1 ...7 8 9 11 12 13 ...17 Le désespoir envahit Oliver tandis qu’il se dirigeait vers l’entrepôt délabré. Plus il se rapprochait, plus il pouvait le voir. Toutes les fenêtres du rez-de-chaussée avaient été barricadées. Une énorme porte en acier était placée sur ce qu’il se rappelait être la grande entrée principale de la photo. Comment était-il censé entrer ?
Oliver commença à contourner l’extérieur du bâtiment, se frayant un chemin dans l’enchevêtrement d’orties et de lierre poussant dans le périmètre. Il trouva une petite fissure dans l’une des fenêtres fermées et jeta un œil à l’intérieur, mais il faisait trop sombre pour voir quoi que ce soit. Il continua d’avancer en parcourant les environs de l’édifice.
Une fois à l’arrière, Oliver trouva une autre porte. Contrairement aux autres, celle-ci n’avait pas été condamnée. En fait, elle était partiellement entrouverte.
Le cœur battant la chamade, Oliver poussa le battant. Il le sentit résister à sa force, et il laissa échapper le bruit distinctif et grinçant du métal rouillé. Ce n’était pas bon signe, pensa Oliver, alors que le son désagréable le faisait grimacer. Si la porte avait été utilisée même de temps à autre, elle ne devrait pas être tant bloquée par la rouille, ni produire un tel son.
Lorsque la porte fut suffisamment ouverte pour qu’il puisse se faufiler, Oliver poussa son corps dans le trou et déboucha dans l’usine. Ses pas résonnèrent alors qu’il était propulsé en avant après avoir forcé pour passer à travers la petite ouverture.
À l’intérieur de l’entrepôt, il faisait nuit noire et les yeux d’Oliver ne s’étaient pas encore adaptés au changement soudain de lumière. Pratiquement aveuglé par l’obscurité, Oliver sentit son odorat s’affiner pour compenser. Il prit conscience des odeurs de poussière et de métal, ainsi que de l’odeur distinctive d’un bâtiment abandonné.
Il attendit en retenant son souffle que ses yeux s’adaptent enfin à la lumière. Quand ils le firent, cependant, ce fut juste suffisant pour voir quelques mètres devant lui. Il commença à marcher prudemment dans l’usine.
Oliver poussa une exclamation émerveillée lorsqu’il tomba sur un énorme engin en bois et en métal, comme une marmite surdimensionnée. Il toucha le côté et le bol commença à se balancer comme un pendule dans son cadre en métal. Il tournait également, faisant penser à Oliver que cela avait quelque chose à voir avec la cartographie du système solaire et le mouvement des planètes autour de lui, tournant sur plusieurs axes. Mais à quoi servait cet objet, Oliver n’en avait aucune idée.
Il s’avança plus loin et trouva un autre engin à l’aspect étrange. Il était constitué d’une colonne de métal, mais avec une sorte de bras actionné mécaniquement sortant du haut et une griffe en forme de main au bout. Oliver essaya d’actionner le volant et le bras se mit à bouger.
Tout comme un jeu d’arcade, pensa Oliver.
Il bougeait comme ceux avec des bras motorisés et une griffe avec laquelle on ne parvenait jamais attraper la peluche. C’était beaucoup plus grand, cependant, comme si cela avait été conçu pour bien plus que simplement ramasser des objets.
Oliver toucha chacun des doigts de la main en forme de griffe. Chacun avait le nombre exact de jointures qu’avait une vraie main et chaque partie bougeait quand il la poussait. Oliver se demandait si Armando Illstrom avait essayé de fabriquer son propre robot, mais décida qu’il était plus logique que ce soit sa tentative de créer un automate. Il avait tout lu à leur sujet ; il s’agissait de machines mécaniques à forme humaine pouvant effectuer des actions spécifiques planifiées, comme écrire ou dactylographier.
Oliver poursuivit son exploration. Tout autour de lui, de grandes machines se tenaient immobiles et imposantes, comme des bêtes géantes figées dans le temps. Elles étaient composées d’un mélange de matériaux tels que le bois et le métal et comportaient de nombreuses pièces différentes, telles que des rouages et des ressorts, des leviers et des poulies. Des toiles d’araignée y étaient suspendues. Oliver testa certains des mécanismes, dérangeant une variété d’insectes qui s’étaient installés dans les crevasses ténébreuses des engins.
