- Rappelle-toi, Helena, tu ne touches pas.
Ses conseils lui importaient. La corde l'attirait, la conviait à la prendre, à toucher sa texture. Elle sentit des picotements aux doigts et elle tendit sa main vers la corde.
La main lourde de Michael se posa sur son épaule, la sortant de son état d’hypnose.
- Je crois qu’on devrait revenir plus tard.
- Non ! cria-t-elle.
Surprise par son emportement, Helena baissa la tête de honte. Qu’est-ce qui me prend ? La pièce entière bourdonnait d’énergie. Penser était devenu une corvée et, en se concentrant plus, elle vit sa corde jaillir de son ventre. Elle avait l’air plus pâle que les autres cordes blanches. Elle la caressa, se délectant de la douce sensation.
- Qu'est-ce qui se passe lorsque deux cordes se touchent ?
Michael leva les yeux vers le plafond.
- Un lien est ajouté.
- Et qui décide de ça ?
- Les destins.
- Mais tu as dit que plus personne n'utilisait cet endroit. Comment…
L'expression de Michael s'assombrit, comme s'il se rappelait d'un fait douloureux.
- Ils ont été bannis dans le royaume humain il y a longtemps. Depuis, les choses se produisent telles que les Dieux le souhaitent.
Helena jeta un coup d'œil à la corde connectée à un vampire quelque part sur la planète. Est-ce qu'on se rencontrerait si nos cordes se touchaient ? Elle secoua la tête. Ce n’était pas important pour l’instant. La raison pour laquelle ils étaient venus ici, était de retrouver son père.
Sa mère lui avait toujours dit qu'il les avait quittées, mais Helena ne l'avait jamais crue. Et si une chose de grave lui était arrivée à cause des ténèbres décrites dans le journal de grand-mère ? Si les vampires et les autres êtres surnaturels étaient réels, il y avait une chance que sa grand-mère ne soit pas folle comme sa mère voulait qu'elle le croie. Peut-être qu'il a été enlevé. Elle avait besoin de connaître la vérité.
- Et mon père ? Comment on peut le retrouver ?
Michael semblait réfléchir.
- Je vais chercher son âme. Attends ici et ne touche à rien.
Il retourna à l'entrée. Dès qu’il s’éloigna d’elle, une voix féminine murmura dans sa tête une sorte de chant.
Son corps se raidit et, comme possédée, elle attrapa la corde rouge-sang. Un frisson la traversa, lui donnant la chair de poule aux bras et au cou. L'énergie encerclant le lien n'était rien comparée à celle qui traversait son noyau. Elle l'envahissait contre sa volonté.
- Helena, non ! cria Michael.
Mais c'était trop tard.
Un bruit très fort envahit la chambre, la poussant à vouloir unir les cordes. Lorsqu’elle comprit ce qu'elle venait de faire, son lien blanc s'était déjà enroulé autour de la corde du vampire.
Son cœur battait la chamade dans sa cage thoracique et sa vision devint trouble. Une puissante vague d'énergie issue d’un autre monde se fraya un chemin à travers le lien, un arc rouge et blanc. Elle pressa sa main contre sa poitrine brûlante. Chaque partie de son corps lui faisait mal, mais en séquence alternative.
Une minute plus tard, semblant être une éternité, ses genoux cédèrent. La dernière chose dont elle se souvenait était deux bras forts la rattrapant dans sa chute.
*****
Le réveil sur sa table de chevet affichait deux heures du matin. Elle s'assit, alluma la lampe de chevet et se frotta le visage. Michael l'avait trompée. Le royaume des anges et ses boucliers mentaux devaient être un rêve. Il a dû utiliser une sorte de ruse pour qu’elle se détende et qu’il puisse se dissiper.
Est-ce que j’ai rêvé ? Elle fit une grimace en sentant le mal de tête marteler dans son crâne.
- Michael ? appela-t-elle dans l’espoir d’avoir des réponses à ses questions.
