Jane Austen - Orgueil et préjugés

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Orgueil et Préjugés (Pride and Prejudice) est un roman de la femme de lettres anglaise Jane Austen paru en 1813. Il est considéré comme l'une de ses œuvres les plus significatives et c'est aussi la plus connue du public.
Drôle et romanesque, le chef-d'œuvre de Jane Austen continue à jouir d'une popularité considérable, par ses personnages bien campés, son intrigue soigneusement construite et prenante, ses rebondissements nombreux, et son humour plein d'imprévu. Derrière les aventures sentimentales des cinq filles Bennet, Jane Austen dépeint fidèlement les rigidités de la société anglaise au tournant des xviii et xix siècles. À travers le comportement et les réflexions d'Elizabeth Bennet, son personnage principal, elle soulève les problèmes auxquels sont confrontées les femmes de la petite gentry campagnarde pour s'assurer sécurité économique et statut social. À cette époque et dans ce milieu, la solution passe en effet presque obligatoirement par le mariage : cela explique que les deux thèmes majeurs d'Orgueil et Préjugés soient l'argent et le mariage, lesquels servent de base au développement des thèmes secondaires.

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M. Bingley hérita de cent mille livres sterlings à la mort de son père, dont l’intention avait été d’acheter une terre. Son fils le désirait également; mais ayant maintenant la possession d’une maison et d’un parc fort agréables, ceux qui connaissaient la facilité de son caractère pensaient qu’il pourrait bien passer sa vie à Netherfield et laisser à ses successeurs le soin de faire cette acquisition.

Ses sœurs désiraient qu’il possédât une terre; mais, bien qu’il eût seulement loué Netherfield, miss Bingley consentit avec plaisir à faire les honneurs de sa table, et Mme Hurst, qui avait épousé un homme à la mode, mais peu riche, était aussi très-disposée à considérer, quand cela l’accommodait, la maison de son frère comme la sienne.

M. Bingley n’avait pas été majeur deux ans lorsqu’il fut tenté, par la recommandation d’un de ses amis, de visiter le château de Netherfield: il le considéra pendant une demi-heure, fut charmé de la beauté de la vue, satisfait des avantages dont le propriétaire l’assurait, et l’arrêta sur-le-champ.

En dépit de la différence du caractère de Bingley et de Darcy, il existait entre eux une sincère amitié: la franchise, la vivacité, la flexibilité d’humeur de Bingley l’avaient rendu cher à Darcy. Bingley comptait réellement sur l’attachement de Darcy, et avait une haute opinion de son jugement; Darcy avait plus de pénétration que son ami. Bingley n’était certainement pas un sot; mais Darcy était instruit. Ce dernier était également fier, réservé, dédaigneux, et ses manières, quoique distinguées, n’étaient point engageantes. De ce côté-là, son ami avait sur lui de grands avantages: Bingley, partout où il se présentait, était sûr d’être aimé; Darcy offensait continuellement quelqu’un. Leur conversation au sujet du bal de Meryton peut donner une idée de leurs caractères. Bingley n’avait de sa vie rencontré autant de gens aimables ni de plus jolies femmes; il avait reçu mille marques de civilité, et n’y avait vu ni roideur ni cérémonie. Il eut bientôt fait connaissance avec toutes les personnes de l’assemblée; et quant à Mlle Bennet, rien, selon lui, ne pouvait la surpasser. Darcy, au contraire, n’avait vu qu’une réunion de personnes qui possédaient peu de beauté et point d’élégance; nulle d’elles ne lui avait inspiré le moindre intérêt, fait la plus légère politesse ou procuré un instant de plaisir. Il avoua que Mlle Bennet était jolie, mais qu’elle souriait trop souvent. Mme Hurst et miss Bingley furent de son avis; cependant elles avaient trouvé Mlle Bennet à leur gré, et dirent qu’elles seraient charmées de cultiver sa connaissance. On prononça donc qu’Hélen était charmante, et Bingley se crut par là autorisé à en penser ce qu’il voulait.

CHAPITRE V

À peu de distance de Longbourn vivait une famille avec laquelle les Bennet étaient étroitement liés. Sir William Lucas, autrefois négociant à Meryton, possédait une jolie fortune. Ayant exercé honorablement l’office de maire, il avait obtenu du roi le titre de chevalier. Cette faveur avait peut-être été trop fortement sentie; car elle le dégoûta de son commerce et de la petite ville où il demeurait; il les quitta tous deux et vint, avec sa famille, habiter une maison à un mille de Meryton, connue depuis sous le nom de Lucas-Lodge. Ici, il pouvait penser avec plaisir à sa nouvelle dignité et, libre de toute affaire, s’occuper uniquement à fêter ses voisins; car, quoique vain de son titre, il n’était point dédaigneux: au contraire, il ne se plaisait qu’à combler d’honnêtetés tous ceux qui le fréquentaient. Naturellement doux, amical et obligeant, sa présentation à Saint-James l’avait mis tout à fait sur le pied d’homme de cour.

