« Ce n’est pas ce que je voulais dire te concernant, dit-elle. Je ne savais pas que…
– Tu as élaboré une théorie, dit Shelley. Je sais que tu ne penses pas que je suis une mauvaise personne, donc tu dois déjà reconnaître que ton hypothèse n’était pas totalement juste. Il n’y a pas que les criminels et les idiots qui se font tatouer.
Zoe acquiesça, mesurant prudemment ses mots. « J’admets qu’un signe de respect en mémoire d’un être cher et disparu peut aussi être une raison valable pour s’engager dans une telle démarche.
– C’est au moins un progrès, » dit Shelley. Elle souriait à nouveau, et Zoe avait l’impression que c’était encore à ses dépens. Mais elle s’était trompée et avait dit quelque chose qui aurait pu être blessant, cela semblait donc justifié. « Comment avance ta recherche ? »
Zoe saisit l’allusion peu subtile et retourna à son écran, où les dossiers de police de Clay Jackson avaient enfin fini de se télécharger. Elle siffla doucement, secouant la tête devant la longueur des résultats qui étaient apparus. « Il a bien un casier. On dirait qu’il était membre d’un gang local, comme nous le suspections. »
C’était maintenant au tour de Shelley de se pencher par-dessus l’épaule de Zoe. Elles parcoururent ensemble les résultats. Ils ne racontaient pas une belle histoire.
Clay Jackson avait fait partie d’un gang de Los Angeles, une équipe de rue notoirement impliquée dans le trafic illégal de drogues, entre autres choses. Le genre de drogues auxquelles Callie avait touché. Il n’était pas difficile de deviner où elle avait pu s’approvisionner.
Les tatouages de Clay n’étaient que le début. Il avait été un pilier du gang, soupçonné d’avoir mené des attaques sur le territoire de ses rivaux et d’avoir été le cerveau à l’initiative de plusieurs affaires ayant permis de mettre le gang en rapport avec des fournisseurs et des acheteurs. Il avait fait l’objet de plusieurs avertissements, pour détention de drogue et d’armes, chacune ayant été suivie d’une arrestation en bonne et due forme, et de diverses sanctions. Il avait passé un certain temps en prison, entrant et sortant au bout de quelques mois à chaque fois, jamais pour des motifs suffisamment graves pour tomber pour de bon.
Jusqu’au jour où tout cela s’était terminé dans une ruelle, son corps laissé dans une mare de sang et découvert par la police, après que des coups de feu aient été signalés par les habitants du quartier. Il n’y eut jamais de preuve tangible quant à l’identité du coupable, seulement des liens circonstanciels et des soupçons, qui étaient facilement repérables dans le déroulé des interrogatoires et des arrestations qui suivirent le crime.
« Regarde ça, » fit remarquer Zoe en pointant du doigt son écran. « La seule accusation qu’ils ont réussi à faire tenir pendant toute l’enquête était la possession d’une arme à feu illégale. C’était l type qu’ils suspectaient de l’avoir fait, mais ils n’ont pas pu le prouver. C’est tout ce qu’ils ont pu obtenir de lui. Il en a pris pour cinq ans.
– Fais une recherche sur lui, dit Shelley. Quel est son nom ? Cesar Diaz ?
– C’est ça, » répondit Zoe, en attendant que la page s’actualise. « Son gang avait des liens étroits avec les cartels mexicains. Il paraîtrait qu’ils se seraient battus pour le territoire. Pour savoir qui avait le droit de vendre dans cette zone.
– Tout concorde. Si Clay était un gros bonnet dans son organisation, obtenant de nouvelles affaires et concluant de nouvelles ventes, alors leurs rivaux auraient voulu le mettre sur la touche en particulier. Et déclarer sans ambiguïté qui sont les maîtres. »
L’information au sujet de César Diaz clignota sur l’écran.
Elles lurent ensemble la dernière mise à jour, puis marquèrent une pause et se regardèrent l’une l’autre.
C’était énorme.
« Cesar Diaz a été libéré sur parole il y a quelques mois, » dit Shelley, à voix haute.
