— Zeus! Très glorieux, très grand, qui amasses les noires nuées et qui habites l'aithèr! puisse Hélios ne point se coucher et la nuit ne point venir avant que j'aie renversé la demeure enflammée de Priamos, après avoir brûlé ses portes et brisé, de l'épée, la cuirasse de Hektôr sur sa poitrine, vu la foule de ses compagnons, couchés autour de lui dans la poussière, mordre de leurs dents la terre!
Il parla ainsi, et le Kroniôn accepta le sacrifice, mais il ne l'exauça pas, lui réservant de plus longues fatigues. Et, après qu'ils eurent prié et jeté les orges salées, ils renversèrent la tête du taureau; et, l'ayant égorgé et dépouillé, ils coupèrent les cuisses qu'ils couvrirent deux fois de graisse; et, posant par-dessus des morceaux sanglants, ils les rôtissaient avec des rameaux sans feuilles, et ils tenaient les entrailles sur le feu. Et quand les cuisses furent rôties et qu'ils eurent goûté aux entrailles, ils coupèrent le reste par morceaux qu'ils embrochèrent et firent rôtir avec soin, et ils retirèrent le tout. Et, après ce travail, ils préparèrent le repas, et aucun ne put se plaindre d'une part inégale. Puis, ayant assouvi la faim et la soif, le cavalier Gérennien Nestôr parla ainsi:
— Très glorieux roi des hommes, Atréide Agamemnôn, ne tardons pas plus longtemps à faire ce que Zeus nous permet d'accomplir. Allons! que les hérauts, par leurs clameurs, rassemblent auprès des nefs l'armée des Akhaiens revêtus d'airain; et nous, nous mêlant à la foule guerrière des Akhaiens, excitons à l'instant l'impétueux Arès.
Il parla ainsi, et le roi des hommes, Agamnemnôn, obéit, et il ordonna aux hérauts à la voix éclatante d'appeler au combat les Akhaiens chevelus. Et, autour de l'Atréiôn, les rois divins couraient çà et là, rangeant l'armée. Et, au milieu d'eux, Athènè aux yeux clairs portait l'Aigide glorieuse, impérissable et immortelle. Et cent franges d'or bien tissues, chacune du prix de cent boeufs, y étaient suspendues. Avec cette aigide, elle allait ardemment à travers l'armée des Akhaiens, poussant chacun en avant, lui mettant la force et le courage au coeur, afin qu'il guerroyât et combattît sans relâche. Et aussitôt il leur semblait plus doux de combattre que de retourner sur leurs nefs creuses vers la chère terre natale. Comme un feu ardent qui brûle une grande forêt au faîte d'une montagne, et dont la lumière resplendit au loin, de même s'allumait dans l'Ouranos l'airain étincelant des hommes qui marchaient.
Comme les multitudes ailées des oies, des grues ou des cygnes au long cou, dans les prairies d'Asios, sur les bords du Kaystrios, volent çà et là, agitant leurs ailes joyeuses, et se devançant les uns les autres avec des cris dont la prairie résonne, de même les innombrables tribus Akhaiennes roulaient en torrents dans la plaine du Skamandros, loin des nefs et des tentes; et, sous leurs pieds et ceux des chevaux, la terre mugissait terriblement. Et ils s'arrêtèrent dans la plaine fleurie du Skamandros, par milliers, tels que les feuilles et les fleurs du printemps. Aussi nombreux que les tourbillons infinis de mouches qui bourdonnent autour de l'étable, dans la saison printanière, quand le lait abondant blanchit les vases, les Akhaiens chevelus s'arrêtaient dans la plaine en face des Troiens, désirant les détruire. Comme les bergers reconnaissent aisément leurs immenses troupeaux de chèvres confondus dans les pâturages, ainsi les chefs rangeaient leurs hommes. Et le grand roi Agamemnôn était au milieu d'eux, semblable par les yeux et la tête à Zeus qui se réjouit de la foudre, par la stature à Arès, et par l'ampleur de la poitrine à Poseidaôn. Comme un taureau l'emporte sur le reste du troupeau et s'élève au-dessus des génisses qui l'environnent, de même Zeus, en ce jour, faisait resplendir l'Atréide entre d'innombrables héros.