Mais le sentiment d’émerveillement s’estompa progressivement lorsqu’il commença à apparaître à Oliver, avec un horrible sentiment de désespoir, que l’usine était vraiment tombée en ruine. Et pas récemment. Cela devait faire plusieurs décennies, vu l’épaisseur de la couche de poussière et l’accumulation de toiles d’araignées, le grincement des mécanismes et le grand nombre d’insectes qui y avaient élu domicile.
Avec une détresse croissante, Oliver se dépêcha de faire le tour du reste de l’usine, jetant des coups d’œil avec de moins en moins d’espoir dans les pièces annexes et dans les couloirs assombris. Il n’y avait aucun signe de vie.
Il se tenait là, dans le sombre entrepôt vide, entouré des reliques d’un homme dont il savait maintenant qu’il ne le rencontrerait jamais. Il avait eu besoin d’Armando Illstrom. Il avait eu besoin d’un sauveur capable de le tirer de sa tristesse morose. Mais cela n’avait été qu’un rêve. Et maintenant, ce rêve était brisé.
*
Oliver passa tout le trajet du retour en bus blessé et découragé. Il était même trop malheureux pour lire son livre.
Il atteignit son arrêt de bus et sortit dans le soir pluvieux. La pluie s’abattit sur sa tête et le trempa. Il remarqua à peine, tant il était consumé par son malheur.
Quand il atteignit sa nouvelle maison, Oliver se souvint qu’il n’avait pas encore sa propre clef. Entrer semblait être un coup supplémentaire porté à une journée déjà désespérément triste. Mais il n’avait pas le choix. Il frappa à la porte et se prépara mentalement.
La porte s’ouvrit d’un geste rapide. Chris se tenait là devant lui, avec un sourire diabolique.
— Tu es en retard pour le dîner, dit-il, le regard mauvais et une lueur de joie dans ses yeux. Maman et Papa sont en train paniquer.
Derrière Chris, Oliver pouvait entendre la voix aiguë de sa mère.
— Est-ce que c’est lui ? Est-ce que c’est Oliver ?
Chris cria par-dessus son épaule.
— Ouais. Et il est trempé comme une soupe.
Il se retourna vers Oliver, l’air ravi à l’idée de la dispute imminente. Oliver se fraya un chemin à l’intérieur, repoussant le grand corps charnu de Chris. Une traînée de gouttes tomba de ses vêtements détrempés, formant une flaque sous ses pieds.
Sa mère se précipita dans le couloir et se tint à l’autre bout, tout en le dévisageant. Oliver ne pouvait pas déterminer si son expression était soulagée ou furieuse.
— Bonjour maman, dit-il doucement.
— Regarde-toi ! s’exclama-t-elle. Où étais-tu ?
Si elle était soulagée de voir son fils rentrer à a maison, ses paroles ne furent pas suivies d’un câlin ou de quoi que ce soit de ce genre. La mère d’Oliver ne donnait pas de câlins.
— J’avais quelque chose à faire après l’école, répondit Oliver, évasif. Il ôta son chandail détrempé.
— Classe d’intellos ? dit Chris. Puis il se mit à rire bruyamment à sa propre blague.
Sa mère tendit la main pour prendre le pull d’Oliver.
— Donne-moi ça là. Je vais devoir le laver. Elle soupira bruyamment. Maintenant rentre. Ton dîner refroidit.
Elle poussa Oliver dans le salon. Immédiatement, Oliver remarqua que les choses dans son alcôve avaient été dérangées, déplacées. Au début, il pensa que c’était parce qu’un matelas avait été trainé là et que tout avait été posé dessus, mais ensuite il vit la fronde étalée sur sa couverture. À côté se trouvait sa valise, les serrures cassées, le couvercle entrebâillé. Puis il vit, horrifié, que toutes les bobines de son manteau d’invisibilité avaient été éparpillées par terre, déformées comme si elles avaient été piétinées.
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