Octave Mirbeau - Le journal d’une femme de chambre

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Le journal d’une femme de chambre: краткое содержание, описание и аннотация

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Célestine entre dans sa nouvelle place de femme de chambre, en province, au service de M. et Mme Lanlaire et aux côtés de la cuisinière Marianne et du palefrenier Joseph. Elle se souvient de ses anciens maîtres, comme ce vieillard fasciné par les bottines, ou cette vieille femme qui va s'encanailler, ou encore cette épouse qui attend chaque nuit d'être honorée par son mari. Célestine est mise au courant de tous les ragots de la ville par les autres servantes: Madame est une femme acariâtre et Monsieur, coureur de jupons, se laisse dominer par elle. Leurs voisins – un vieux capitaine et sa servante, Rose, qui lui sert de maîtresse – les détestent. À la nouvelle de la mort de sa mère, Célestine se remémore son enfance et sa première expérience amoureuse. Monsieur entreprend Célestine, qui le repousse…

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– Eh bien… à dimanche, père Pantois.

– À dimanche, monsieur Lanlaire…

– Et portez-vous bien, père Pantois…

– Vous, de même, monsieur Lanlaire…

– Et trente francs… Je ne m’en dédis pas…

– Vous êtes ben honnête…

Et le vieux, tremblant sur ses jambes, le dos courbé, s’en alla et se fondit dans la nuit du jardin…

Pauvre Monsieur!… il a dû recevoir sa semonce… Et quant au père Pantois, si jamais il touche ses trente francs… eh bien, il aura de la chance…

Je ne veux pas donner raison à Madame… mais je trouve que Monsieur a tort de causer familièrement avec des gens trop au-dessous de lui… Ça n’est pas digne…

Je sais bien qu’il n’a pas la vie drôle, non plus… et qu’il s’en tire comme il peut… Ça n’est pas toujours commode… Quand il rentre tard de la chasse, crotté, mouillé, et chantant pour se donner du courage, Madame le reçoit très mal.

– Ah! c’est gentil de me laisser seule, toute une journée…

– Mais, tu sais bien, mignonne…

– Tais-toi…

Elle le boude des heures et des heures, le front dur… la bouche mauvaise… Lui, la suit partout, tremble, balbutie des excuses…

– Mais, mignonne, tu sais bien…

– Fiche-moi la paix… Tu m’embêtes…

Le lendemain, Monsieur ne sort pas, naturellement, et Madame crie:

– Qu’est-ce que tu fais à tourner ainsi dans la maison, comme une âme en peine?

– Mais, mignonne…

– Tu ferais bien mieux de sortir, d’aller à la chasse… le diable sait où!… Tu m’agaces… tu m’énerves… Va-t-en!…

De telle sorte qu’il ne sait jamais ce qu’il doit faire, s’il doit s’en aller ou rester, être ici ou ailleurs! Problème difficile… Mais, comme dans les deux cas Madame crie, Monsieur a pris le parti de s’en aller le plus souvent possible. De cette façon, il ne l’entend pas crier…

Ah! il fait vraiment pitié!

L’autre matinée, comme j’allais étendre un peu de linge sur la haie, je l’aperçus dans le jardin. Monsieur jardinait… Le vent, ayant pendant la nuit couché par terre quelques dahlias, il les rattachait à leurs tuteurs…

Très souvent, quand il ne sort pas avant le déjeuner, Monsieur jardine; du moins, il fait semblant de s’occuper à n’importe quoi, dans ses plates-bandes… C’est toujours du temps de gagné sur les ennuis de l’intérieur… Pendant ces moments-là, on ne lui fait pas de scènes… Loin de Madame, il n’est plus le même. Sa figure s’éclaire, son œil luit… Son caractère, naturellement gai, reprend le dessus… Vraiment, il n’est pas désagréable… À la maison, par exemple, il ne me parle presque plus et, tout en suivant son idée, semble ne pas faire attention à moi… Mais, dehors, il ne manque jamais de m’adresser un petit mot gentil, après s’être bien assuré, toutefois, que Madame ne peut l’épier… Lorsqu’il n’ose pas me parler, il me regarde… et son regard est plus éloquent que ses paroles… D’ailleurs, je m’amuse à l’exciter de toutes les manières… et, bien que je n’aie pris à son égard aucune résolution, à lui monter la tête sérieusement…

En passant près de lui, dans l’allée où il travaillait, penché sur ses dahlias, des brins de raphia aux dents, je lui dis, sans ralentir le pas:

– Oh! comme Monsieur travaille, ce matin!

