparition. Connaissez-vous la façon d’ouvrir le coffre-fort de votre père, Mr. Lee ? Il paraît être d’un modèle ancien.
— Le chiffre de la combinaison est écrit dans un petit carnet que mon père portait dans la poche de sa robe de chambre.
— Bon. Nous allons le chercher… Auparavant, il serait bon que nous interrogions les autres membres de la famille. Les dames désirent peut-être aller se coucher ? »
Lydia se leva.
« Sortons, Alfred. » Puis, se tournant vers les policiers, elle ajouta : « Voulez-vous que je fasse venir les autres ?
— Si cela ne vous dérange pas, Mrs. Lee, mais seulement un à un.
— Certainement. »
Elle se dirigea vers la porte, suivie d’Alfred. Au moment de franchir le seuil, il se retourna brusquement.
« J’y suis ! » fit-il.
D’un pas vif, il alla vers Poirot.
« Vous êtes Hercule Poirot ! Où avais-je donc l’esprit ? J’aurais dû tout de suite vous remettre. »
Il ajouta d’un air agité :
« C’est la Providence qui vous envoie, monsieur Poirot ! Il faut absolument que vous découvriez la vérité. Ne reculez devant aucun frais. C’est moi qui réglerai tout. Mais de grâce, découvrez l’assassin de mon pauvre père… On l’a tué avec une telle brutalité ! Monsieur Poirot, je veux que mon père soit vengé ! »
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