Jane Austen - Orgueil et préjugés

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Orgueil et Préjugés (Pride and Prejudice) est un roman de la femme de lettres anglaise Jane Austen paru en 1813. Il est considéré comme l'une de ses œuvres les plus significatives et c'est aussi la plus connue du public.
Drôle et romanesque, le chef-d'œuvre de Jane Austen continue à jouir d'une popularité considérable, par ses personnages bien campés, son intrigue soigneusement construite et prenante, ses rebondissements nombreux, et son humour plein d'imprévu. Derrière les aventures sentimentales des cinq filles Bennet, Jane Austen dépeint fidèlement les rigidités de la société anglaise au tournant des xviii et xix siècles. À travers le comportement et les réflexions d'Elizabeth Bennet, son personnage principal, elle soulève les problèmes auxquels sont confrontées les femmes de la petite gentry campagnarde pour s'assurer sécurité économique et statut social. À cette époque et dans ce milieu, la solution passe en effet presque obligatoirement par le mariage : cela explique que les deux thèmes majeurs d'Orgueil et Préjugés soient l'argent et le mariage, lesquels servent de base au développement des thèmes secondaires.

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„Allons, Darcy, dit-il, à quoi pensez-vous? Je ne puis souffrir de vous voir ainsi à rien faire, vous feriez bien de danser.

» — Bien certainement je n’en ferai rien, vous savez combien je déteste la danse, à moins que je n’aie une danseuse avec laquelle je sois lié; vos sœurs sont engagées, et il n’y a pas une autre femme dans le salon à qui je donnerais la main avec plaisir.

» — Je ne voudrais pas être aussi difficile que vous pour tout l’or du monde, s’écria Bingley, sur mon honneur je n’ai jamais vu autant de jolies femmes, et il y en a plusieurs qui sont très-aimables.

» — Vous dansez maintenant avec la seule belle personne qu’il y ait ici,“ dit Darcy, en regardant l’aînée des demoiselles Bennet.

» — Oh! elle est d’une rare beauté! mais voilà une de ses sœurs assise derrière vous, qui ne lui cède guères, et je la crois aussi très-agréable; laissez-moi demander à ma danseuse la permission de vous présenter.

» — Laquelle voulez-vous dire?“ Et, s’étant retourné, il considéra un instant Elisabeth, puis répondit froidement: „Elle est passable, mais pas assez belle pour me tenter, d’ailleurs je ne suis pas homme à prendre soin des délaissées; mais vous perdez votre temps avec moi, vous feriez mieux d’aller jouir des sourires gracieux de votre dame.“

M. Bingley suivit son avis. M. Darcy passa à l’autre bout du salon, laissant Elisabeth très-peu prévenue en sa faveur; elle raconta cependant avec gaîté ce qu’elle venait d’entendre, car, douée d’un caractère vif et enjoué, les choses ridicules la divertissaient merveilleusement.

Cette soirée se passa d’une manière très-agréable pour la famille Bennet; la mère avait vu sa fille aînée fort admirée par la société de Netherfield; ces dames s’étaient plues à causer avec elle, et M. Bingley deux fois l’avait fait danser: le plaisir qu’en éprouvait Hélen fut aussi vif que celui de sa mère, mais elle en parla bien moins. Élisabeth partageait la satisfaction de sa sœur; quant à Mary, le bonheur de s’être entendu nommer aux dames Bingley comme une jeune personne des plus accomplies la rendait toute glorieuse; et Kitty et Lydia, ayant eu la bonne fortune de ne point manquer de danseurs, étaient aussi au comble de la joie.

Elles retournèrent donc fort gaîment au petit village de Longbourn où elles demeuraient, et dont leur père était le plus riche habitant.

Elles trouvèrent M. Bennet dans son cabinet; avec un livre, le temps lui paraissait toujours court; d’ailleurs il était curieux de savoir l’issue d’une soirée qui avait donné lieu à tant de calculs et de projets. Il espérait que tous les desseins de sa femme sur l’étranger auraient échoué; mais il s’aperçut bientôt qu’elle avait une histoire bien différente à lui raconter.

„Oh! mon cher M. Bennet, dit-elle en entrant, nous avons eu un charmant bal, j’aurais bien voulu que vous y fussiez; Hélen a été tant admirée, c’était à qui lui donnerait le plus de louanges, M. Bingley l’a trouvée charmante et l’a fait danser deux fois; c’est très-vrai, mon cher, il a dansé deux fois avec elle, et c’est la seule demoiselle qu’il ait demandée une seconde fois! D’abord il avait pris Mlle Lucas, j’étais toute déconcertée de le voir danser avec elle; mais il ne l’a pas admirée, il est certain que cela n’est pas possible, elle est si laide; il a paru surpris en voyant Hélen descendre la contredanse, a demandé qui elle était, s’est fait présenter à elle et l’a engagée pour la seconde danse; pour la troisième, il a choisi miss King, la quatrième Marie Lucas, la cinquième Hélen, la sixième Lizzy, ainsi que pour la boulangère.