Et maintenant, Muses, qui habitez les demeures Olympiennes, vous qui êtes déesses, et présentes à tout, et qui savez toutes choses, tandis que nous ne savons rien et n'entendons seulement qu'un bruit de gloire, dites les rois et les princes des Danaens. Car je ne pourrais nommer ni décrire la multitude, même ayant dix langues, dix bouches, une voix infatigable et une poitrine d'airain, si les Muses Olympiades, filles de Zeus tempétueux, ne me rappellent ceux qui vinrent sous Ilios. Je dirai donc les chefs et toutes les nefs.
Pènéléôs et Lèitos, et Arkésilaos, et Prothoènôr, et Klonios commandaient aux Boiôtiens. Et c'étaient ceux qui habitaient Hyriè et la pierreuse Aulis, et Skhoinos, et Skôlos, et les nombreuses collines d'Étéôn, et Thespéia, et Graia, et la grande Mikalèsos; et ceux qui habitaient autour de Harma et d'Eilésios et d'Érythra; et ceux qui habitaient Éléôn et Hilè, et Pétéôn, Okaliè et Médéôn bien bâtie, Kôpa et Eutrèsis et Thisbé abondante en colombes; et ceux qui habitaient Korônéia et Haliartos aux grandes prairies; et ceux qui habitaient Plataia; et ceux qui vivaient dans Glissa; et ceux qui habitaient la cité bien bâtie de Hypothèba, et la sainte Onkhestos, bois sacré de Poseidaôn; et ceux qui habitaient Arnè qui abonde en raisin, et Midéia, et la sainte Nissa, et la ville frontière Anthèdôn. Et ils étaient venus sur cinquante nefs, et chacune portait cent vingt jeunes Boiôtiens.
Et ceux qui habitaient Asplèdôn et Orkhomènos de Mynias étaient
commandés par Askalaphos et Ialménos, fils d'Arès. Et Astyokhè
Azéide les avait enfantés dans la demeure d'Aktôr; le puissant
Arès ayant surpris la vierge innocente dans les chambres hautes.
Et ils étaient venus sur trente nefs creuses.
Et Skhédios et Épistrophos, fils du magnanime Iphitos Naubolide, commandaient aux Phôkèens. Et c'étaient ceux qui habitaient Kiparissos et la pierreuse Pythôn et la sainte Krissa, et Daulis et Panopè; et ceux qui habitaient autour d'Anémôréia et de Hyampolis; et ceux qui habitaient auprès du divin fleuve Kèphisos et qui possédaient Lilaia, à la source du Kèphisos. Et ils étaient venus sur quarante nefs noires, et leurs chefs les rangèrent à la gauche des Boiôtiens.
Et l'agile Aias Oilèide commandait aux Lokriens. Il était beaucoup moins grand qu'Aias Télamônien, et sa cuirasse était de lin; mais, par la lance, il excellait entre les Panhellènes et les Akhaiens. Et il commandait à ceux qui habitaient Kynos et Kalliaros, et Bèssa et Scarphè, et l'heureuse Augéia, et Tarphè, et Thronios, auprès du Boagrios. Et tous ces Lokriens, qui habitaient au-delà de la sainte Euboiè, étaient venus sur quarante nefs noires.
Et les Abantes, pleins de courage, qui habitaient l'Euboia et Khalkis, et Eirétria, et Histiaia qui abonde en raisin, et la maritime Kèrinthos, et la haute citadelle de Diôs; et ceux qui habitaient Karistos et Styra étaient commandés par Éléphènôr Khalkodontiade, de la race d'Arès; et il était le prince des magnanimes Abantes. Et les Abantes agiles, aux cheveux flottant sur le dos, braves guerriers, désiraient percer de près les cuirasses ennemies de leurs piques de frêne. Et ils étaient venus sur quarante nefs noires.
Et ceux qui habitaient Athènes, ville forte et bien bâtie du magnanime Érékhtheus que nourrit Athènè, fille de Zeus, après que la terre féconde l'eut enfanté, et qu'elle plaça dans le temple abondant où les fils des Athènaiens offrent chaque année, pour lui plaire, des hécatombes de taureaux et d'agneaux; ceux-là étaient commandés par Ménèstheus, fils de Pétéos. Jamais aucun homme vivant, si ce n'était Nestôr, qui était plus âgé, ne fut son égal pour ranger en bataille les cavaliers et les porte boucliers. Et ils étaient venus sur cinquante nefs noires.
Et Aias avait amené douze nefs de Salamis, et il les avait placées auprès des Athènaiens.
Читать дальше