« Puis-je la voir ?
— Oui, Docteur, » je réponds en relâchant mon étreinte. Une doctoresse, ça ne court pas les rues, je suis content qu’elle soit ici sur cet avant-poste, je n’aurais pas pu tolérer qu’un autre homme pose les yeux sur elle, même à des fins médicales.
« Vous préférez la garder dans les bras ou l’allonger sur la table pendant que je la scanne? »
J’apprécie le respect dont elle fait preuve, je ferai en sorte qu’elle soit promue parmi l’élite de nos médecins une fois rentrée. Elle comprend mes besoins et mes attentes vis-à-vis de ma partenaire. Je dois la soutenir. « Là, comme ça. »
Elle hoche la tête et s’agenouille. Elle croise brièvement mon regard et écarte la robe. J’ai à peine aperçu ma partenaire avant de la couvrir. Elle est sur le côté, jambes repliées, je vois la courbe de ses hanches, ses gros seins, sa peau claire, la fine chaînette en or qui pend entre ses mamelons, grâce aux piercings dans ses tétons roses. Le centre de recrutement sur Terre a fait un excellent travail avec toutes les modifications nécessaires en vigueur sur Trion. Je prends le temps de l’observer. Ses seins tiennent bien en main, ses tétons sont rose clair. Les pointes de ses seins rebiquent avec les anneaux d’or. Je reconnais mon sceau gravé sur les médaillons en or fixés sur la chaînette. Cette vision me remplit d’aise, mon besoin primaire d’annoncer à la planète entière à qui appartient cette femme est désormais comblé. Personne ne remettra en doute son identité ou mon appartenance. Son ventre est légèrement bombé, son sexe entièrement épilé mais je ne vois pas grand-chose avec ses jambes repliées. Je bande en rêvant à ce qui m’attend entre ses cuisses souples et accueillantes.
La doctoresse prend une baguette ReGen dans sa mallette et la passe lentement de ses pieds à sa tête, puis elle descend à nouveau. Elle ne quitte pas les capteurs ni les couleurs des yeux.
« Roark, on a appris qu’elle était arrivée. » La voix de mon père résonne dans l’espace confiné de la tente, mes parents entrent à l’intérieur sans me demander la permission. Jusqu’à présent, leur arrogance ne m’a jamais dérangée. Mais une rage sourde m’envahit devant leur intrusion.
« Oui, Père. »
La doctoresse a remarqué la contracture de ma mâchoire, elle se précipite et couvre ma partenaire avec la robe.
Il s’avance, je secoue la tête, ma mère l’arrête et pose sa petite main sur son bras. « Félicitations, mon fils.
— Merci, Mère. » On m’a toujours dit que je ressemblais à mon père. Grand, large d’épaules, avec des yeux et des cheveux noirs. Les siens ont quelques mèches grises. Je porte une barbe rase, lui est rasé de près. Mais je lui ressemble. Pour mes décisions politiques, je tiens mon côté rusé, mon sang-froid et ma logique implacable, de ma mère. Elle est sa fidèle conseillère avisée, son épouse depuis des dizaines d’années. Il a servi en tant que Conseiller du Continent Sud pendant vingt ans avant de me céder la place. Comme c’est le cas depuis des générations, j’ai immédiatement été élu pour le remplacer.
Je n’ai pas refusé d’endosser la fonction, la mission et les lourdes responsabilités inhérentes à ce poste. J’ai grandi pour servir mon peuple. Je respecte mon rôle et l’honneur de ma famille. La tradition. Mon beau-frère est le bras droit du Haut Conseiller sur Trion. Notre famille se fait un devoir d’être au service de son peuple. Je n’ai jamais agi de façon égoïste. Je ne me le suis jamais permis.
