Les lèvres d’Aurélia tressautèrent, et ses mains tremblèrent quand elle reposa le téléphone sur le canapé.
— Aurais-je la possibilité de lui parler ? demanda-t-elle.
— Il pourra venir te rendre visite ici, oui. Quand ton contrat sera terminé, tu pourras acheter une maison près de chez lui si c’est ce que tu veux. »
Aurélia se recula et posa l’arrière de sa main sur son œil. Elle fit passer ses mains dans ses cheveux encore tout emmêlés du voyage, pris une grande inspiration et se redressa. Lucas sourit presque en la regardant s’aligner physiquement avec la décision qu’elle était en train de prendre.
Leurs regards se croisèrent à nouveau et elle lui tendit la main.
« J’accepte, » dit-elle d’une voix résolue.
Lucas serra sa main, appréciant sa poigne ferme. Toucher Aurélia fit affleurer son loup, fiévreusement intéressé par la femelle éblouissante assise à ses côtés.
« Dans ce cas, » répondit-il. Il relâcha sa main et s’approcha près d’elle pour inhaler son odeur. Il pouvait sentir sa louve, son excitation et sa tension augmenter, les battements de son cœur à proximité.
Relâchant sa respiration il soupira.
« Je dois admettre que mon loup t’apprécie déjà, » dit-il avec un sourire.
Aurélia lui répondit d’un sourire carnassier et Lucas réalisa à quel point elle avait l’air fatiguée et stressée.
« Bien. Voilà ce que nous allons faire, dit-il, reprenant le contrôle de la situation. Je vais te montrer ta chambre et je ferai porter tes bagages. Je t’apporterai aussi de quoi manger et les contrats. Tu pourras dormir. Ou prendre un bain si tu veux. Libre à toi. Je te laisse le temps de lire les contrats et si tu as des questions… ajouta-t-il, secouant la main et laissant la fin de sa phrase en suspens.
— Très bien, répondit Aurélia, la fatigue se lisant sur ses traits.
— Laisse-moi te conduire à tes appartements, » dit-il. Il se leva et lui tendit la main. Elle la prit et il l’aida à se remettre debout. Mais, au lieu de la relâcher, il entrecroisa ses doigts dans les siens et la tira à sa suite vers l’arrière de la maison.
La guidant dans les escaliers, il la conduisit à l’étage qui se séparait en deux couloirs.
« Toi et moi avons tout ce côté, expliqua-t-il. Ma chambre est tout au bout. Il y a des salles de bains privatives et des salons pour chaque chambre, en enfilade. La première porte est celle de ta chambre. »
Il s’arrêta et porta la main d’Aurélia à ses lèvres pour y poser un léger baiser.
« Je te laisse, tes affaires seront dans ton salon dans quelques minutes, dit-il.
— J-je ne sais pas comment te remercier, » dit Aurélia. Son odeur et le doux accent de sa voix lui donnèrent l’impression de recevoir un coup de poing dans l’estomac.
« Tu trouveras bien un moyen, la taquina-t-il en secouant la tête. Repose-toi pour l’instant. Et reviens me voir quand tu seras prête. »
Sur ces mots, il la laissa devant sa porte. Ce fut très difficile pour lui de s’éloigner d’elle sans essayer de lui voler un baiser, mais Lucas était dans le monde des affaires depuis bien trop longtemps pour ne pas savoir quand se retirer et laisser du temps à l’autre partie. Il voulait Aurélia, mais plus encore, il voulait que ce soit elle qui vienne à lui. Désormais, il n’avait plus qu’à patienter… et peut-être aller courir ou faire quelques longueurs dans la piscine. Pour faire baisser la température.
Lucas gloussa tout seul en redescendant les escaliers.
