Daniel s’anima alors.
— Nous pourrions le concevoir. L'équipe de chez Jack Cooper, je veux dire. Nous avons déjà fait des escaliers en colimaçon, et cela aiderait à réduire les coûts. En fait – il regarda de nouveau les plans et les notes légèrement griffonnées de Wayne – nous pourrions aussi faire ce travail de lambrissage ici. Les portes des vestiaires. Le bureau de la réception.
Il avait l'air excité à cette perspective et Emily fut contente de voir une fois de plus cette lueur dans ses yeux. Il avait paru tellement stressé récemment qu'il était bon de le voir de nouveau enthousiaste.
— Et si nous embauchons Jack Cooper pour la menuiserie, je serai sur place, plus près de chez moi ajouta-t-il. Je peux gérer tout le projet.
— J'aime ça, dit Emily, pensant au bébé et à quel point elle se sentirait plus détendue en sachant que Daniel était proche, plutôt qu’à l'autre bout de la ville. Non pas qu'elle prévoyait de commencer le travail de sitôt !
Chantelle acquiesça.
— Ce serait encore plus spécial de savoir que tu en as fait une partie toi-même, dit-elle.
Avec leur décision prise, ils firent leurs adieux aux architectes d'Érik & Fils et retournèrent à l'hôtel. Pendant qu’ils traversaient la pelouse, Emily était heureuse d'écouter les joyeux bavardages de Chantelle et Daniel et toutes leurs grandes idées. Mais en chemin Emily ne put s'empêcher de remarquer la disparité entre la façon dont Daniel semblait enthousiaste au sujet des travaux de rénovation, comparé à la façon dont il était stressé et muet à propos du bébé.
Quand ils arrivèrent à l'hôtel, Emily était tellement perdue dans ses pensées qu'elle était devenue complètement distraite. Son principal souci dans la vie en ce moment était le bébé ; c'était la source principale de son excitation, la dernière chose à laquelle elle pensait le soir et la première chose au matin. Mais elle avait l'impression que ce n'était pas le cas pour Daniel. Il semblait plus enthousiaste à l'idée de fabriquer un escalier en colimaçon en bois !
— Je pense que je vais aller me reposer à l'étage, dit Emily, qui voulait s’excuser et prendre le temps d’être seule avec ses pensées.
Elle monta dans sa chambre et s'assit sur le tabouret de sa coiffeuse, fixant son reflet dans le miroir. Pourquoi Daniel se comportait-il ainsi ? Amy avait été cent fois plus enthousiaste quand elle le lui avait dit. Amy avait instantanément eu envie de sortir et d'acheter des choses pour la chambre d’enfant, mais Daniel n'avait même pas mentionné toutes les choses dont ils auraient besoin pour le bébé. Même s'il entrait dans son mode pratique, logique et raisonnable et commençait à chercher des poussettes et des sièges d'auto, ce serait mieux que l’accablement et le léger état de stress dans lequel il semblait se trouver.
Pendant qu'elle ressassait ses pensées, Emily réalisa alors que les seules personnes hormis sa famille proche à savoir pour le bébé étaient Amy et Harry. Elle l’avait dit à une amie, mais pas encore dit à la personne à qui elle voulait l’annoncer le plus, la personne dont la réaction serait la meilleure de toutes : son père.
Elle fouilla dans son tiroir pour trouver du papier et un stylo. Sachant très bien que son père n'avait presque pas de connexion à internet, et seulement une cabine téléphonique dans le village, avec laquelle il serait difficile de se coordonner, elle savait que lui écrire serait le moyen le plus rapide de lui transmettre la nouvelle. De plus, il y avait quelque chose de spécial dans le fait de rédiger une lettre comme à la vieille école. Il pourrait la garder et la chérir pour les années à venir. Conserver des bouts de papier était l'un des grands plaisirs de son père, après tout.
Elle commença à écrire.
Cher papa,
Tu me manques tellement ! La maison n'est pas la même sans toi. Rentrer chez nous après la lune de miel était doux-amer, car je savais que tu ne serais pas là. J'espère que nous pourrons venir en Angleterre pour te voir cet été, comme tu l'as suggéré. Je sais que Chantelle adorerait ça. Elle languit de son Papa Roy !