La femme que je tiens dans les bras est à moi , et pour la première fois de ma vie, je ressens une intrusion dans ma vie de la part de mes parents, à un moment que je considère privé et sacré. Ma femme. Elle ne connaît rien des enjeux politiques sur Trion, de ma famille appartenant à l’élite de cette planète, de notre richesse, de notre puissance militaire colossale. Le processus de recrutement du Programme des Epouses Interstellaires a estimé que nous étions compatibles en tant qu’homme et femme.
Je vais enfin coucher avec une femme qui n’est pas attirée par moi pour des motifs purement politiques ou inhérents à mon statut social. Elle m’appartient. J’ai une érection, mon cœur se serre. La douleur me prend à la gorge tandis que je contemple son joli visage. Elle dort. Ses longs cils clairs sont fermés sur ses pommettes parfaites. Elle a un joli nez droit, des sourcils délicatement arqués et des yeux que j’ai hâte de voir.
Dorés ? Marrons ? Ou clairs et étranges, comme sa peau et ses cheveux dorés ? Ma mère entre la première et se penche pour l’observer. « Elle est petite. Pourquoi est-elle couverte ? »
Roark
Je ne voudrais pas manquer de respect à ma mère mais je dois suivre les plans que je me suis fixé et faire comme je l’entends. « Elle est couverte, Mère, parce que tel est mon bon plaisir.
— Mais j’aimerais la voir, voir la femme qui me va donner des petits-enfants. »
Ma mère porte la tenue toute simple du Continent Sud, le tissu de sa robe est très fin.
« Vous aurez tout le temps de la voir, Mère. Mais pas nue. »
La doctoresse me jette un coup d’œil et baisse les yeux, notre conversation ne la concerne pas.
« Où sont les autres ? Elle regarde autour d’elle, comme si les hommes étaient cachés je ne sais où. L’accouplement doit se dérouler en présence de témoins. »
Je me fige. « Je vous assure, Mère, que vous n’y assisterez pas. Si vous voulez bien laisser la doctoresse poursuivre son examen. »
Mon père pose sa main sur son épaule, elle lui jette un regard noir, comme à son habitude.
« Ta possessivité est légitime mais je ne voudrais pas que quiconque puisse remettre ton union en doute. Tu connais les peuples des autres régions. Ils sont très attachés aux traditions. »
Il est hors de question que mes parents me voient en train de tringler ma partenaire.
« Elle n’est pas originaire de Trion et ne connaît pas nos coutumes. Mère, ça vous plairait d’arriver nue sur Terre et de vous unir à un inconnu en présence de témoins ? »
Elle fait la moue mais garde le silence.
« Je crois que tu aurais du mal. »
Le trait d’humour de mon père me donne envie de rire, je n’aurai aucun problème à baiser ma femme. Mes parents ont totalement oublié qu’il ne s’agit pas d’un accouplement à la mode Trion, même si c’était leur idée à la base. L’accouplement est lié au Programme des Epouses. Le pourcentage de compatibilité, tous nos points communs, ne sont aucunement comparables aux longues années de mariage de mes parents.
« Mais—
— Mère. Il s’agit du Conseiller du Continent Sud, pas de votre fils. Je vous demande de partir ainsi que Père, et de me laisser avec ma femme. Une fois que j’aurais terminé ce que j’ai à faire, je passerai la nuit à l’oasis de Mirana. Je ne compte pas m’unir à elle, ici. Je regarde ma mère. Inutile d’attendre. Vous l’avez vue, inutile de vous éterniser. Rentrez sur Xalia. Nous vous y rejoindrons demain, dès que l’union sera effective. Nous passerons la semaine ensemble. J’ai hâte d’y être. »
Mes parents acquiescent à contrecœur et quittent la tente. Ils ne saluent pas comme l’exige la coutume, je viens pourtant de leur répéter que je suis leur chef, mais ils me voient toujours comme leur fils.
« Poursuivez, Docteur. » Je suis soulagé de voir que mes parents sont satisfaits de l’arrivée de mon épouse et plus encore, qu’ils soient partis. Je n’ai plus besoin d’eux, ma femme est avec moi.
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