» — S’il avait eu pitié de moi, s’écria le mari, il n’eût pas tant dansé. Pour l’amour de Dieu ne me parlez plus de contredanses; oh! je voudrais qu’à la première il se fût donné une entorse!

» — Ah! mon cher, continua Mme Bennet, si vous saviez combien je suis heureuse, M. Bingley est si aimable et ses sœurs sont des femmes charmantes; je n’ai jamais rien vu d’aussi élégant que la robe de Mme Hurst, je suis sûre que sa garniture de dentelle…“

Ici, elle fut interrompue par M. Bennet, qui déclara qu’il ne voulait point écouter les détails de leurs toilettes; elle fut donc obligée de chercher un autre sujet de conversation, et lui raconta avec amertume et exagération la malhonnêteté de M. Darcy.

„— Mais je puis vous assurer, ajouta-t-elle, que Lizzy n’a point beaucoup perdu de n’être pas à son goût, car c’est un homme extrêmement désagréable et qui ne vaut pas la peine qu’on cherche à lui plaire. Il est si fier, si suffisant, qu’en vérité on ne saurait le voir sans déplaisir; il marchait çà et là, se croyant un personnage d’une si grande importance! Pas assez belle pour danser avec lui! Je vous ai bien désiré, mon cher, vous lui eussiez rabattu le caquet; je le déteste vraiment.“

CHAPITRE IV

Quand Hélen et Élisabeth furent seules, la première, qui jusque là avait été silencieuse sur le compte de M. Bingley, dit à sa sœur combien elle l’avait trouvé aimable.

„Il est justement ce qu’un jeune-homme doit être, dit-elle, sensé, gai et affable; je n’avais pas encore vu quelqu’un unir des manières aussi distinguées à tant d’aisance et si peu de fatuité.

» — Il est aussi fort joli homme, reprit Élisabeth, ainsi le voilà un être parfait.

» — J’ai été très-flattée qu’il m’ait deux fois demandé à danser, je ne m’attendais pas à cet empressement.

» — Vous ne vous y attendiez pas? Eh bien! moi, je m’y attendais; mais voilà la différence entre nous deux, les complimens vous surprennent toujours, et moi jamais: quoi de plus naturel que de vous demander une seconde fois? Il était impossible qu’il ne vît point que vous étiez la plus belle personne du bal. — Je ne le remercie point de cette galanterie. — Après tout, il est fort agréable; je vous permets de le trouver tel, vous en avez admiré de bien plus sots.

» — Chère Lizzy!

» — Ah! vous êtes beaucoup trop facile à aimer tout le monde en général; vous ne voyez jamais les défauts des autres, toutes les personnes que vous connaissez sont bonnes et aimables à vos yeux, je ne vous ai de ma vie entendu dire du mal de qui que ce fût.

» — Je ne voudrais pas être trop prompte à censurer n’importe qui; mais je dis toujours ce que je pense.

» — Je le sais, et voilà justement pourquoi je m’étonne qu’avec votre bon sens vous ne voyiez jamais les folies et les sottises des autres. Afficher la candeur est une chose très-commune, on voit cela partout; mais être franche sans désirer le paraître, savoir discerner les bonnes qualités de chacun, les exagérer sans le vouloir et ne jamais parler de leurs défauts, voilà ce que vous seule savez faire. Eh bien, sans doute, vous aimez aussi les sœurs de M. Bingley? Leurs manières cependant ne peuvent être comparées aux siennes.

» — Non certainement pas au premier abord, mais elles causent agréablement. Miss Bingley doit vivre avec son frère, et je me tromperais bien si nous ne trouvions en elle une charmante voisine.“

Élisabeth écouta en silence, mais ne fut pas convaincue. Douée d’une grande pénétration, d’un caractère moins facile que sa sœur et d’un jugement froid que des attentions personnelles ne pouvaient influencer, elle était très-peu portée à admirer ces dames; d’ailleurs, leur conduite au bal n’en avait pas donné, en général, une idée très-favorable.

C’étaient, en un mot, des élégantes affichées, extrêmement fières et suffisantes; mais pouvant, lorsqu’elles le voulaient, être gaies et aimables. Elles étaient assez belles, avaient été élevées dans une des premières pensions de Londres, possédaient une fortune de vingt mille livres sterl., et savaient fort bien dépenser plus que leurs revenus. Elles fréquentaient les gens du bel air, et ainsi étaient naturellement portées à bien penser d’elles, et mal des autres. Elles appartenaient à une famille respectable du Nord de l’Angleterre, et la fortune de leur frère, ainsi que la leur, avait été acquise dans le commerce, circonstance qui leur déplaisait fort et qu’elles auraient bien voulu faire oublier.

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