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Frédéric Dard: Maman, les petits bateaux…

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Frédéric Dard Maman, les petits bateaux…

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On t'a déjà mené en bateau, non ? Donc tu as le pied marin, si tu n'as pas l'air malin. Alors, mets ton béret à pompon et embarque, matelot ! Grimpe avec Béru et moi sur le Thermos pour une croisière very délectable. Tu trouveras à bord des sirènes très sublimes, avec une proue qui n'a pas besoin de soutiens-loloches et une poupe que tu peux déguster à la cuiller. Y a du champagne, du punch, de la vodka et du caviar… Et des bombes en guise de dessert. Très glacées, tu verras. Avec elles, t'es sûr de faire un boum… C'est les requins qui vont être contents ! Et si tu as envie de la quille, ben, sers-toi. Avant qu'elle coule.

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— Merveilleux.

Voilà, on s’est balancé l’essentiel. Maintenant, s’agit de passer à l’action. Ne jamais laisser chômer la situation, mon pote.

Surtout qu’elle dégage des effluves de femelle, la Yuchi, qui me portent à l’incandescence. Bien qu’elle ne ressemble pas à un Botticelli, je suis d’humeur à lui organiser sa fête de l’humanité. J’ai du trémolo dans l’épicentre. Je trémulse du Stromboli.

— Je ne me doutais pas que je visiterais Palerme auprès d’une aussi ravissante personne, fais-je, comme un qui réciterait du Verlaine à la soirée des poètes de Sainte-Paluche.

Et, joignant le geste à la jactance, je lui saisis la menotte. Elle a les mains fraîches. La peau lisse. Le baiser qui s’ensuit a un goût de framboises. Une technicienne éprouvée, Yuchi.

La menteuse agile, l’autonomie respiratoire, le mouvement pompant des labiales, tout est absolument au point. Reste plus qu’à passer dans mon atelier. Moi, à cet instant, tu sais ce que je pense ? Qu’au grand jamais, j’ai limé dans une calèche. Et illico je décide de pallier cette carence, comme on dit puis dans les trucs bien foutus. Tu parles : les cahots, les tintinnabulements des sonnailles, faut les mettre à profit.

V’là que j’y vais à la paluchette grimpante. Le slip qu’elle m’objecte, c’est un symbole ; pas plus résistant qu’un symbole. Une fois sa petite ligne Siegfried franchie, je me disperse dans ses marécages. Elle n’attendait que mes privautés, la mignonne. L’état (de siège) qu’elle se trouve prouve même l’urgence de mon intervention ; la manière dont je suis le bienvenu. Celui qui voudrait lui faire seulement un doigt de cour aurait le bonjour. C’est une main de cour, qu’elle nécessite, cette avide. Et de la dextre bien solide, espère, pas du tout de la menotte de pianiste ; une toute belle pogne ultra virile, décidée, qui ne s’en laisse pas compter et qui sait se risquer dans les dérapages contrôlés. Faut voir comme elle vibre. Charogne, je m’en vais finir manchot, pour peu qu’elle accentue du casse-noix. Elle a le frifri sectionneur, cette gosse. Tout en pâmant, elle me déballe le bigornuche. On continue de défiler devant des populations faubouriennes qui nous regardent passer en éberluant. Quand elle me déballe le goulache, y’a des mamans qui se signent et tombent à genoux sur le trottoir. D’autres qui mettent leur tablier sur la tête de leurs filles. Car la capote, tu comprends, nous garantit juste du soleil. Latéralement, on est exposés comme dans une vitrine. La môme Yuchi, devant une aussi appétissante amanite, elle peut pas résister.

Faut qu’elle goûte. La v’là qui se met à m’interpréter un inoubliable solo de clarinette à coulisse. Le cocher se retourne. Ses chicots jaunes se mettent à briller dans les pénombres de son clapoir. Si-dé-ré, il est, le pauvre homme. Des clients qui se mignardent dans son carrosse, il en a vu des chiées, tu penses ; mais des qui se sonnent de l’olifant, commako, en plein jour, ça ne lui était pas encore arrivé.

Pour lui désendolorir l’offuscade, je m’empresse de lui brandir un billet de dix raides, et puis un second.

Il happe le tout.

Avec la main, je lui fais signe de poursuivre sa déambulation.

