Chuck Palahniuk - Fight Club
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La pluie tombait lorsque je me suis réveillé pour prendre ma correspondance à Stapleton.
La pluie tombait lorsque je me suis réveillé pendant l’approche finale qui me ramenait à la maison.
Une annonce nous a été faite spécifiant de bien vouloir profiter de cette occasion pour inspecter nos sièges et alentour dans l’éventualité où nous aurions pu y laisser des effets personnels. Puis l’annonce a cité mon nom. Aurais-je l’amabilité de bien vouloir retrouver un représentant de la compagnie aérienne qui m’attendrait à la porte...
J’ai reculé ma montre de trois heures, et il était toujours minuit passé.
Il y avait bien un représentant de la compagnie aérienne à la porte, et il y avait le mec des forces de sécurité pour dire : ha, votre rasoir électrique a bloqué vos bagages enregistrés à Dulles. Le mec des forces de sécurité a appelé les bagagistes les Jeteurs. Puis il les a appelés les Dérampeurs. Pour me prouver que les choses auraient pu être pires, le mec m’a dit qu’au moins il ne s’agissait pas d’un godemiché. Puis, peut-être parce que je suis un mec et que lui est un mec et qu’il est une heure du matin, peut-être pour me faire rire, le mec a dit qu’en jargon professionnel, une hôtesse se disait Serveuse de l’Espace. Ou Matelas Gonflable. Apparemment le mec avait revêtu un uniforme de pilote, chemise blanche avec petites épaulettes et cravate bleue. Mes bagages avaient été contrôlés, déclarés inoffensifs, dit-il, et arriveraient le lendemain.
Le mec de la sécurité m’a demandé mes nom, adresse et numéro de téléphone, et ensuite, il m’a demandé quelle était la différence entre une capote et un cockpit.
— On ne peut mettre qu’une seule tête de nœud dans une capote, dit-il.
J’ai pris un taxi et je suis rentré tard chez moi. C’était mes dix derniers dollars.
La police locale avait posé beaucoup de questions, qui plus est.
Mon rasoir électrique, qui n’était pas une bombe, était toujours à trois fuseaux horaires derrière moi.
Quelque chose qui était une bombe, une grosse bombe, avait fait voler en éclats mes tables basses Njurunda si bien conçues, en forme d’un yin couleur citron vert et d’un yang orange s’emboîtant pour former un cercle. Eh bien, maintenant, elles n’étaient plus que des éclats dispersés.
Ma série de fauteuils-canapés Haparanda, avec leurs housses amovibles orange, conception Erika Pekkari, elle était bonne pour la poubelle, maintenant.
Et je n’étais pas le seul de mon espèce à être esclave de mes instincts d’oiseau nicheur. Les gens que je connais qui s’installaient aux toilettes avec des revues porno, eh bien, aujourd’hui, ils s’installent aux toilettes en compagnie de leur catalogue de meubles Ikea.
Nous avons tous le même fauteuil Johanneshov à rayures vertes Strinne. Le mien a dégringolé de quatorze étages, en flammes, pour tomber dans une fontaine.
Nous avons tous les mêmes lampes en papier Rislampa/Har fabriquées en fil métallique et papier non blanchi inoffensif pour l’environnement. Les miennes sont des confettis.
Tout ce temps passé, assis dans les toilettes.
Le service de couverts Aile. Acier inoxydable. Lavable en lave-vaisselle.
L’horloge murale Vild en fer galvanisé, oh, il fallait absolument que je l’aie.
Les étagères de rangement Klipsk, oh, ouais.
Les boîtes à chapeau Hemlig. Oui.
La rue devant ma tour étincelait des débris de tout ça jonchant le sol.
La parure de lit avec couette Mommala. Conception Tomas Harila et disponible dans les coloris suivants :
Orchidée.
Fuchsia.
Cobalt.
Ébène. Noir de jais.
Coquille-d’œuf ou bruyère. Il m’a fallu une vie entière pour acheter tous ces trucs.