– Hé oui! répondit-il… ces sacrés dahlias!… Vous voyez bien…

Il m’invita à m’arrêter un instant.

– Eh bien, Célestine?… J’espère que vous vous habituez ici, maintenant?

Toujours sa manie!… Toujours sa même difficulté d’engager la conversation!… Pour lui faire plaisir, je répliquai en souriant:

– Mais oui, Monsieur… certainement… je m’habitue.

– À la bonne heure… Ça n’est pas malheureux enfin… ça n’est pas malheureux.

Il s’était redressé tout à fait, m’enveloppait d’un regard très tendre, répétait: «Ça n’est pas malheureux», se donnant ainsi le temps de trouver à me dire quelque chose d’ingénieux…

Il retira de ses dents les brins de raphia, les noua au haut du tuteur, et, les jambes écartées, les deux paumes plaquées sur ses hanches, les paupières bridées, les yeux franchement obscènes, il s’écria:

– Je parie, Célestine, que vous avez dû en faire des farces à Paris?… Hein, en avez-vous fait, de ces farces!…

Je ne m’attendais pas à celle-là… Et j’eus une grande envie de rire… Mais je baissai les yeux pudiquement, l’air fâché, et tâchant à rougir, comme il convenait en la circonstance:

– Ah! Monsieur!… fis-je sur un ton de reproche.

– Eh bien quoi?… insista-t-il… Une belle fille comme vous… avec des yeux pareils!… Ah! oui, vous avez dû faire de ces farces!… Et tant mieux… Moi, je suis pour qu’on s’amuse, sapristi!… Moi, je suis pour l’amour, nom d’un chien!…

Monsieur s’animait étrangement. Et sur sa personne robuste, fortement musclée, je reconnaissais les signes les plus évidents de l’exaltation amoureuse. Il s’embrasait… le désir flambait dans ses prunelles… Je crus devoir verser sur tout ce feu une bonne douche d’eau glacée. Je dis, d’un ton très sec, et, en même temps, très noble:

– Monsieur se trompe… Monsieur croit parler à ses autres femmes de chambre… Monsieur doit savoir pourtant que je suis une honnête fille…

Très digne, pour bien marquer à quel point j’avais été offensée de cet outrage, j’ajoutai:

– Monsieur mériterait que j’aille tout de suite me plaindre à Madame…

Et je fis mine de partir… Vivement, Monsieur m’empoigna le bras…

– Non… non!… balbutia-t-il…

Comment ai-je pu dire tout cela, sans pouffer?… Comment ai-je pu renfoncer dans ma gorge le rire qui y sonnait, à pleins grelots?… En vérité, je n’en sais rien…

Monsieur était prodigieusement ridicule… Livide, maintenant, la bouche grande ouverte, une double expression d’embêtement et de peur sur toute sa personne, il demeurait silencieux et se grattait la nuque à petits coups d’ongle.

Près de nous, un vieux poirier tordait sa pyramide de branches, mangées de lichens et de mousses… quelques poires y pendaient à portée de la main… Une pie jacassait, ironiquement, au haut d’un châtaignier voisin… Tapi derrière la bordure de buis, le chat giflait un bourdon… Le silence devenait de plus en plus pénible, pour Monsieur… Enfin, après des efforts presque douloureux, des efforts qui amenaient sur ses lèvres de grotesques grimaces, Monsieur me demanda:

– Aimez-vous les poires, Célestine?

– Oui, Monsieur…

Je ne désarmais pas… je répondais sur un ton d’indifférence hautaine.

Dans la crainte d’être surpris par sa femme, il hésita quelques secondes… Et soudain, comme un enfant maraudeur, il détacha une poire de l’arbre et me la donna… ah! si piteusement!… Ses genoux fléchissaient… sa main tremblait…

– Tenez, Célestine… cachez cela dans votre tablier… On ne vous en donne jamais à la cuisine, n’est-ce pas?…

– Non, Monsieur…

– Eh bien… je vous en donnerai encore… quelquefois… parce que… parce que… je veux que vous soyez heureuse…

La sincérité et l’ardeur de son désir, sa gaucherie, ses gestes maladroits, ses paroles effarées, et aussi sa force de mâle, tout cela m’avait attendrie… J’adoucis un peu mon visage, voilai d’une sorte de sourire la dureté de mon regard, et moitié ironique, moitié câline, je lui dis:

– Oh! Monsieur!… Si Madame vous voyait?…

Il se troubla encore, mais comme nous étions séparés de la maison par un épais rideau de châtaigniers, il se remit vite, et crâneur maintenant que je devenais moins sévère, il clama, avec des gestes dégagés:

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