Lady Lucas était une bonne femme, d’un esprit très-ordinaire. Ils avaient plusieurs enfans, dont une fille, entre autres, âgée de vingt-sept ans, douée d’autant d’esprit que de sensibilité, amie intime d’Élisabeth. Se voir et causer ensemble du bal de la veille était pour les demoiselles une chose indispensable. Le lendemain donc, la famille Lucas se rendit à Longbourn, et d’abord: „Vous commençâtes bien votre soirée d’hier, Charlotte, dit Mme Bennet; vous avez dansé la première avec M. Bingley.

» — Oui, mais son second choix…

» — Oh! vous voulez dire Hélen; il l’a demandée deux fois. Il est vrai que cela pouvait faire croire qu’il la trouvait à son goût: je m’en suis un peu doutée; je sais qu’il en a dit quelque chose à M. Robinson.

» — Peut-être parlez-vous de la conversation qu’il eut avec M. Robinson; ne vous ai-je pas dit que je l’avais entendue? M. Robinson lui demandait comment il trouvait l’assemblée de Meryton; s’il ne croyait pas qu’il y eût beaucoup de jolies femmes dans ce salon, et laquelle il trouvait la plus belle. À cette dernière question, il répondit avec vivacité: „Oh! l’aînée des demoiselles Bennet; il ne peut y avoir deux opinions sur ce point.

» — Ah! ah! vraiment, c’était se déclarer assez; cela aurait un air de…; mais ce ne sont que des conjectures.

» — Mes rapports sont plus flatteurs pour votre mère que les vôtres, Éliza, dit Charlotte; il vaut mieux écouter M. Bingley que son ami, n’est-ce pas? Pauvre Éliza! n’être que passable!

» — Je vous prie de ne point persuader à Lizzy qu’elle doive s’offenser de cette impertinence; car c’est un homme si ennuyeux que je serais fâchée qu’elle lui eût plu. Mme Long m’a dit, hier au soir, qu’il avait été assis auprès d’elle pendant plus d’une demi-heure, mais n’avait pas daigné ouvrir la bouche.

» — En êtes-vous bien sûre, maman? Je crois que vous vous trompez, j’ai certainement vu M. Darcy lui parler, dit Hélen.

» — Oh! parce qu’elle lui demanda s’il aimait Netherfield, il fut obligé de répondre; mais il paraissait très-fâché qu’on eût pris la liberté de lui adresser la parole.

» — Mlle Bingley m’a dit, reprit Hélen, qu’il parlait fort peu aux étrangers, mais qu’avec ses amis il était extrêmement aimable.

» — Je ne le crois pas, ma chère; s’il avait été si aimable, il eût causé avec Mme Long. Mais je me doute bien de ce qu’il en est: on dit qu’il est d’une fierté intolérable, et je pense qu’il aura su que Mme Long n’avait point d’équipage, et qu’elle était venue au bal dans une chaise de poste.

» — Je me soucie fort peu qu’il ait parlé ou non à Mme Long, dit miss Lucas, mais j’aurais voulu qu’il eût dansé avec Éliza.

» — Une autre fois, Lizzy, lui dit sa mère, je le refuserais, si j’étais à votre place.

» — Je crois, maman, que je puis avec sûreté vous promettre de ne jamais danser avec lui.

» — Sa fierté, dit Mlle Lucas, ne me paraît pas aussi ridicule que la fierté le semble ordinairement; car on ne peut guère s’étonner qu’un jeune homme beau, riche et d’une famille distinguée pense bien de lui-même. Je crois qu’il a le droit d’être fier, si j’ose m’exprimer ainsi.

» — Cela est très-vrai, répondit Élisabeth; et je lui pardonnerais facilement sa fierté s’il n’eût blessé la mienne.

» — L’orgueil, observa Mary, qui se piquait de réfléchir et de moraliser, est de tous les vices, je crois, le plus commun. Par tout ce que j’ai lu, je suis convaincue que c’est une faiblesse attachée à la nature humaine et qu’il y a peu de personnes qui ne tirent vanité de quelques qualités réelles ou imaginaires. La vanité et la fierté sont deux choses bien différentes; une personne peut être fière sans être vaine. La fierté provient ordinairement de l’opinion que nous avons de nous-mêmes, et la vanité de celle que nous désirons que les autres aient de nous.

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