La raison pour laquelle je t’écris est en réalité double. Je ne t’écris pas seulement pour te dire à quel point tu me manques, mais aussi parce que j'ai aussi une nouvelle excitante. Daniel et moi avons récemment découvert que je suis enceinte ! Tu peux le croire ? Tu vas être grand-père ! Le terme est prévu pour le début du mois de décembre.
Bien sûr, j’aurais préféré pouvoir t’annoncer la nouvelle en personne, mais je pensais que ce serait la meilleure façon de t’en informer. En plus, tu peux encadrer cette lettre ou l'ajouter à ton stock de papiers, je sais que tu aimes le faire !
J'ai hâte de recevoir ta lettre en retour. Ou, encore mieux, tu pourrais investir dans un téléphone portable et puis nous pourrions utiliser FaceTime ! Des appels vidéo, Papa, tu peux y croire ? C'est comme si nous vivions dans le futur !
Avec tout mon amour, toujours, pour toujours,
Emily Jane xx
Elle relut la lettre, espérant que Roy apprécierait son ton légèrement impertinent et ne s'en offusquerait pas, puis la plia et la mit dans une enveloppe.
À ce moment-là, Emily entendit frapper à la porte. Elle se retourna pour voir Chantelle passer la tête.
— Qu'est-ce qui ne va pas, maman ? demanda-t-elle. Tu es là depuis des lustres.
Emily fit un geste pour qu'elle approche et la petite fille entra à l'intérieur, traversant le tapis à pas feutrés. Quand elle atteignit Emily, elle se recroquevilla dans ses bras ouverts.
— Tout va bien dit Emily à la petite fille. Je voulais juste écrire une lettre à Papa Roy pour lui dire pour le bébé. Elle leva l'enveloppe maintenant scellée. Tu veux venir avec moi et l'envoyer ?
Chantelle acquiesça. Emily lui tendit l'enveloppe, qu'elle serra dans sa main, puis elles quittèrent ensemble la chambre d'Emily. Elles descendirent et sortirent par la porte d'entrée, puis se dirigèrent lentement le long de l’allée vers la boîte aux lettres, main dans la main. Emily remarqua que Chantelle était terriblement silencieuse pendant qu’elles marchaient. Habituellement, l'enfant ne cessait jamais de parler, mais elle n'avait pas prononcé un mot depuis qu'elles avaient quitté le B&B.
— Est-ce que ça va, mon amour ? demanda Emily en lui serrant un peu la main.
Chantelle la regarda tristement, l'autre main serrant fermement l'enveloppe.
— Papa Roy me manque dit-elle.
— À moi aussi, répondit Emily avec mélancolie.
— Papa Roy n'a pas un téléphone sur lequel on peut l'appeler ? demanda Chantelle. Nous pourrions passer un appel avec FaceTime ?
Emily rit et tapota l'enveloppe.
— Je lui ai demandé la même chose dans cette lettre, dit-elle. Mais malgré sa tentative d’égayer l’ambiance, elle ne pouvait s'empêcher de partager la déception de Chantelle. Prendre un téléphone portable était la dernière chose qu'elle pouvait imaginer que son père fasse.
— Il a dit qu'il pourrait acheter un téléphone, dit Chantelle. Tu te souviens ?
Emily s’en souvenait. Juste avant leur départ pour Martha's Vineyard. Elle lui avait dit revoir, chose qu'elle n'avait pas eu l'occasion de faire depuis l'âge de quinze ans, et il avait plaisanté en disant qu'il pourrait prendre un téléphone pour garder un meilleur contact. À l'époque, elle s'était sentie remplie d'espoir. Non pas qu'il achèterait un téléphone, mais qu'il resterait en contact régulier. Malheureusement, cela ne sembla pas se dérouler ainsi. S'il ne pouvait pas maintenir un contact épistolaire, quelle chance y avait-il qu’il rompe avec l'habitude de toute une vie et prenne un téléphone !
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