Vers la fin du XIIe siècle, cependant, les serruriers cherchèrent, parfois, d'autres combinaisons que celles données par des enroulements de brindilles compris entre des montants et des traverses: ils assemblèrent ensemble, avec beaucoup d'adresse, des panneaux d'ornements formant, par leur réunion, de grands dessins. Cela toutefois ne fut guère employé que pour des clôtures délicates et composées de fers très-minces. M. Didron possède une très-jolie grille de ce genre, qui a été gravée dans les Annales archéologiques 17 17 T. X, p, 117.
, et qui appartient certainement à la serrurerie si remarquable de la fin du XIIe siècle et du commencement du XIIIe. Ces grilles, composées de brindilles enroulées et seulement ornées de quelques coups de poinçons ou de gravures, semblèrent trop pauvres aux forgerons du XIIe siècle, lorsqu'il fallut entourer des sanctuaires, fermer certaines parties importantes des édifices religieux ou civils; bientôt ils terminèrent ces brindilles par des ornements enlevés à chaud au moyen d'une étampe ou matrice de fer trempé. C'est ainsi que sont fabriquées les belles grilles dont nous voyons encore quelques débris dans l'église abbatiale de Saint-Denis, et dont nous donnons ici un spécimen (6).
Ces grilles, qui datent de la fin du XIIe siècle, sont forgées avec une rare perfection, et il semble qu'entre les mains de l'ouvrier le fer avait acquis la malléabilité du plomb. Les ornements ne sont étampés que sur une face. Notre figure est au quart de l'exécution; en A, nous avons tracé la section d'une des brindilles, moitié d'exécution. L'abbé Suger avait fait faire pour son église des grilles en cuivre fondu, ainsi que le constatent les auteurs contemporains et Dom Doublet qui les avait vues; elles ont été détruites au commencement du dernier siècle. On observera que le système de grilles en fer composées de panneaux d'ornements compris entre des montants et traverses offrait en même temps beaucoup de solidité et de légèreté; ces panneaux pouvaient être facilement montés, démontés ou réparés, riches ou simples, très-fournis ou grêles. Il arrivait que ces panneaux étaient parfois embrevés entre des montants munis de plaques de fer débordant leur largeur et formant ainsi une suite de rainures. Beaucoup de sanctuaires d'églises étaient fermés par des grilles ainsi combinées; nous en trouvons encore un assez bel exemple dans le choeur de l'église abbatiale de Saint-Germer 18 18 Voy. l' Encyclopédie d'architecture . Bance, éditeur.
, et, de tous côtés, des débris qui nous font assez voir que leur emploi était fréquent, que ces sortes d'ouvrages n'étaient point très-rares, et que les forgerons les façonnaient sans difficulté. Des armoires contenant des objets précieux, des tombeaux, des châsses, étaient entourés parfois de grilles d'une extrême richesse, surtout à l'époque où l'art du forgeron nous fournit les plus beaux exemples de serrurerie, nous voulons parler du XIIIe siècle (voy. SERRURERIE). Ces sortes de grilles ne sont décorées que du côté de la face extérieure, et les brindilles, au lieu d'être comprises entre des montants et des traverses, sont souvent appliquées devant l'armature principale. Telle est, par exemple, la belle grille en fer qui protége le tombeau de la reine Eléonor dans le choeur de l'église abbatiale de Westminster. Nous possédons aussi, dans les magasins de l'église impériale de Saint-Denis, des fragments de grilles forgées et assemblées suivant cette méthode (6 bis), qui avait l'avantage de roidir singulièrement les châssis simples composés de montants et de traverses. Ces enroulements de brindilles finement forgées, étampées et retouchées au burin, rivées sur des châssis en fer, leur donnaient une grande richesse en même temps qu'une solidité à toute épreuve.
Les grilles de défense des trésors, des sanctuaires, des riches tombeaux, de précieux reliquaires, présentent non-seulement un obstacle aux voleurs ou aux indiscrets, mais elles sont aussi parfois armées de pointes et de chardons qui en rendent l'escalade périlleuse: telle est la grille du sanctuaire de l'église de Conques (Aveyron), dont nous donnons (6 ter) un fragment.
Cette grille, qui n'a que 1m,40 de hauteur, non compris les couronnements, présente extérieurement, au droit de chaque montant, un appendice saillant qui ôte toute idée de tenter une escalade; de plus, les montants eux-mêmes sont munis de fers pointus, barbelés, forgés avec soin. Les appendices A se terminent par de petites têtes de dragons qui semblent être les gardiens du sanctuaire. Cette grille curieuse est décrite et dessinée en géométral dans le tome Xl des Annales archéologiques de M. Didron; elle nous paraît appartenir à la fin du XIIe siècle ou au commencement du XIIIe.
Avant de présenter des modèles de grilles de clôture d'une époque plus récente, il est nécessaire de dire quelques mots des grilles dormantes et de garde scellées dans les baies vitrées, et servant à la fois de grillage et de défense. Les fenêtres de trésors d'églises, de rez-de-chaussée, de baies de châteaux, étaient souvent munies de ces sortes de grilles artistement travaillées. Nous voyons encore, à l'extérieur des baies romanes de l'église de la Brède (Gironde), des grilles du XIIe siècle, intéressantes à étudier. Leur fabrication est très-naïve, et cependant elles produisent un fort bon effet. Ces fenêtres romanes n'ont pas plus de 0,26 c. de largeur sur une hauteur de 0,90 c.
La défense (7) consiste en une seule barre verticale de fer carré de 0,03 c., avec traverses A fichées comme des clavettes à travers des renflements de la barre verticale. Ces traverses sont aplaties, 0,02 c. sur 0,007m. Des enroulements en fer plat de 0,03 c. sur 0,004m sont également traversés et maintenus, par conséquent, au moyen des traverses-clavettes A. La tige verticale est affûtée à sa partie supérieure pour entrer dans un trou pratiqué dans la clef de l'arc, et façonnée en queue de carpe à sa partie inférieure pour fournir un bon scellement. Ici donc pas de soudures, seulement de petites pièces de forge assemblées de la manière la plus naturelle. Nous avons vu aussi de ces sortes de grilles de défense posées devant des fenêtres du XIIIe siècle, et qui se composent de barres verticales en fer plat de 0,035m sur 0,02 c., avec clavettes rivées en croix, ainsi que l'indique la fig. 8 19 19 Maison à Saint-Antonin (Tarn-et-Garonne).
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Le rivet est carré afin d'empêcher les clavettes A de tourner. Il nous faut mentionner ici encore une fort belle grille dormante de défense trouvée à Agen, rue Saint-Antoine 20 20 Par M. Alaux, architecte. Cette grille, ou plutôt ce fragment de grille, est disposé aujourd'hui sous le cintre d'une porte d'habitation dont la construction remonte à une époque assez récente. Le centre de la grille n'existe plus, nous le supposons rétabli.
. Elle remplit aujourd'hui un cintre complet de 1m,60 de diamètre, et devait, pensons-nous, garnir une rose. Six panneaux, disposés en claveaux, composent le demi-cintre, et sont maintenus au moyen de deux demi-cercles et de sept barres rayonnantes (9). Nous donnons, en A, le détail de la pièce principale de l'un de ces panneaux formés de brindilles en fer carré de 0,008m, soudées au moyen d'embases B, suivant la méthode employée par les forgerons des XIIIe et XIVe siècles (voy. SERRURERIE).
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