1 ...8 9 10 12 13 14 ...17 Oliver sut aussitôt que cela avait été fait par Chris. Il lui jeta un regard noir. Son frère l’observait et attendait sa réaction.
— Est-ce que tu as fait ça ? demanda Oliver.
Chris enfonça les mains dans ses poches et se balança sur ses talons, feignant l’innocence. Il haussa les épaules. Je ne sais pas de quoi tu parles, dit-il avec un sourire narquois.
C’était la goutte qui faisait déborder le vase. Après tout ce qui s’était passé au cours des deux derniers jours, le déménagement, son horrible expérience à l’école et la perte de son héros, Oliver n’avait tout simplement pas les ressources nécessaires pour faire face à cette situation. La fureur explosa en lui. Avant même d’avoir pu réfléchir, Oliver se jeta sur Chris.
Il percuta durement son frère. L’impact fit à peine chanceler Chris tant il était gros, et il s’attendait clairement à ce qu’Oliver s’attaque à lui. Et il savourait manifestement les tentatives d’Oliver de se battre contre lui, parce qu’il riait machiavéliquement. Il était tellement plus grand qu’Oliver qu’il lui suffit de poser une main sur sa tête pour le repousser en arrière. Oliver agitait ses bras en vain, impuissant, aucun de ses gestes ne parvenait à toucher Chris.
Depuis la table de la cuisine, son père cria :
— LES GARÇONS ! ARRÊTEZ DE VOUS BATTRE !
— C’est Oliver, cria Chris en retour. Il m’a attaqué sans raison.
— Tu sais exactement quelle est la raison ! cria Oliver, dont les poings volaient dans les airs, incapable d’atteindre le corps de Chris.
— Le fait que j’ai piétiné tes étranges petites bobines ? siffla Chris, assez bas pour qu’aucun de ses parents ne l’entende. Ou le fait que j’ai cassé cette stupide fronde ? Tu es vraiment bizarre, Oliver !
Oliver s’était épuisé à combattre Chris. Il recula, pantelant.
— Je DÉTESTE cette famille ! s’écria Oliver.
Il se précipita dans son alcôve, ramassa toutes les bobines endommagées et les bouts de fil cassés, les leviers brisés et le métal plié, et les jeta dans sa valise.
Ses parents tonnèrent.
— Comment oses-tu ! cria son père.
— Retires ça ! cria sa mère.
— Maintenant, tu l’as vraiment fait, dit Chris en souriant méchamment.
Alors qu’ils lui criaient tous dessus, Oliver sut qu’il n’y avait qu’un seul endroit où il pourrait s’échapper. Son monde fantastique, cet endroit dans son imagination.
Il ferma les yeux et fit taire leurs voix.
Puis tout à coup il se trouva là, dans la fabrique. Pas celle pleine de toiles d’araignées qu’il avait visitée plus tôt, mais une version propre où toutes les machines brillaient sous une lumière vive.
Oliver resta bouche bée devant la fabrique rayonnante de toute sa splendeur passée. Mais comme dans la vraie vie, il n’y avait pas d’Armando pour le saluer. Aucun allié. Aucun d’ami. Même dans son imagination, il était complètement seul.
*
Une fois tout le monde couché et la maison plongée dans l’obscurité totale, Oliver sentit qu’il avait la possibilité de réparer ses inventions. Tout en triturant les pièces, il voulait être optimiste. Il essaya de les remettre ensemble. Mais c’était vain. L’ensemble avait été détruit. Toutes ses bobines et ses fils avaient été endommagés au-delà de tout espoir de réparation. Il devrait tout recommencer.
Il jeta les morceaux dans sa valise et la referma brusquement. Les deux serrures étant maintenant brisées, le couvercle rebondit avant de retomber et de rester entrouvert. Oliver soupira lourdement et se laissa tomber sur son matelas. Il tira la couverture jusqu’au-dessus de sa tête.
Ce ne dut être que par pure fatigue qu’Oliver parvint s’endormir cette nuit-là. Mais il dormit. Et alors qu’il dérivait dans ses rêves, Oliver se retrouva à regarder par la fenêtre l’arbre grêle de l’autre côté de la route. L’homme et la femme qu’il avait vus la nuit dernière se tenaient là, main dans la main.