Helena prit une inspiration et se prépara à l’appeler de nouveau lorsqu'il se matérialisa devant elle. Son expression la força à se taire. Ses yeux brillaient d'indignation. Si ce qui s'était passé avait été réel, il avait alors raison de se mettre en colère contre elle. Il lui avait demandé de ne toucher à rien et elle lui avait désobéi. Mais elle avait perdu le contrôle de son corps, ses membres avaient bougé malgré elle.
- Michael, je…
- Je n’ai pas beaucoup de temps, Helena. J’ai commis une grande erreur de t’emmener avec moi. J'aurais dû y aller seul. Ce que tu as… Il s'arrêta comme s'il cherchait le mot juste... fais, n'aurait jamais dû arriver.
Helena se massa les tempes dans l'espoir d'apaiser sa douleur. Son mal de tête était similaire à celui qu'elle avait eu après sa première cuite. Le jour de son seizième anniversaire, lorsque Laura avait parié qu'elle pourrait boire plus qu'elle. Son amie avait tout même réussi à gagner son pari.
- Je suis désolée. Je... je n’étais pas moi-même. C'était comme si…
- Pas besoin de t'excuser. Je dois y aller. Nous nous occuperons des dégâts que tu as causé plus tard, dit-il avant de redisparaître.
Helena rampa hors du lit. Les paroles cinglantes de Michael lui faisaient mal au cœur. Elle savait que ce qui s'était passé était de sa faute, mais elle ne l'avait pas fait exprès.
Elle sortit de sa chambre pour aller se chercher de l'aspirine. Arrivée dans le couloir, elle vit la lumière du salon allumé à l’étage en-dessous et elle s'arrêta. Tout le monde avait cours demain matin, ce n'était donc pas logique que quelqu'un soit encore réveillé à cette heure de la nuit.
Son mal de tête oublié, elle se dirigea vers l'escalier sur la pointe des pieds et jeta un coup d’œil par-dessus la rampe. Elle craignait que ce soit un vampire qui l'attendait. La rationalisation chassa l'idée idiote de la possibilité qu'un imposteur pourrait la localiser. Les cordes avaient créé un lien, mais ce n'était pas un capteur, ou du moins c'est ce qu'elle espérait.
Les marches en métal glacé lui piquaient la plante des pieds. À mi-chemin, elle se dit qu'elle devrait s'acheter des pantoufles dès qu'elle en aurait l'occasion. Elle se maudit d'avoir pensé que ça aurait pu être un monstre suceur de sang en apercevant Andrew. Il était assis sur le canapé avec un livre ouvert sur les genoux.
- T'es encore réveillé ? demanda-t-elle.
Andrew tourna brusquement la tête dans sa direction.
- Mon Dieu, tu m'as foutu une de ces trouilles, Epine ! Tu sais très bien que j'ai le cœur fragile.
Helena roula des yeux. Il était dingue de sport, il jouait dans plusieurs équipes à l'université. Elle n'avait jamais compris ce qui pouvait pousser des personnes à courir après un ballon avec des vêtements trempés de sueur. Contrairement à lui et à Laura, elle détestait le sport et tout ce qui y était associé.
Andrew ferma son livre et le posa sur la table basse. Elle n’aurait jamais cru qu’il lirait ce genre de livre. Elle pensait qu’il lirait des bandes dessinées ou des magazines pornographiques, mais surtout pas un livre sur les finances.
Il avança d'un pas lent vers elle et lui souleva la tête tendrement.
- Tu es pâle, tu devrais te remettre au lit.
Elle se rappela soudain de sa conversation qu’elle avait eue plus tôt avec Laura et sentit ses joues rougir. Elle recula d'un pas sans le réaliser.
Andrew se gratta l'arrière de la tête et balança son poids d'une jambe à l'autre.
- Ah, Laura t'a déjà parlé de… euh… de ça.
L’esprit d’Helena s’emballa alors qu’elle essayait désespérément de trouver les bons mots. Avait-elle besoin de lui donner une réponse maintenant ou avait-elle le temps de réfléchir ? Pourrait-elle trouver assez de courage pour lui répondre ?
- Helena, je ne t'ai pas posée la question moi-même parce que je ne voulais pas te mettre la pression, ou peut-être parce que je suis un lâche. Je ne sais pas. Ce que je sais, en tout cas, c'est que je t'aime depuis presque le début.
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