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Jane Austen: Orgueil et préjugés

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Jane Austen Orgueil et préjugés

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Orgueil et Préjugés (Pride and Prejudice) est un roman de la femme de lettres anglaise Jane Austen paru en 1813. Il est considéré comme l'une de ses œuvres les plus significatives et c'est aussi la plus connue du public. Drôle et romanesque, le chef-d'œuvre de Jane Austen continue à jouir d'une popularité considérable, par ses personnages bien campés, son intrigue soigneusement construite et prenante, ses rebondissements nombreux, et son humour plein d'imprévu. Derrière les aventures sentimentales des cinq filles Bennet, Jane Austen dépeint fidèlement les rigidités de la société anglaise au tournant des xviii et xix siècles. À travers le comportement et les réflexions d'Elizabeth Bennet, son personnage principal, elle soulève les problèmes auxquels sont confrontées les femmes de la petite gentry campagnarde pour s'assurer sécurité économique et statut social. À cette époque et dans ce milieu, la solution passe en effet presque obligatoirement par le mariage : cela explique que les deux thèmes majeurs d'Orgueil et Préjugés soient l'argent et le mariage, lesquels servent de base au développement des thèmes secondaires.

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Elle jouait agréablement, mais, après une ou deux ariettes, et avant qu’elle eût le temps de répondre aux instances qu’on lui fit de continuer, elle fut remplacée au piano par sa sœur Mary, qui, étant la seule de la famille qu’on ne pût louer sur sa beauté, avait beaucoup travaillé pour acquérir du talent et était impatiente de le montrer.

Mary n’avait ni goût ni génie; et encore que la vanité lui eût donné de l’application, elle lui avait aussi donné un certain air de pédanterie et de suffisance qui aurait gâté un plus haut degré de perfection que celui qu’elle avait atteint.

Élisabeth, simple, sans affectation, avait été écoutée avec plaisir, quoiqu’elle ne touchât pas, à beaucoup près, aussi bien que Mary: celle-ci, à la fin d’un très-long concerto, se trouva heureuse d’acheter quelques faibles louanges en jouant des airs écossais, à la demande de ses sœurs cadettes, qui, avec les jeunes Lucas et quelques officiers, se mirent à danser dans un des coins du salon.

M. Darcy les regardait en silence, indigné d’une telle manière de passer la soirée, qui le privait de toute conversation, et trop absorbé dans ses pensées pour s’apercevoir que sir William était près de lui; mais sir William lui adressa enfin la parole:

„Voilà une charmante récréation pour les jeunes gens, monsieur Darcy; il n’y a rien, après tout, de comparable à la danse; je la regarde comme un des plus grands raffinemens de la civilisation.

» — Je le crois, monsieur, et, de plus, elle a l’avantage d’être en vogue parmi les peuples les moins civilisés: les sauvages savent danser.“

Sir William sourit. „Votre ami joue son rôle parfaitement bien,“ continua-t-il, après un moment de silence, en voyant M. Bingley joindre le groupe, „et je ne doute nullement que vous ne soyez bien capable de suivre son exemple, monsieur Darcy?

» — Il me semble, Monsieur, que vous m’avez vu danser à Meryton?

» — Oui, Monsieur, et cela me fit grand plaisir. Dansez-vous souvent à Saint-James?

» — Jamais.

» — Vous avez, sans doute, une maison en ville?“

M. Darcy répondit par un salut affirmatif.

„J’avais eu quelque envie de me fixer à Londres, car j’aime la haute société; mais j’ai craint que l’air de la ville ne convînt pas à lady Lucas.“

Il se tut, espérant recevoir une réponse, mais M. Darcy n’était pas disposé à lui en faire; et en ce moment Élisabeth s’étant approchée d’eux, il lui vint à l’idée une galanterie; il l’appelle:

„Ma chère miss Éliza, lui dit-il, pourquoi ne dansez-vous pas? Monsieur Darcy, vous me permettrez de vous présenter cette demoiselle comme une danseuse fort désirable. Vous ne pouvez refuser de danser, je suis sûr, lorsqu’une si jolie femme est devant vous“; et prenant la main d’Élisabeth, il la donna à M. Darcy, qui, bien que surpris, n’était pas fâché de la recevoir; mais elle se retira en arrière et dit avec embarras à sir William:

„En vérité, monsieur, je n’ai point envie de danser; je vous conjure de ne pas croire que je me sois avancée de ce côté-ci pour mendier un danseur.“

M. Darcy, avec gravité, la pria de l’honorer de sa main, mais ce fut inutilement: Élisabeth était décidée, et sir William essaya en vain de changer sa résolution.