Les Ritals, pas besoin de leur faire des dessins. Ils pigent en catastrophe, tout bien, comme ça doit être pigé, interprété et autres… Sec, le bonhomme enquille une ruelle déserte. On la chemine doucettement le long d’un grand mur de terre jaune qui digue digue du fait. J’ai idée qu’on va être bien pour continuer nos prouesses, la Yuchi et moi. N’était que temps, mon frère. La v’là qui me grimpe à califourchon, m’entoure la membrane, me cigogne. Oh, la démone ! Oh, voyouze friponne ! Salingue gonzesse au derrière de feu et flammes ! Oh, l’absorbeuse de dressures vibrantes ! Oh, l’engloutisseuse de chibroques ! Oh, l’ardente culasse ! Oh, la dévoreuse de substances ! Oh, l’homophage en folie. Et pauvre chère calèche. Qui tangue, qui frémit, perdue dans les tempêtes culières. Qui dodeline à mort. Qui craque, et geint, et vagin. Se fissure. S’abîme… S’affaisse… Sa fesse…

On ne peut plus durer dans la position que moi assis. Nous faut un vrai franc support. Les mobiles, ça ne peut pas faire l’amour, que leur équilibre est trop instable pour être honnête, crénondegu !

Nous faut une base authentique. Impossible, une pareille frénésie, de se cramponner davantage à l’air du temps. Baiser dans le dérisoire, c’est pas durable. Alors je la bascule sur le plancher de la calèche. Elle a un pied sur la banquette, un autre sur le support de la lanterne. Et mézigue pâteux, j’active superbement. Tu me verrais. Même de dos… La superbeté de l’homme. Son élan planisseur. Sa fougue magistrale. Rrran, rrran ! Et re-rrrran ! La vacca, ce damage éblouissant. Je te jure, ça te clouerait d’admiration, d’émotion, d’épate. Tu te demanderais le comment t’est-ce ça peut exister un lonchage tellement bien wagnérien. Aussi âpre. Tout en fuliginant dans les farouches voluptés, je me demande, la calèche, si elle résistera jusqu’au bout. Supportera mon démenage. Je la sens qui avance en faisant des « 8 » avec ses roues. J’ai peur que ses roues pètent, comme on rigolait puis du temps de mon entrée en 6 e. La v’là qui boite bas, cette garce. Prend de plus en plus de gîte. Elle embarde dangereusement. Pour l’instant, ça ne fait que nous accroître et embellir la félicité. On a des coups de reins imprévus, tu piges ? Des secousses au dépourvu. De quoi te démunir les burnes à l’improviste.

À présent, Yuchi a noué serré ses jambes dans mon dos. Elle me talonne les rognons. Je sprinte pour la première place. Personne m’a joué gagnant, ici ? Bande d’œufs !… Je me détache nettement, prends le meilleur (tu parles !), conserve mon avance, fais un déboulé terrible dans la ligne droite, et franchis le poteau en grand vainqueur. La gosse est anéantie.

Je récupère mes esprits, lui prends congé péniblement.

À genoux entre ses jambes, je me désenchante doucement le sensoriel en matant sa crinière flétrie par l’étreinte et qui ne m’inspire plus rien, si ce n’est une vague sympathie.

Elle a un sourire reconnaissant, Yuchi.

— Magnifique ! elle me décerne.

Toujours avec cet accent teuton qu’elle s’est servie pour, pendant la tringlée, me crier des pâmades sur un ton de peloton d’exécution.

Moi, je redresse la tête pour m’hisser hors de son espace bital. Chercher ce point qui a tant fait défaut à Atlas. Et j’aperçois les premiers dégâts : la capote fendue comme une culotte d’obèse qui vient de trouver cent francs. Dans le sens de la largeur. Un monstre accroc. Un qui va y aller au renaud et m’éponger un maximum de lires, c’est le mister cocher. Je lui file un coup de périscope, manière de vérifier son attitude à la suite de nos ébats. Malgré son âge avancé, ça a dû le passionner, et il aura des retintons en rentrant chez sa vieille, papa Ben Hur. Il va lui célébrer le poilu inconnu, crois-moi.

Eh ben non, camarade.

Le cocher est presque à la renverse, au-dessus du siège annexe. Le sang dégouline de son dos comme la flotte d’un tuyau d’arrosage percé en maints endroits. Pour le coup, je comprends des trucs qui ne m’étaient pas encore venus à l’esprit.

La déchirure de la capote ? Une rafale de mitraillette.

Elle nous était probablement destinée, à Yuchi et à moi. À moins qu’elle le fût seulement à l’un de nous deux. L’arme comportait nécessairement un silencieux, car je n’ai rien entendu.

Toujours est-il que ma partenaire et moi-même avons été sauvés par nos ardeurs. Si nous ne nous étions pas trouvés sur le plancher de la calèche, on était cisaillés.

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