[11]Cet ouvrage est justement le Peregrino ou l’ Isidro de Lope de Vega, terminés l’un et l’autre par une table alphabétique des auteurs cités, et qui contient, dans le dernier de ces poëmes, jusqu’à cent cinquante-cinq noms. Un autre Espagnol, don José Pellicer de Salas, fit bien mieux encore dans la suite. Son livre, intitulé Lecciones solemnes a las obras de Don Luis de Gongora (1630), est précédé d’un index des écrivains cités par lui, par ordre alphabétique, et divisés en 74 classes, 2165 articles.
[12]Il y a dans le texte duelos y quebrantos; littéralement des deuils et des brisures. Les traducteurs, ne comprenant point ces mots, ont tous mis, les uns après les autres, des œufs au lard à la manière d’Espagne. En voici l’explication: il était d’usage, dans les bourgs de la Manche, que, chaque semaine, les bergers vinssent rendre compte à leurs maîtres de l’état de leurs troupeaux. Ils apportaient les pièces de bétail qui étaient mortes dans l’intervalle, et dont la chair désossée était employée en salaisons. Des abatis et des os brisés se faisait le pot-au-feu les samedis, car c’était alors la seule viande dont l’usage fût permis ce jour-là, par dispense, dans le royaume de Castille, depuis la bataille de Las Navas (1212) . On conçoit comment, de son origine et de sa forme, ce mets avait pris le nom de duelos y quebrantos.
[13]Voici le titre littéral de ces livres: La Chronique des très-vaillants chevaliers don Florisel de Niquéa, et le vigoureux Anaxartes, corrigée du style antique, selon que l’écrivit Zirphéa, reine d’Agines, par le noble chevalier Feliciano de Silva. – Saragosse, 1584. Par une rencontre singulière, cette Chronique était dédiée à un duc de Bejar, bisaïeul de celui à qui Cervantès dédia son Don Quichotte.
[14]«Que j’achève par des inventions une histoire si estimée, ce serait une offense. Aussi la laisserai-je en cette partie, donnant licence à quiconque au pouvoir duquel l’autre partie tomberait, de la joindre à celle-ci, car j’ai grand désir de la voir.» (Bélianis, livre VI, chap. LXXV.)
[15]Gradué à Sigüenza est une ironie. Du temps de Cervantès, on se moquait beaucoup des petites universités et de leurs élèves. Cristoval Suarez de Figueroa, dans son livre intitulé el Pasagero, fait dire à un maître d’école: «Pour ce qui est des degrés, tu trouveras bien quelque université champêtre, où ils disent d’une voix unanime: Accipiamus pecuniam, et mittamus asinum in patriam suam (Prenons l’argent, et renvoyons l’âne dans son pays).»
[16]«Ô bastard! répliqua Renaud à Roland, qui lui reprochait ses vols, ô fils de méchante femelle! tu mens en tout ce que tu as dit; car voler les païens d’Espagne ce n’est pas voler. Et moi seul, en dépit de quarante mille Mores et plus, je leur ai pris un Mahomet d’or, dont j’avais besoin pour payer mes soldats.» (Miroir de chevalerie, partie I, chap. XLVI.)
[17]Ou Galadon, l’un des douze pairs de Charlemagne, surnommé le Traître, pour avoir livré l’armée chrétienne aux Sarrasins, dans la gorge de Roncevaux.
[18]Pietro Gonéla était le bouffon du duc Borso de Ferrare, qui vivait au quinzième siècle. Luigi Domenichi a fait un recueil de ses pasquinades. Un jour, ayant gagé que son cheval, vieux et étique, sauterait plus haut que celui de son maître, il le fit jeter du haut d’un balcon, et gagna le pari. – La citation latine est empruntée à Plaute (Aulularia, acte III, scène VI).
[19]Ce nom est un composé et un augmentatif de rocin, petit cheval, bidet, haridelle. Cervantès a voulu faire, en outre, un jeu de mots. Le cheval qui était rosse auparavant (rocin-antes) est devenu la première rosse (ante-rocin).
[20] Quixote signifie cuissard, armure de la cuisse; quixada, mâchoire, et quesada, tarte au fromage. Cervantès a choisi pour le nom de son héros cette pièce de l’armure, parce que la terminaison ote désigne ordinairement en espagnol des choses ridicules.