Aurélia n’en revenait pas. Après que Lucas l’eut laissée devant la porte de sa nouvelle chambre, elle l’ouvrit et faillit perdre la tête. La pièce était absolument magnifique, la partie basse des murs était recouverte de papier peint crème aux motifs de branchages et la partie haute d’une impression délicate de fleurs de cerisiers. Le plancher était différent de celui qui décorait le reste de la maison, ici, le sol était recouvert de chêne finement poli. Un imposant lit à baldaquin blanc dominait la chambre, décoré de gaze blanche et de rideaux pastel. Une coiffeuse ainsi qu’une armoire assortie, décoraient l’un des angles de la pièce, un beau bureau en chêne occupait le mur central et les autres n’étaient pratiquement que baies vitrées, plaisamment protégées de voilages blancs.
Pendant une bonne minute, Aurélia resta dans l’embrasure de la porte, la bouche ouverte. Si elle avait dû faire un collage de la chambre parfaite, découpée depuis une centaine de magazines de décoration intérieure, elle n’aurait pas pu faire mieux que celle dans laquelle elle se tenait actuellement.
Elle entra, refermant la porte, et la bouche, et se concentra sur les détails. Une machine à écrire contenant une feuille de papier vierge était posée sur le bureau, n’attendant que ses mots. Des fleurs de cerisiers et des orchidées décoraient la coiffeuse. Un divan crème était disposé devant la fenêtre. Sur la table de chevet, plusieurs bouteilles d’eau étaient mises à rafraîchir dans un seau à champagne en argent et quand elle s’en approcha, elle réalisa qu’il s’agissait en plus de sa marque préférée.
Ouvrant l’armoire en grand, elle se rendit compte qu’elle était remplie vêtements de tous les styles possibles et imaginables. Sur la coiffeuse, quelques produits de maquillage qu’elle aimait utiliser, son parfum favori…
Elle s’immobilisa. Examinant la coiffeuse plus attentivement, elle se saisit d’une vieille carte décolorée qui avait été coincée dans l’encadrement du miroir. Elle n’avait pas besoin de lire ce qu’il y avait d’écrit, elle le savait déjà.
« T’es trop belle, ma belle ! » était écrit au dos de la carte de son écriture ronde d’adolescente.
Comment Lucas avait-il pu se procurer quelque chose qu’elle avait possédé dans sa famille d’accueil préférée, plus de dix ans auparavant ?
Repositionnant la carte précautionneusement, Aurélia se recula et se dirigea vers le lit. Elle y grimpa et se laissa tomber dessus la tête la première.
Des douzaines, ou peut-être des milliers d’émotions différentes envahissaient son esprit. Tension, soulagement, peur, épuisement, gratitude, émerveillement… tout se mêlait dans sa tête et l’étourdissait. Fermant les yeux avec force elle prit une grande inspiration.
Non, elle n’allait pas pouvoir s’en empêcher. Les larmes commencèrent à couler et elle se retrouva rapidement à renifler. Ensuite, elle eut le hoquet. Puis, elle pleura à chaudes larmes, à bout de souffle, prise en otage par son cœur qui avait trop souffert du mal du pays.
La carte avait été la goutte de trop. Aurélia pleura et pleura, expulsant jusqu’à la dernière goutte la résistance, la colère, la peur et la tension qu’elle gardait au plus profond d’elle-même, en même temps que ses larmes douces amères. Ses pleurs s’apaisant peu à peu, elle prit conscience que quelqu’un s’était donné beaucoup de mal, juste pour elle…
Elle n’eut ensuite aucun mal à tomber dans un sommeil profond.
Douze heures plus tard, Aurélia émergea enfin de sa chambre. Elle avait pris le temps d’explorer le reste de sa suite et y avait trouvé un petit salon absolument exquis où était posé un service à thé ainsi qu’une sonnette, bien qu’elle ne fut pas certaine qu’il y eut des domestiques. Puis elle découvrit la salle de bains carrelée d’un blanc immaculé et ornée d’une immense baignoire sur pieds. Tous ses produits de soins préférés, tout ce qu’elle n’avait pas réussi à se procurer en Inde ou en Nouvelle Zélande était là, pour elle.
Elle s’était fait couler un super bain moussant, avait pris soin de chaque centimètre carré de sa peau, de ses cheveux, s’était verni les ongles des pieds…
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