Oliver frappa à la fenêtre.
— Qui êtes-vous ? cria-t-il.
La femme sourit d’un air entendu. Son sourire était chaleureux ; plus gentil même que celui de madame Belfry.
Mais aucun d’eux ne parla. Ils se contenaient seulement de le dévisager, en souriant.
Oliver ouvrit la fenêtre.
— Qui êtes-vous ? cria-t-il encore, mais cette fois, sa voix fut emportée par le vent.
L’homme et la femme se tenaient là, muets, les mains jointes, leurs sourires chaleureux et engageants.
Oliver se mit à escalader la fenêtre. Mais ce faisant, les silhouettes vacillèrent et tremblèrent, comme s’il s’agissait d’hologrammes et que les ampoules s’éteignaient. Ils commençaient à disparaître.
— Attendez ! cria-t-il. Ne partez pas !
Il tomba de la fenêtre et s’élança dans la rue. Ils s’effaçaient de plus en plus à chaque pas qu’il faisait.
Lorsqu’il arriva devant eux, ils étaient à peine visibles. Il tendit la main vers celle de la femme, mais elle traversa la sienne, comme si elle était un fantôme.
— S’il vous plaît dites-moi qui vous êtes ! supplia-t-il.
L’homme ouvrit la bouche pour parler, mais sa voix était noyée par le vent rugissant. Oliver était gagné par le désespoir.
— Qui êtes-vous ? demanda-t-il encore, criant pour être entendu par-dessus le vent. Pourquoi est-ce que vous m’observez ?
L’homme et la femme disparaissaient rapidement. L’homme parla à nouveau et cette fois, Oliver entendit un petit murmure.
— Tu as un destin…
— Quoi ? bégaya Oliver. Que voulez-vous dire ? Je ne comprends pas.
Mais avant que l’un d’eux n’ait eu la chance de parler à nouveau, ils s’évanouirent complètement. Ils étaient partis.
— Revenez ! cria Oliver dans le vide.
Puis, comme si elle parlait dans son oreille, il entendit la voix vaporeuse de la femme dire : Tu sauveras l’humanité.
Les yeux d’Oliver s’ouvrirent. Il était de retour dans son lit dans l’alcôve, baigné dans la pâle lumière bleue qui entrait par la fenêtre. C’était le matin. Il pouvait sentir son cœur battre la chamade.
Le rêve l’avait profondément secoué. Qu’avaient-ils voulu dire à propos de son destin ? À propos du fait qu’il sauverait l’humanité ? Et qui étaient cet homme et cette femme de toute façon ? Le fruit de son imagination ou autre chose ? C’étaient bien trop de choses à comprendre.
Alors que le choc initial du rêve commençait à s’estomper, Oliver sentit une nouvelle sensation prendre le dessus. L’espoir. Quelque part, au plus profond de lui, il sentit qu’il était sur le point de vivre une journée mémorable, que tout était sur le point de changer.
La bonne humeur d’Oliver redoubla encore quand il s’aperçut que son premier cours de la journée était celui de science, ce qui signifiait qu’il allait revoir madame Belfry. Alors même qu’il traversait la cour de récréation, esquivant des ballons de basket qu’il soupçonnait avoir été délibérément lancés dans sa direction, l’excitation d’Oliver ne faisait que grandir.
Il atteignit l’escalier et fut happé par la force des enfants qui le poussèrent comme une vague pousse un surfeur jusqu’au quatrième étage. Puis il se fraya un chemin jusqu’au palier et se dirigea vers la salle de classe.
Il était le premier. Madame Belfry se trouvait déjà à l’intérieur, vêtue d’une robe en lin gris. Elle était en train d’installer une rangée de petites maquettes devant son bureau. Oliver vit qu’il y avait un petit biplan, une montgolfière, une fusée spatiale et un avion moderne.
— La leçon d’aujourd’hui porte sur le vol ? demanda-t-il.
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