La structure laquée d’entretien facile de mes tables d’appoint Kalix.
Mes tables-gigognes Steg.
On achète des meubles. On se dit : ce sera le dernier canapé dont j’aurai jamais besoin de toute mon existence. On achète le canapé, et pendant quelques années on se satisfait du fait que, quoi qui puisse arriver, au moins on a réglé le problème du canapé. Et ensuite le bon service de table. Ensuite le lit parfait. Les rideaux. Le tapis.
Ensuite, on se trouve pris au piège de son adorable nid d’amour, et les choses qu’on possédait, ce sont elles qui vous possèdent maintenant.
Jusqu’à ce que je rentre de l’aéroport et retrouve la maison.
Le portier sort de l’ombre pour dire :
Il y a eu un accident. La police, elle est venue ici et elle a posé beaucoup de questions.
La police pense peut-être que c’était le gaz. Peut-être que la veilleuse du réchaud s’était éteinte ou qu’un brûleur était resté ouvert, libérant son gaz, et le gaz s’était élevé jusqu’au plafond, et le gaz avait rempli l’appart du sol au plafond dans chaque pièce. L’appart faisait cent soixante mètres carrés de surface avec hauts plafonds et des jours et des jours durant, le gaz a dû fuir jusqu’à remplir complètement toutes les pièces. Une fois les pièces pleines du sol au plafond, le compresseur à la base du réfrigérateur s’est déclenché.
Détonation.
Les fenêtres sol-plafond dans leurs cadres d’aluminium ont volé au-dehors, et donc les canapés, les lampes, la vaisselle, et les parures de lit en flammes, et les annuaires de lycée et les diplômes et le téléphone. Tout a explosé, jaillissant comme une éruption du quatorzième étage en une sorte de geyser solaire.
Oh, pas mon réfrigérateur. J’avais collectionné des étagères pleines de moutardes différentes, certaines moulues à la meule de pierre, d’autres style pub anglais. Il y avait quatorze parfums différents de sauces salade sans matière grasse, et sept variétés de câpres.
Je sais, je sais, une maison pleine de condiments et pas de véritable nourriture.
Le portier s’est mouché et quelque chose s’est collé à son mouchoir avec le claquement sonore d’une balle dans le gant d’un receveur.
Vous pouvez monter jusqu’au quatorzième étage, a dit le portier, mais personne ne pouvait pénétrer dans l’appartement. Ordre de la police. La police avait demandé, avais-je une ancienne petite amie qui aurait voulu faire cela ou m’étais-je fait un ennemi de quelqu’un qui aurait accès à la dynamite ?
— Ça ne vaut pas la peine de monter, a dit le portier. Tout ce qui reste, c’est la coquille en béton.
La police n’avait pas éliminé l’incendie criminel. Personne n’avait senti d’odeur de gaz. Le portier hausse un sourcil. Ce mec passait son temps à flirter avec les bonnes et les infirmières de jour qui travaillaient dans les grands appartements du dernier étage et attendaient dans les fauteuils de la réception qu’on vînt les raccompagner après le travail. Trois ans que j’habitais là, et le portier était toujours assis à lire son Ellery Queen Magazine tous les soirs pendant que je changeais paquets et bagages de main afin de déverrouiller la porte pour pouvoir entrer.
Le portier hausse un sourcil et raconte qu’il y a des gens, ils partent pour un long voyage et laissent une bougie, une longue, longue bougie, à se consumer au milieu d’une grosse flaque d’essence. Les gens qui ont des difficultés financières font ce genre de truc. Les gens qui veulent se sortir de la panade.
J’ai demandé à utiliser le téléphone de la réception.
— Des tas de jeunes essaient d’impressionner le monde et achètent bien trop de choses, a dit le portier.
J’ai appelé Tyler.
Le téléphone a sonné dans la maison de location de Tyler sur Paper Street.
Oh, Tyler, s’il te plaît, délivre-moi. Et le téléphone a sonné.
Le portier s’est penché au creux de mon épaule et il a dit :
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