« César Diaz est dans les rues, et cherche peut-être à se venger. Ça expliquerait pour Callie. Faire disparaître les choses auxquelles Clay tenait, pour annoncer son retour avec retentissement, montrer qu’il ne s’est pas adouci. Qu’il est toujours aux commandes.
– Mais qu’en est-il de John Dowling ? Cela n’a toujours pas de sens pour moi. » Shelley fronça les sourcils. « Y a-t-il un lien entre John et Cesar ? »
Zoe parcourut la page, à la recherche de tout ce qui pouvait en ressortir. Visiblement, sans succès. Sur un coup de tête, elle revint à l’affichage précédent, accédant au profil de Clay Jackson.
Sous son nom et son image, ainsi que ses données d’état civil, se trouvaient quelques liens qui menaient à des sections plus conséquentes. L’un de ces liens concernait les affiliations connues, et Zoe cliqua sur celui-ci pour continuer à parcourir le texte.
« Attends une seconde, » dit-elle, remarquant quelque chose qui lui revint en mémoire. « Alicia Smith. Ça semble être un nom banal, mais…
Elle se leva, récupérant le dossier de John Dowling sur la table du milieu, là où elles l’avaient laissé. Elle feuilleta quelques pages avant de trouver enfin ce qu’elle cherchait.
« Qu’est-ce que c’est ? » demanda Shelley, la regardant d’un air anxieux, ses doigts jouant avec le sautoir en forme de flèche qui pendait autour de son cou.
« Alicia Smith. Interrogée il y a quelques jours par des officiers en uniforme dans le cadre de l’enquête sur la mort de John Dowling.
– Quel est son lien ? »
Zoe sourit, quelque peu victorieuse. « Alicia Smith est la mère de John Dowling.
– Mais que… » Shelley se pencha en avant, examinant à nouveau l’écran. « Attends. Alicia Smith est aussi la tante de Clay Jackson, du côté de sa mère.
– John Dowling est le cousin de Clay Jackson. C’est ainsi qu’il est lié à Callie Everard. »
Et d’un coup, toutes les pièces se mettaient en place.
Shelley se mit en action, tapant sur l’écran de Zoe et déplaçant la souris avec frénésie, tandis que la page se rechargeait. « J’ai les détails de la libération conditionnelle de Cesar Diaz. On ferait mieux d’aller lui rendre visite.
Zoe regardait du côté de la pièce où elle s’était rendue pour examiner ostensiblement les certificats accrochés au mur. De là, elle pouvait voir et écouter, mais elle ne se sentait pas de prendre part à la conversation avant d’en être prête.
Craig Lopez ne ressemblait pas à un agent de libération conditionnelle ordinaire, du moins pas à l’image qui venait à l’esprit en évoquant le terme. Il était costaud, mesurait un mètre quatre-vingt-treize et pesait environ quatre-vingt-dix kilos. Par ailleurs, la plupart des muscles qui dépassaient du polo qu’il portait étaient abondamment tatoués. Des gribouillis aux œuvres d’art élaborées, il apparaissait évident qu’il s’imbibait d’encre depuis très longtemps.
Puis il y avait la cicatrice irrégulière sur le côté de son cou, là où une balle avait autrefois traversé sa chair sans le tuer.
De toute évidence, il avait été embauché en raison de son profile unique. Ayant été membre de plusieurs gangs dans sa jeunesse, il pouvait s’adresser à ceux qui y trempaient encore, d’égal à égal. Il connaissait leurs codes.
« César a de nouveau des ennuis, » demanda-t-il, l’air grave et déçu. « Il m’a juré qu’il allait arrêter. Quitter le gang pour quelque chose de mieux.
– Nous n’en sommes pas encore sûres, précisa Shelley. Nous devons l’interroger. »
Craig ouvrit le tiroir d’un classeur et en feuilleta le contenu, avant d’en extraire une feuille de papier. « Voici son adresse de libération conditionnelle. Vous devez procéder avec prudence. S’il est à nouveau mêlé à des affaires de gang, il aura probablement une garde rapprochée. Il a fait de la prison à leur place, il a par conséquent acquis un certain prestige. Ils voudront le protéger. Si vous y allez toutes griffes dehors, ils pourraient mal réagir.
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