[21]Quelquefois, en recevant la confirmation, on change le nom donné au baptême.
[22]Allusion à un passage d’ Amadis, lorsque Oriane lui ordonne de ne plus se présenter devant elle. (Livre II, chap. XLIV.)
[23]En Espagne, on appelle port, puerto, un col, un passage dans les montagnes.
[24]Je conserve, faute d’autre, le mot consacré d’hôtellerie; mais il traduit bien mal celui de venta. On appelle ainsi ces misérables auberges isolées qui servent de station entre les bourgs trop éloignés, et dans lesquelles on ne trouve guère d’autre gîte qu’une écurie, d’autres provisions que de l’orge pour les mulets.
[25]Vers d’un ancien romance:
Mis arreos son las armas, Mi descanso el pelear.
(Canc. de Rom.)
[26]Il y a ici un double jeu de mots: Castellano signifie également châtelain et Castillan; mais Cervantès emploie l’expression de sano de Castilla, qui, dans l’argot de prison, signifie un voleur déguisé.
[27]C’est la continuation du romance cité par don Quichotte:
Mi cama las duras peñas,
Mi dormir siempre velar.
[28]L’hôtelier trace ici une espèce de carte géographique des quartiers connus pour être exploités de préférence par les vagabonds et les voleurs.
[29]Il doit paraître étrange qu’un laboureur porte une lance avec lui. Mais c’était alors l’usage, chez toutes les classes d’Espagnols, d’être armés partout de l’épée ou de la lance et du bouclier, comme aujourd’hui de porter une escopette. Dans le Dialogue des chiens Scipion et Berganza, Cervantès fait mention d’un bourgeois de campagne qui allait voir ses brebis dans les champs, monté sur une jument à l’écuyère, avec la lance et le bouclier, si bien qu’il semblait plutôt un cavalier garde-côte qu’un seigneur de troupeaux.
[30]Ce romance, en trois parties, dont l’auteur est inconnu, se trouve dans le Cancionero, imprimé à Anvers en 1555. On y rapporte que Charlot (Carloto), fils de Charlemagne, attira Baudouin dans le bocage de malheur (la foresta sin ventura), avec le dessein de lui ôter la vie et d’épouser sa veuve. Il lui fit, en effet, vingt-deux blessures mortelles, et le laissa sur la place. Le marquis de Mantoue, son oncle, qui chassait dans les environs, entendit les plaintes du blessé, et le reconnut. Il envoya une ambassade à Paris pour demander justice à l’empereur, et Charlemagne fit décapiter son fils.
[31] Les Neuf de la Renommée (los Nueve de la Fama) sont trois Hébreux, Josué, David et Judas Machabée; trois gentils, Hector, Alexandre et César; et trois chrétiens, Arthur, Charlemagne et Godefroi de Bouillon.
[32]C’est Alquife, mari d’Urgande la Déconnue, qui écrivit la Chronique d’Amadis de Grèce. La nièce de don Quichotte estropie son nom.
[33]On ne sait pas précisément ni quel fut l’auteur primitif d’ Amadis de Gaule, ni même en quel pays parut originairement ce livre célèbre. À coup sûr, ce n’est point en Espagne. Les uns disent qu’il venait de Flandre; d’autres, de France; d’autres, de Portugal. Cette dernière opinion paraît la plus fondée. On peut croire, jusqu’à preuve contraire, que l’auteur original de l’ Amadis est le Portugais Vasco de Lobeira, qui vivait, selon Nicolas Antonio, sous le roi Denis (Dionis), à la fin du treizième siècle, et, selon Clemencin, sous le roi Jean I er, à la fin du quatorzième. Des versions espagnoles circulèrent d’abord par fragments; sur ces fragments manuscrits se firent les éditions partielles du quinzième siècle, et l’arrangeur Garcia Ordoñez de Montalvo forma, en les compilant, son édition complète de 1525. D’Herberay donna, en 1540, une traduction française de l’ Amadis, fort goûtée en son temps, mais oubliée depuis l’imitation libre du comte de Tressan, que tout le monde connaît.
Читать дальше