„Vous dansez si bien, Mademoiselle! Par votre refus, vous me privez d’un vrai plaisir; et, quoique monsieur ait, en général, peu de goût pour cet exercice, il ne peut se refuser à nous obliger pendant une demi-heure.

» — M. Darcy est un modèle de civilité, dit Élisabeth en souriant.

» — Cela est vrai, mais, considérant le motif, Mademoiselle, on ne saurait s’étonner de sa complaisance: qui est-ce qui pourrait refuser une telle danseuse?“

Élisabeth le regarda d’un air malin, et s’éloigna.

Son refus ne lui avait pas nui auprès de M. Darcy; au contraire, il pensait à elle avec plaisir lorsqu’il fut joint par Mlle Bingley.

„Je devine le sujet de votre rêverie, lui dit-elle.

» — Je ne le crois pas, Mademoiselle.

» — Vous pensez combien il serait ennuyeux de passer beaucoup de soirées comme celle-ci, avec une pareille société: je suis bien de votre avis, je ne m’étais jamais autant ennuyée; l’insipidité et le bruit, la petitesse et cependant les prétentions de tous ces gens-là… que ne donnerais-je pas pour vous entendre les critiquer!

» — Vous conjecturez mal, je vous jure; mon imagination était plus agréablement occupée; je méditais sur l’extrême plaisir que peuvent causer les beaux yeux d’une jolie femme.“

Mlle Bingley le regarda fixement et témoigna le désir de savoir laquelle de ces deux dames avait su lui inspirer ces réflexions. M. Darcy répondit avec assurance:

„Mlle Élisabeth Bennet.

» — Élisabeth Bennet! répéta miss Bingley, vous m’étonnez beaucoup; et depuis quand a-t-elle ce bonheur? Quand pourra-t-on vous faire compliment du vôtre?

» — Voilà justement la question à laquelle je m’attendais; l’imagination d’une femme est bien vive, elle passe en un instant de l’admiration à l’amour, et de l’amour au mariage. Je prévoyais votre compliment.

» — Oh! oh! si vous êtes si sérieux, je croirai que c’est un parti pris absolument. Vous aurez vraiment une charmante belle-mère, et qui, sans doute, sera toujours avec vous à Pemberley.“

Il l’écoutait avec une parfaite indifférence, et cette tranquillité l’ayant rassurée, elle s’égaya long-temps sur le même sujet.

CHAPITRE VII

La fortune de M. Bennet consistait presque entièrement en une terre de deux mille livres sterlings de rente, qui, malheureusement pour ses filles, était substituée, au défaut d’héritier mâle, à un parent éloigné; et celle de leur mère, quoique considérable pour son état, ne devait les dédommager que faiblement. Son père, procureur à Meryton, lui avait laissé en mourant quatre mille livres sterlings.

Elle avait une sœur mariée à un M. Philips, jadis clerc de leur père, depuis son successeur, et un frère établi à Londres dans une haute branche de commerce.

Le village de Longbourn n’était qu’à un mille de Meryton, distance fort commode pour les demoiselles Bennet, qui y allaient ordinairement, deux ou trois fois par semaine, rendre visite à leur tante et à un magasin de modes qui se trouvait de l’autre côté de la rue. Les deux plus jeunes de la famille, Catherine et Lydia, s’y rendaient encore plus fréquemment; leur imagination était moins occupée que celle de leurs sœurs et, lorsqu’elles n’avaient rien de mieux à faire, une promenade à Meryton venait fort à propos pour les amuser durant la matinée et leur fournir un sujet de conversation pour l’après-midi.

Leur tante leur apprenait toujours quelques nouvelles, et en ce moment elles se trouvaient agréablement occupées par l’arrivée d’un régiment qui devait passer l’hiver dans les environs, et dont Meryton était le quartier-général.

Les visites à Mme Philips devinrent donc la source des nouvelles les plus intéressantes; chaque jour elles apprenaient le nom de quelques officiers, puis elles surent leurs demeures, et enfin elles firent connaissance avec eux. M. Philips les voyait tous, et par là il procura à ses nièces d’intéressantes relations qui jusqu’alors leur avaient été inconnues. Elles ne parlaient plus que de militaires, et la fortune de M. Bingley, dont l’idée seule faisait sourire leur mère, n’était à leurs yeux qu’une bagatelle, comparée à l’uniforme d’un sous-lieutenant.

Un matin, après avoir écouté leurs épanchemens à ce sujet, M. Bennet leur dit froidement:

„Tout ce que je puis conclure de vos discours, c’est que vous êtes bien deux des plus folles filles du pays; il y a long-temps que je m’en doutais, j’en suis maintenant convaincu.“

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